"La création des identités nationales, Europe XVIIIe-XIXe siècle", Anne-Marie Thiesse

Résumé du document

Anne-Marie Thiesse est titulaire de deux doctorats en histoire et une ancienne élève de l'Ecole normale supérieure. Elle a écrit de nombreux ouvrages tels que La Terre promue (1986), Ecrire la France (1991), mais aussi La création des identités nationales Europe XVIIIème-XIXème siècle.
La création des identités nationales est son septième livre qui aborde le thème de la culture nationale. Cet ouvrage nous permet de mieux comprendre de quelle manière se sont construites les identités nationales les unes par rapport aux autres au sein de l'Europe. Cette difficile question de la nation se retrouve aujourd'hui de plus en plus souvent au cœur de débats politiques en Europe et en France, notamment ces derniers temps. D'après Anne-Marie Thiesse, les nations se seraient construites selon un même modèle (modèle de la check-list identitaire), et auraient connu les mêmes étapes de construction. L'auteur voudrait nous ôter les idées préconçues que l'on pourrait avoir à ce sujet : l'appartenance à une nation ne relèverait pas d'après elle d'une filiation ancestrale, mais se construirait sous l'impulsion de quelques acteurs influents.
Quelle a été la procédure de la construction des identités nationales ?

Extraits

[...] Toujours dans le domaine littéraire, le roman historique avait pour but de retracer l'histoire nationale, et ainsi permettait l‘identification aux ancêtres. Les mêmes innovations avaient lieu au théâtre -où les dramaturges créaient des pièces à valeur didactiques- ou dans les monuments historiques : la notion de Patrimoine a alors vu le jour, cherchant à empêcher la destruction de la culture nationale et à lui définir un style particulier. Dans un second temps, Anne-Marie Thiesse aborde le folklore. C'est à la campagne, parmi les paysans, que l'on pouvait trouver les véritables traditions de la culture nationale. [...]

[...] Les frères Grimm se sont intéressés aux légendes et contes populaires de tous les pays car selon eux, il ne pouvait exister de compréhension des antiquités nationales sans celle du trésor commun européen Leurs œuvres sont devenues des références de méthodes dans la construction identitaire. Suite à cette révolution esthétique, la question de la langue se pose, question essentielle pour réellement fonder la culture nationale. Or, au XVIIIe siècle, les individus avaient différents langages selon leur classe sociale et leur zone géographique. [...]

[...] Les costumes traditionnels apparaissaient encore comme l'une des manifestations du folklore au XIXe siècle. Les élites sociales voulaient créer du patriotisme quotidien, ou du moins durant les jours de fête. Ainsi le kilt distinguait les Écossais. De plus, la couleur révélait la classe sociale, le clan . Il était donc l'affirmation d'une identité. Ceci a donc conduit à la création de lieux d'exhibition identitaire : les musées et les expositions universelles étaient une occasion pour la nation de montrer ses grandes réalisations ou les raisons de sa fierté, par l'exposition de villages nationaux et des costumes. [...]

[...] Le mouvement de collecte de contes qui s'est développé en Europe au XVIIIe siècle en est une manifestation. Chacun cherchait sa spécificité locale, qu'il pourrait adapter au niveau national. Des discours racistes sont apparus sur les irréductibles différences. Cependant, il faut bien garder à l'esprit qu'à l'époque le mot race signifiait uniquement une communauté donnée sur un territoire donné, c'est-à-dire qu'il était un synonyme du mot nation. Enfin, le folklore se manifeste dans les mélodies populaires : Beethoven, Listz ou Berlioz avec sa Marche Hongroise, sont des références à l'étranger de culture nationale. [...]

[...] C'est pourquoi en troisième lieu, Anne Marie Thiesse s'intéresse à la culture de masse. Tout d'abord, voyons les liens unissant nation et état, car l‘état est l'acteur principal à pouvoir nationaliser les masses. La nation est le fondement légitime de l'Etat. Le problème qui se pose est le suivant, la nation est un principe et l'Etat une réalité concrète L'État-nation serait la forme d'organisation politique par excellence, mais des conflits ont souvent éclaté à propos de sa revendication. Ainsi, la nation est considérée comme un horizon à défaut de toujours pouvoir faire coïncider l'état et la nation. [...]