Charonne 8 février 1962 anthropologie historique d'un massacre d'état, Alain Dewerpe, OAS Organisation de l'Armée Secrète, pratiques sociales, politiques, organisation terroriste militante, Algérie française, guerre d'Algérie, fiche de lecture
Cet ouvrage publié en 2006 s'intéresse à l'affaire de la station de métro de Charonne, qui a vu, le 8 février 1962, la mort de huit personnes au cours de la répression de la manifestation en protestation contre des attentats perpétrés par l'Organisation de l'Armée Secrète (OAS), organisation terroriste militant pour le maintien de l'Algérie française.
[...] Alexis Spire fait ainsi le reproche suivant : « on peut également déplorer que le propos passe parfois insensiblement du témoignage oral au témoignage écrit, du témoignage judiciaire au témoignage historique, sans que la position sociale du témoin ou le contexte d'énonciation soient toujours rappelés »[1]. Le dépouillement et l'analyse minutieuse d'une telle quantité de documents peuvent trouver à s'expliquer dans cette « piété filiale » (p.19) que l'auteur invoque dans son introduction, étant le fils de Fanny Dewerpe, l'une des victimes de Charonne. Ce lien aussi intime avec le sujet traité pourrait nous tenir en alerte, et inciter à la méfiance quant à un éventuel parti pris. [...]
[...] Après une analyse anthropologique, voire ethnographique, de la manifestation en elle-même, Dewerpe s'interroge sur l'usage de la violence par les forces de l'ordre. Il montre que la violence déployée le 8 février 1962 n'a rien d'une violence hors norme : si elle atteint une dimension « paroxystique » (ch.2), elle s'inscrit dans un long habitus politique de maintien de l'ordre. La violence policière fait donc partie du répertoire d'action des forces de l'ordre, et ce même dans un contexte tout à fait démocratique. [...]
[...] L'ouvrage peut alors trouver des résonances contemporaines, suite aux débats récents[6] relatifs à la violence policière au cours des manifestations des Gilets Jaunes, mais aussi, et surtout, les débats autour de la violence policière en banlieue. En effet, chez les habitants des quartiers populaires issus de l'immigration nord-africaine, et notamment algérienne, la violence policière et les discriminations subies s'inscrivent dans une mémoire plus longue qui est celle de la guerre d'indépendance algérienne, mais également des mouvements antiracistes des années 1970 et 1980. Alexis SPIRE, « Quand la raison d'État fait perdre la raison », RHMC, vol. 54-2, n° pp. [...]
[...] La façon de réprimer la manifestation du 8 février 1962 s'inscrit donc dans un habitus construit par les forces de l'ordre tout au long des années 1950. Ce répertoire d'action policière est alors à la fois justifié par un « savoir théorique » (ch.3) sur le cadrage des manifestations, et par un « savoir pratique » (ch.3) qui se construit avec l'expérience du terrain. Cette violence sur le terrain trouve son écho dans la froideur de l'administration. Resurgit ici, la figure du préfet de police Maurice Papon, figure présentée comme se faisant une certaine idée de son devoir, effacée derrière la raison d'État, et c'est avec cette même froideur, ce même sens du « devoir » que Maurice Papon s'est rendu coupable de plusieurs épisodes tragiques entre les années 1940 et 1960, notamment à travers son implication dans la déportation des Juifs de Bordeaux, ou encore lorsque des cadavres d'Algériens ont été jetés dans la Seine à la suite de la manifestation du 17 octobre 1961. [...]
[...] 178-190 Étienne OLLION, « Le jeudi de Charonne. Notes sur l'historien et l'événement », Genèses, vol n° pp. 128-139 Ibidem Alexis SPIRE, art. cit. Étienne OLLION, art. cit. Cette note de lecture a été rédigée en avril 2019. [...]
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