Sayyid ‘Uways (1913-1979), est né au Caire dans le quartier populaire d'al-Khalîl, ce qui ne l'empêche pas, chose rare pour l'époque, d'entreprendre des études et, ensuite, d'intégrer l'Ecole de Service social, toujours au Caire. Cela lui permet de mener ses premières enquêtes sociales dans sa ville natale. Ces expériences lui permettent d'approfondir la connaissance de sa ville, prise dans une période de réformes et mutations, dans une perspective à la fois personnelle et sociologique. Ainsi l'auteur lui-meme présente son livre L'histoire que je porte sur mon dos, Mémoires (1989), d'où est extrait ce texte, comme l'étude d'un cas sociologique, le sien, où le souci d'objectivité nécessaire à toute étude scientifique est filtrée par les souvenirs qui confèrent à cet écrit une allure d'autobiographie.
Dans cet extrait Sayyid ‘Uways raconte comment, en octobre 1925, il s'est préparé et a ensuite obtenu le certificat d'études primaires qui, pour son entourage, est considéré comme un événement exceptionnel et suscite une vive mobilisation afin de soutenir cet élève d'école primaire. En effet, vers la fin du XIX° siècle les écoles, d'Etat tant qu'étrangères, commencent à se répandre en Egypte, mais le nombre d'écolier reste encore faible par rapport à celui des enfants en age d'aller à l'école. En outre dans les quartiers populaires tels que celui où habite l'auteur, il est encore rare de voir des enfants poursuivre les études et intégrer le cycle secondaire, car à cause des revenus assez faibles les parents préfèrent bénéficier d'une aide en plus dans leur travail. Ainsi cet examen attire l'attention de tout le quartier.
Toutes les forces sont mobilisées pour aider Sayyid à passer son examen avec succès (l. 1 à 11). Cet effort collectif n'implique pas seulement la famille du jeune écolier mais aussi les commerçants du quartier qui le connaissent (l. 11 à 17). Sayyid, afin de s'attirer la protection divine, invoque l'aide des saints par une visite et des prières sur leurs tombes (l. 17 à 28). Dans ce milieu social, parler une langue étrangère et entreprendre des études demeure encore une exception et place le jeune étudiant au centre de l'attention (l. 29 à 42). Finalement, après ce soutient général, Sayyid réussit son examen. Cette réussite représente un espoir d'accéder plus tard à un poste important (l. 43 à 47).
Ainsi dans une première partie nous étudierons la situation de l'enseignement et le faible taux de scolarisation dans les années vingt, ou pourquoi l'auteur est-il considéré comme un cas plutôt rare. Dans un deuxième mouvement nous allons voir une mobilisation générale pour un enjeu majeur, ou les études pour se réapproprier de l'identité nationale. Enfin, dans une troisième partie, nous analyserons quelle place tient la religion dans la vie quotidienne en Egypte et comment cet héritage contraste-t-il avec l'avancée de ces réformes modernes.
[...] le marchand de couscous (l. 29). Tout le monde dans le quartier se connaît et connaît la famille de Sayyid aussi parce que le père est lui-même un commerçant, et lors d'événements importants comme dans ce cas le quartier manifeste beaucoup de solidarité ici augmentée peut-être par la sympathie que suscite un enfant je sentais, que ce fut à la maison, ou dans la rue voisine, ou dans celle qui menait au magasin, que les gens m'entouraient d'amour et d'affection (l. [...]
[...] En effet, dans les années vingt, le gouvernement s'efforce de répandre, parallèlement aux écoles primaires, des écoles plus pratiques crées pour les plus pauvres et appelées écoles élémentaires. La durée des études était de six ans et le programme était considéré moins complexe par rapport à celui des écoles primaires car visant à des débouchés imminents et plus pratiques. Ainsi, contrairement à ce choix un peu plus répandu dans un milieu social populaire, le parcours de l'écolier Sayyid emprunte un autre chemin qui semble s'inscrire dans la durée préparer tout ce qu'il me faudrait pour l'école secondaire (l. [...]
[...] Les machaallah les wallahi les bismillah ! , émaillent les conversations et la prière est considérée comme une action active afin d'atteindre quelque chose en invoquant l'aide de Dieu. Les musulmans croient dans le destin et la fatalité et dans le peuple beaucoup font recours à la voyance afin de découvrir le futur, en théorie déjà tracé Umm Ali Nabiha qui me tirait les cartes ou lisait dans le marc de café (l. 14). Le recours à ces méthodes bien ancrées dans les coutumes populaires contraste, en quelque sorte, avec la volonté de moderniser le pays exprimée par l'Etat. [...]
[...] De plus, cette érudition lui tombe dessus presque comme une fatalité car l'apprentissage de l'anglais s'est fait malgré lui, lors des réquisitions forcées d'hommes. Grâce au protectorat sur l'Egypte établit en 1914, l'Angleterre pouvait réquisitionner à sa guise des hommes afin de les envoyer combattre au front il me dit qu'il avait été dans la Réquisition ( ) Des hommes, jeunes et moins jeunes, avaient été mobilisés comme supplétifs au service de l'armée anglaise au cours de la Première Guerre mondiale (l. [...]
[...] Ce terme est employé comme titre pour les hauts dignitaires et surtout pour les hommes de religion et les administrateurs, à l'exception des chefs militaires. Ce titre prestigieux est ici utilisé en tant que vœux pour une future carrière des plus brillante qui ferait la fierté du quartier. Créer des élites capables de gouverner par un programme de scolarisation demeure à cette date un enjeu majeur pour l'Egypte qui doit se relever après l'occupation britannique dont le protectorat a cessé en 1922, et reconstituer une identité nationale parfois piétinée. [...]
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