Commission européenne - construction européenne - politiques européennes
Une institution peut-elle avoir une mémoire ? Qui plus est une institution elle-même issue du néant, et « qui [doit] inventer [sa] route au fur et à mesure qu'[elle avance] » ? La Commission européenne est une création des Traités de Rome, où la négociation l'a emporté sur l'enthousiasme, et où la prudence a primé sur l'audace. Le résultat est curieux : de nombreux objectifs, mais aussi une multitude de garde-fous. Face aux Etats qui ont démontré à cette occasion leur « obstination » à vivre, un organe est créé, qui n'aura pas les coudées franches de la Haute Autorité de la CECA, mais qui a la possibilité de représenter un « intérêt commun », qu'il reste à définir et à défendre. Comment cet organe nouveau va-t-il se comporter ? Quelles vont être les réussites et les handicaps, politique par politique ? Ce sont ces questions que compte aborder ce passionnant ouvrage, qui applique pour la première fois à une institution européenne ce qui a déjà été fait par ailleurs auprès d'autres collectivités de nature politique : la collecte de témoignages, afin de faire connaître le système de l'intérieur. Qui sont les témoins ? De vrais « Européens » ? Ce terme-là ne signifie pas grand-chose, du moins au départ. Des pionniers ? Le vocable paraît plus juste, et légitime le travail entrepris par la multitude d'historiens de toutes nationalités qui ont oeuvré sous la direction du professeur Michel Dumoulin, avec le soutien de la Commission Prodi. Cette entreprise a un intérêt historique immédiat : simple question de générations, les premiers acteurs de la CEE sont aujourd'hui décédés ou bien à la retraite. Ceux qui ont été retenus pour cette étude (120 anciens fonctionnaires au total), dont les témoignages ont été collectés pendant trois années, ont occupé différents postes, plus ou moins exposés, pendant une période cruciale, celle des Six (1958-1972). Pourquoi ce temps-là ? Il ne faut pas chercher au-delà des explications fournies en début d'ouvrage et que nous avons déjà explicitées : fugit tempus ! La recherche n'en est pas moins favorisée par ce travail original : le témoignage oral est une source de choix, surtout pour une histoire qui cherche à dépasser le cadre parfois trop asséché de l'institutionnel (signalons que ces sources vont elles-mêmes être déposées aux archives de Florence). Simple question de sauver un « patrimoine » (p.36) d'un nouveau genre ? Cette histoire des « premiers temps », des audaces bientôt balayées, pour longtemps, par la geste gaullienne, puis par le premier élargissement, ne relève-t-elle pas également de la nostalgie ?
[...] En ce qui concerne les relations extérieures, la Commission commence à se faire connaître, notamment par le biais des négociations commerciales, et des représentations, pas toujours bien vues par les Etats, qu'elle ouvre un peu partout dans le monde ; le même mode d'affirmation peut être signalée, en fin de période, dans la question de l'élargissement. Intéressant également de noter les différences qui peuvent exister de pays à pays en ce qui concerne l'aide aux pays en développement, le passé colonial de certains des Etats membres jouant ici un rôle considérable. [...]
[...] Michel Dumoulin (dir.), La Commission européenne, 1958-1972. Histoire et mémoires d'une institution, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes ISBN 978-92-79-05495- p Une institution peut-elle avoir une mémoire ? Qui plus est une institution elle-même issue du néant, et qui [doit] inventer route au fur et à mesure qu'[elle avance] ? La Commission européenne est une création des Traités de Rome, où la négociation l'a emporté sur l'enthousiasme, et où la prudence a primé sur l'audace. Le résultat est curieux : de nombreux objectifs, mais aussi une multitude de garde-fous. [...]
[...] Quant à la politique industrielle, elle n'a même pas été mentionnée : on peut évoquer certaines actions sectorielles, comme dans les chantiers navals ou l'industrie textile, mais encore très modestes, malgré les débats intenses provoqués par un best-seller comme Le Défi américain de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Le problème est le même concernant l'énergie, qui plus est dispersée entre les trois communautés européennes, ou pour l'action en matière de recherche et technologie. En revanche, la politique de l'information démontre qu'il y a une quête de l'opinion dès le départ, avec certains noms récurrents (Jacques-René Rabier, François Fontaine, François Duchêne, Emanuele Gazzo), ainsi que la recherche d'une certaine visibilité (institution d'un porte-parole de la Commission). [...]
[...] Cette entreprise a un intérêt historique immédiat : simple question de générations, les premiers acteurs de la CEE sont aujourd'hui décédés ou bien à la retraite. Ceux qui ont été retenus pour cette étude (120 anciens fonctionnaires au total), dont les témoignages ont été collectés pendant trois années, ont occupé différents postes, plus ou moins exposés, pendant une période cruciale, celle des Six (1958-1972). Pourquoi ce temps-là ? Il ne faut pas chercher au-delà des explications fournies en début d'ouvrage et que nous avons déjà explicitées : fugit tempus ! [...]
[...] Plusieurs articles insistent, à l'appui des témoignages, sur le joyeux désordre de départ, à une époque où la Commission n'a même pas de siège fixe. Joyeux en apparence : dès l'origine, la lutte est à couteaux tirés entre cet exécutif de l'Europe venu de nulle part, et les différentes chancelleries des Six, qui verraient d'un bon œil la mise au pas de la Commission par le Coreper, né simultanément. Pourtant, les objectifs affichés sont ambitieux, élastiques grâce à ce traité-cadre qu'est celui de Rome : suppression de toutes les entraves au marché intérieur, nouvelle politique de développement agricole, politique commerciale commune, politique de la concurrence, politique d'aide aux pays en voie de développement. [...]
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