En 1785 la Société royale des sciences et des arts de Metz organise un concours sur la question : “Est-il des moyens de rendre les juifs plus utiles et plus heureux en France ? ». Trois mémoires sont retenus par l'académie de Metz lors d'une deuxième séance du concours qui a lieu en 1788. L'un émane d'un avocat nancéien, Thiéry ; le deuxième d'un juif polonais établi à Paris, Hourwitz ; le troisième d'un prêtre, Henri Grégoire. Il s'intitule Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs. C'est ce dernier qui a le plus retenu l'attention de ses contemporains, notamment parce que le personnalité de son auteur était pour le moins exceptionnelle. Né vers 1750 en Lorraine, l'abbé Henri-Baptiste Grégoire, plus connu sous le nom d'abbé Grégoire a étudié chez les jésuites puis s'est rapproché des jansénistes. Il fut un acteur politique important de la Révolution française notamment comme élu de la Convention et de l'Assemblé Constituante. Défenseur de la cause des minorités juive et noire, il s'est engagé dans le combat pour l'abolition de l'esclavage et l'intégration politique des juifs par la citoyenneté. Mais il est aussi un prêtre qui n'a jamais renié sa religion à laquelle il est profondément attaché. A la fois curé et député, défenseur des minorités et catholique convaincu, Grégoire est un personnage intriguant et rempli de paradoxes qu'on retrouve en partie dans son œuvre.
Avant d'étudier l'ouvrage de Grégoire revenons sur les circonstances historiques de son l'écriture et particulièrement sur le sort fait aux juifs à la veille de la Révolution. Il convient d'abord d'évoquer la diversité des conditions de vie des communautés juives dans le royaume de France. Mille lieux séparent en effet le juif bordelais du juif alsacien et les considérer comme appartenant à la même communauté serait faire un contre sens historique. Dans le sud ouest les juifs séfarades convertis jouissent de nombreux privilèges depuis les lettres patentes d'Henri II. Pratiquant le commerce, cette communauté s'est aussi largement enrichie. Forte de cette aisance matérielle et des nombreux privilèges dont elle jouit, elle se replie peu à peu sur elle-même et limite ses contacts avec le reste de la société. La situation en Alsace est toute autre, là aussi on assiste à un processus de communautarisation mais il est du à un rejet de la société, non à un choix délibéré. Les juifs ashkénazes de la France de l'Est sont très mal acceptés par la population des villes qui les rejette dans des ghettos. C'est justement la condamnation du sort fait aux juifs dans ces régions qui explique l'émergence de la question juive sur la scène politique. Et c'est par la voix de l'abbé Grégoire que cette même question fait son entrée à l'Assemblée le 3 août 1789.
Mais si l'émancipation des juifs est en marche dans les salles de l'Assemblée Constituante grâce à d'illustres porte paroles tels que Robespierre ou Mirabeau, la situation des juifs est encore dramatique dans beaucoup de villes du royaume. Il faut donc faire connaître le sort des juifs à la population. C'est dans ce but que Grégoire répond au concours de l'Académie de Metz. Son essai présente deux parties : dans la première, Grégoire reprend à son compte les préjugés antijuifs traditionnels pour en arriver à la conclusion que la majorité des juifs de son époque sont corrompus moralement et physiquement. A partir du chapitre XV Grégoire célèbre au contraire les Lumières juives, connues sous le nom de Haskala et le philosophe juif Moses Mendelssohn, fondateur de ce courant. La possibilité de réformer les juifs est alors mise en avant comme la solution au « problème juif ». L'ouvrage s'achève sur un message chrétien de réunion des juifs et des chrétiens sous les auspices de la Révélation.
Il nous semble intéressant de mettre en relation l'essai de Grégoire avec l'époque dans laquelle il a été rédigé, ceci afin de déterminé dans quelles mesures il peut être considéré comme un reflet de l'esprit de son temps. Longtemps les historiens ont cherché à savoir si l'Abbé Grégoire était un véritable défenseur des juifs ou un assimilationniste qui avait comme seul horizon leur conversion. Il s'agissait moins de comprendre son œuvre que de déterminer une fois pour toute si il était « bon » ou « mauvais ». Nous nous garderons ici de tout jugement pour nous concentrer sur les liens qui pourraient ou non unir Grégoire aux hommes de son temps. Autrement dit nous étudierons les « conditions de possibilité »1 de l'écriture de cet essai pour déterminer si l'exposé de Grégoire sur la situation des juifs et la manière de la faire évoluer sont en phase avec les idées de son temps. Pour répondre à ces questions il faudra d'abord revenir sur la manière dont Grégoire évoque le peuple juif pour montrer à quel point son ouvrage est marqué par une pensée antijuive qui est cependant nuancé par une réflexion sur la relativité des cultures et des religions. Il sera ensuite intéressant de montrer que l'essai de Grégoire est profondément marqué par les idées de la Révolution, que se soit dans son versant philosophique (celui des Lumière et de l'émancipation de l'homme) ou dans son projet politique (celui du jacobinisme). Enfin il sera nécessaire de revenir sur la manière dont l'esprit chrétien imprègne la pensée de Grégoire pour montrer que l'émancipation des juifs ne se fera, selon lui, que sous les auspices de la Révélation.
[...] Il s'intitule Essai sur la réégéénéération physique, morale et politique des juifs. C'est ce dernier qui a le plus retenu l'attention de ses contemporains, notamment parce que la personnalitéé de son auteur éétait pour le moins exceptionnelle. Néé vers 1750 en Lorraine, l'abbéé Henri-Baptiste Gréégoire, plus connu sous le nom d'abbéé Gréégoire a éétudiéé chez les jéésuites puis s'est rapprochéé des janséénistes. Il fut un acteur politique important de la Réévolution franççaise notamment comme éélu de la Convention et de l'Assembléé Constituante. [...]
[...] Mais c'est sous les auspices de l'ÉÉvangile que se fera cet accueil car la charitéé qui est le cri de l'éévangile prééconise d'ouvrir les bras àà ses frèères errants Le projet d'introduire une éégalitéé politique entre tous les hommes vient de l'idéée selon laquelle le Crééateur a forméé tous les hommes àà son image, qu'ils soient juifs ou non. La conception de Gréégoire est donc profondéément chréétienne, elle se fonde sur l'idéée qu'il faut accomplir un projet divin. On voit bien alors en quoi la penséée de Gréégoire n'est pas rééductible au courant des Lumièères qui place la laïïcisation au cœœur de son projet politique. [...]
[...] L'abbéé Gréégoire, prêêtre citoyen, Editions de la Nouvelle Réépublique, Tours Sur l'éémancipation des juifs Hermon-Belot Rita L'éémancipation des juifs en France, PUF, Que sais-je ? Feuerwerker D., L'éémancipation des juifs en France de l'Ancien Réégime àà la fin du Second Empire, Paris, Albin Michel Badinter Robert Libres et éégaux L'éémancipation des juifs, 1789-1791, Paris, Fayard Sur la notion de réégéénéération Mona Ozouf , Réégéénéération in dictionnaire critique de la réévolution franççaise, Flammarion Catrice P. L'abbéé Gréégoire, l'ami de tous les hommes et de la réégéénéération des juifs Méélanges de science religieuse 36èème annéée, n3, pp. [...]
[...] Gréégoire reproduit les prééjugéés de son éépoque dans le but de montrer àà quel point les juifs ont éétéé pervertis et soutenir l'idéée qu'il est urgent de les réégéénéérer. Les titres de trois chapitres de son livre téémoignent de cette mééfiance vis-àà-vis des juifs : Danger de toléérer les juifs tels qu'ils sont àà cause de leur population (chapitre IX) ; Danger de toléérer les juifs, tels qu'ils sont, àà cause de leur aversion pour les autres peuples, et de leur morale relââchéée (chapitre Danger de toléérer les juifs, tels qu'ils sont, àà cause de leur commerce et de leurs usures (chapitre XI). [...]
[...] [ ] On ne vous a laisséé que des bras dessééchéés par la douleur et la faim ; et s'il vous reste encore des haillons pour attester votre misèère, et les baigner de vos larmes, c'est que l'usurier juifs a déédaignéé de vous les arracher Ainsi Gréégoire déénonce-t-il l'usure que pratiquent les juifs et qui ruine les populations, mais comment expliquer la violence des mots qu'il utilise, comment comprendre la préésence de telles critiques chez un prêêtre cultivéé qui s'est plutôôt illustréé dans la dééfense des oppriméés. Pour comprendre cet acharnement il faut revenir sur la vie de Gréégoire et rappeler qu'il a véécu en Lorraine. Si dans cette réégion quelques familles juives, comme les Berr ou les Halphen, sont parvenues àà s'enrichir, la majoritéé des juifs est en proie àà l'antijudaïïsme profond des populations. Ainsi en 1761, trois juifs accuséés de sorcellerie sont pendus, et deux autres envoyéés aux galèères. Un juif est condamnéé àà la mêême peine pour un vol d'hostie. [...]
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