Coloniser, exterminer, Olivier Le Cour-Grandmaison, Guerre, Etat colonial, repentance coloniale, violence coloniale, Algérie
La reddition d'Abd-el-Kader, le 23 décembre 1847 met fin à une première étape de la présence française en Algérie. En effet, depuis 1830, bien que le dey d'Alger, par sa capitulation du 5 juillet ait fait officiellement de la régence d'Alger une possession française, la population, sous l'égide d'Abd-el-Kader qui réunit les différentes tribus dans un djihad contre la présence française, oppose une résistance qui mène à un affrontement durable avec la France, présente militairement, et civilement, par le biais d'une colonisation initiée dès les années 1830 par la transplantation en Algérie de ceux qui en France s'opposent au pouvoir. La soumission de l'Algérie se fait donc dans la violence, et c'est même son caractère extrême que traite Olivier Le Cour Grandmaison dans son ouvrage, Coloniser, Exterminer. Sur la guerre et l'État colonial, paru en 2005. Les modalités de la présence française y sont analysées dans le sens d'une volonté de s'imposer, par tous les moyens, sur les « indigènes ». Et Olivier Le Cour Grandmaison caractérise la guerre de conquête menée par la France par un débordement de violence exceptionnel, témoignant d'une situation inédite.
Comment exactement, entre 1830 et 1847, la soumission et la colonisation du territoire algérien relève d'une violence extrême et inédite ?
[...] » Dans ce bafouement du sacré, et de la vie humaine, on peut encore noter la récupération des pierres tombales pour construire de nouveaux édifices ou l'utilisation industrielle -qu'Olivier Le Cour Grandmaison ne quantifie néanmoins pas- des restes humains, notamment dans la fabrication du « charbon animal ». Pour Olivier Le Cour Grandmaison, on arrive avec cela à un « stade ultime de la déshumanisation de l'autre, de l'avilissement des corps, de la dégradation radicale de la mort et des morts, la collecte, le transport puis l'introduction de restes humains dans un processus industriel destiné à la fabrication de différents produits témoignent d'une sorte de tournant anthropologique sans précédent connu. [...]
[...] Il faut tout de même insister ici sur le fait que cette violence extrême n'a pas uniformément existé sur toute la période de la conquête. Elle existe surtout à partir de 1840 en fait. A partir de l'année où Bugeaud est devenu gouverneur général de l'Algérie, le conflit en se brutalisant, devient total, à l'image de la violence qui est physique et symbolique. On a dit que « les spécificités du conflit sont liées à la nature des populations combattues et aux impératifs militaires qui en résultent. » Et l'enfumade par exemple traduit cette situation. [...]
[...] Ainsi les lieux d'affrontements tout comme les modalités de l'affrontement ne sont pas conventionnels. Olivier Le Cour Grandmaison écrit que « les militaires, comme la plupart de leurs contemporains, savent les moyens extraordinaires comparés à ceux employés dans les conflits conventionnels qui se déroulent sur le Vieux Continent, où s'affrontent des États et des armées régulières. Que la guerre à mener contre les indigènes exige le recours à des méthodes particulières est un lieu commun utile ; il permet de transformer les stratégies arrêtées par les militaires et défendues par le pouvoir politique en impératifs dictés par des circonstances qui ne laissent pas d'autre choix. [...]
[...] La conquête algérienne est une guerre, ainsi elle voit se produire toutes les violences qu'on peut qualifier de normales en temps de guerre. Mais le but poursuivi, la colonisation, ainsi que le fait que la guerre n'oppose pas un État à un autre implique un certain nombre de violences contre les civiles qui outrepassent la violence habituelle en temps de guerre. Il s'agit de « tenir en respect les tribus soumises mais hostiles sur lesquelles doit toujours planer le spectre d'une brutale répression ». [...]
[...] Pour ceux épargnés par les soldats, la famine vient de toute façon après la razzia. Elles sont pour Le Cour Grandmaison « des armes de terreur et de destruction massive intégrées à une stratégie globale dont les différents éléments articulés entre eux sont les suivants : ruiner, chasser et terroriser ». La razzia montre aussi comment c'est la base de la société que l'on veut détruire, et pour Olivier Le Cour Grandmaison, la violence symbolique qui s'ajoute à celle visant le corps physique de l'indigène, dans des actes de torture, mutilation ou profanation, cherche à atteindre la communauté Arabe. [...]
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