Qu'est-ce que la culture de masse ? Dominique Kalifa, historien et professeur à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, et à l'IEP de Paris, définit cette notion comme étant « l'ensemble des productions, des pratiques, des valeurs modelées par les agents de l'industrie culturelle ». A première vue, la réponse à cette question se révèle cependant plus complexe qu'elle n'y paraît. L'expression même de « culture de masse » révèle intrinsèquement certaines ambiguïtés (qu'entend-on par « masse » ?). Les connotations alarmistes autour de la notion se sont multipliées en condamnant ses effets pervers tels que « nivellement, aliénation et endoctrinement ». Certains y ont même vu un processus « [programmant] l'autodestruction de la Raison et le déclin de la conscience critique ».
L'originalité de la démarche de Dominique Kalifa qui s'inscrit dans une conception historiographique plus récente réside dans une nouvelle périodisation du phénomène. Selon lui, il ne faut pas dater son apparition au lendemain de la Première Guerre mondiale, puisque (et c'est là sa thèse), l'ère de mutations et de bouleversements économiques, sociaux, politiques, et culturels du XIXe siècle est propice à l'émergence de ce que l'auteur appelle « le premier âge de la culture de masse », ou plus simplement un « régime culturel inédit ». En effet, le grand tournant serait la décennie 1860, avec l'entrée dès 1890 dans ce que messire Vallotton appelle « l'âge du papier », et le règne de l'opinion publique.
Son ouvrage pourrait se découper en trois grands mouvements. Dominique Kalifa accorde tout d'abord, une grande importance à « l'imprimé » (qu'il soit journal, ou livre) auquel se confronte une part croissante d'individus. Dans un deuxième temps, il s'intéresse plus particulièrement aux bouleversements concernant le spectacle qui devient une réelle industrie, en se focalisant plus longuement sur le spectacle cinématographique dont le plein essor est aussi à l'origine de l'apparition de cette culture de masse. Enfin, il montre comment les progrès et la démocratisation des produits culturels favorisent l'émergence d'une véritable industrie du loisir, elle-même au cœur du processus de « culture de masse », en s'interrogeant en dernier lieu sur cette image galvaudée de « mauvaise culture ».
[...] En effet, elle engendrait bien souvent des produits culturels de base peu travaillés. Dès la Monarchie de Juillet, l'on avait commencé à condamner le mal que pouvait apporter une culture des masses, pernicieuse, qui était aussi dangereuse pour l'ordre social. Certains vont même jusqu'à parler d'endoctrinement. Cependant, pour Dominique Kalifa, ce débat sur une possible mauvaise culture est tout autant à l'origine de cette culture de masse que les vecteurs culturels eux-mêmes. Bien évidemment, l'Histoire tend à prouver que la culture de masse est un processus néfaste puisqu'il endoctrine les masses, les asservit, et mène aux Etats totalitaires avec la propagande. [...]
[...] Nous allons donc voir comment l'on passe d'un spectacle des rues à une institutionnalisation de ce dernier avec le café-concert, le music-hall notamment. Nous constaterons l'impact qu'eurent les Expositions universelles pour les masses, et le sport. Enfin, nous analyserons le rôle tout particulier du cinéma et de sa démocratisation surtout. Le temps libre, la hausse des salaires, et les souhaits de massification culturelle entrainent un formidable essor des loisirs, même si ces derniers ne sont pas accessibles par tous, de la même façon. [...]
[...] La bicyclette fascine car elle est autant un instrument de loisirs qu'un moyen de transport utile. Les classes populaires l'adoptent très vite à la fin du 19ème siècle. Le Tour de France nous l'avons déjà vu, donne lieu à de grandes manifestations, notamment avec une formidable publicité dans des journaux spécialisés, et même des quotidiens. Il devient une manifestation nationale de grande ampleur, suscitant l'intérêt des masses. D'autres sports, comme le football, sont des exemples de ces sports à l'origine élitistes qui se dirigent vers les masses. [...]
[...] La radio s'inscrit donc pleinement dans l'ère des masses selon Dominique Kalifa. La culture de masse se développe donc avec des loisirs bien définis tels que les parcs d'attraction, ou les salles de cinéma qui trouvent toute leur assise dans une période de fortes évolutions technologiques. On a aussi l'apparition d'une véritable industrie des loisirs qui s'inscrit pleinement dans le processus de démocratisation de la culture, et dans cette ère de culture de masse Par définition, la culture de masse nécessite de forts moyens de production, puisque l'on doit produire une offre suffisante. [...]
[...] Dans le même temps, les livres scolaires font leur apparition, diffusant une culture unifiée et unificatrice (amour de la patrie, culte du progrès, goût de l'effort), tout d'abord avec Armand Colin qui envoyait gratuitement ses ouvrages aux enseignants. Les ouvrages de vulgarisation scientifique se multiplient en même temps que les manuels couvrant des domaines différents (jardinage, bricolage, cuisine Le livre intègre un environnement de masse. Les collections se multiplient, et, malgré l'essoufflement que connait l'édition après la Première Guerre mondiale, le livre se démocratise inéluctablement. Si les progrès de l'impression conduisent à une hausse de l'offre, il ne faut pas négliger la demande. [...]
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