L'affaire Mortara, riche de liens avec les grands événements de l'époque, permet d'entrevoir les principales forces en présence à la fin des années 1850 et des années 1860. C'est une excellente illustration des conceptions du Saint-Siège sur son pouvoir temporel ou de ses rapports avec les idées libérales du XIX.
Elle constitue l'un des épisodes les plus significatifs de l'unification italienne et Pie IX écrivit avec raison à son protégé (1867):
« Tu m'es très cher, mon petit garçon, car je t'ai acquis à un dur prix pour Jésus-Christ. C'est un fait. J'ai payé fort cher ta rançon. Ton cas a déchaîné une tempête mondiale contre le Saint-Siège et moi-même. Les gouvernements et les peuples, les dirigeants de ce monde comme les journalistes - qui sont les vrais puissants de notre temps - m'ont déclaré la guerre. Les monarques eux-mêmes ont décidé de me combattre, et leurs ambassadeurs m'ont abreuvé de notes diplomatiques, et tout cela à cause de toi... Les gens se sont plaints du tort causé à tes parents du fait que tu avais été régénéré par la grâce du saint baptême et élevé selon le désir de Dieu. Mais, pendant tout ce temps. Personne ne s'est soucié de moi, père de tous les croyants. »
[...] Kertzer remarque que les biographes de Pie IX font le lien entre la manière dont le pape traita l'affaire Mortara en 1858 et la perte de la quasi-totalité de son royaume terrestre l'année suivante. Cette affaire, estime Giacomo Martina (1986), «montre le zèle profond de Pie IX, son opiniâtreté à faire ce qu'il considérait comme être de son devoir, même s'il devait lui en coûter sa popularité et surtout, le soutien français de son pouvoir temporel En juin 1859, le pouvoir pontifical s'effondrait à Bologne. [...]
[...] Les amis des Mortara cherchèrent à obtenir le soutien des responsables du ghetto juif de Rome, seuls juifs d'Italie ayant accès au pape. Cette communauté, la plus ancienne d'Europe ( ans), n'osa pas trop élever la voix, d'une part parce qu'elle était plus surveillée que les autres, et d'autre part parce qu'elle ne voulait pas se montrer ingrate envers Pie IX. Ce dernier, en effet, après avoir créé une commission pour enquêter sur les conditions de vie des juifs, avait supprimé les sermons obligatoires et les rites infamants du carnaval, fait abattre les portes du ghetto malgré l'opposition du peuple romain et permis aux habitants les plus nantis de prendre domicile hors de ses murs. [...]
[...] David KERTZER, Pie IX et l'enfant juif, l'enlèvement d'Edgardo Mortara, Paris pour la traduction française L'auteur, fils d'un rabin américain aumônier en Italie pendant la guerre mondiale, est professeur de sciences sociales à la Paul Dupee University et d'anthropologie et d'histoire à la Brown University. Bien que plutôt spécialiste de l'histoire sociale des masses populaires italiennes, David Kertzer s'est arrêté sur le cas Mortara, si célèbre en son temps, parce qu'il n'a pas retenu de la part des historiens l'attention qu'il mérite. [...]
[...] Le retentissement de cette affaire se marqua : - par la place qu'elle occupa dans la presse du temps. Il est évident que les journaux juifs ou des opposants au pouvoir temporel de l'Eglise romaine présentaient une version de l'enlèvement ou de l'attitude d'Edgardo vis-à- vis du judaïsme / catholicisme différente de celle qu'on pouvait lire dans la Civiltà Cattolica, organe non officiel de la papauté, ou L'Univers de Louis Veuillot (qui rencontra Edgardo Mortara). Il faut noter que la presse catholique italienne fut unanime dans son soutien à la position du Vatican : le temps était venu de s'unir derrière le pape, non de montrer des signes de faiblesses à l'ennemi. [...]
[...] Les monarques eux-mêmes ont décidé de me combattre, et leurs ambassadeurs m'ont abreuvé de notes diplomatiques, et tout cela à cause de toi . Les gens se sont plaints du tort causé à tes parents du fait que tu avais été régénéré par la grâce du saint baptême et élevé selon le désir de Dieu. Mais, pendant tout ce temps. personne ne s'est soucié de moi, père de tous les croyants.» Le 24 juin 1858, sur l'ordre de l'Inquisiteur de Bologne, seconde ville des Etats pontificaux, Edgardo Mortara ans), le sixième des huit enfants d'une famille de modestes commerçants juifs, fut retiré des mains de ses parents pour être élevé chrétiennement par l'Eglise catholique. [...]
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