Biribi, Les bagnes coloniaux de l’armée française, Dominique Kalifa, Afrique du Nord, prisons militaires, pénitenciers, colonisation africaine, histoire de Biribi
La seule véritable trace qu'il nous reste de Biribi est un roman écrit par Georges Darien en 1890, Biribi : Discipline militaire, réédité de temps en temps. Cette exception mise à part, la mémoire de Biribi a sombré dans le néant, et rares sont ceux qui pourraient définir ce terme.
Biribi est en fait un nom générique donné aux nombreuses structures disciplinaires et pénitentiaires de l'armée française installées en Afrique du Nord dès les années 1830, telles que les prisons militaires, les pénitenciers, les « ateliers de travaux publics », les sections « d'exclus », les bataillons d'infanterie légère d'Afrique (les « Bat' d'Af'' », qui sont des sas entre les corps disciplinaires et les corps réguliers) ou les bataillons disciplinaires. Dans le langage militaire, on les nommait « corps spéciaux » alors que les journalistes préféraient les qualifier de « bagnes militaires ».
[...] Si le condamné est calme, il reste toute la durée de son service. S'il est condamné de nouveau, il peut cumuler les peines. En 1956, le soldat Lory a été condamné 9 fois, ce qui lui a valu 350 années de détention, preuve qu'une fois rentrés dans le système de Biribi, les hommes ont du mal à en sortir : très souvent ils quittaient un corps de discipline pour entrer dans un autre, et les traitements de faveur étaient rares. [...]
[...] Ceux-ci n'ont pas d'armes, mais l'État les fait travailler afin de maintenir l'égalité républicaine. En 1905, ces corps comptaient déjà plus de 6700 hommes. On le voit, le système de Biribi est un système complexe, coûteux et inefficace. Un général russe déclarera d'ailleurs que la France compte plus de corps disciplinaires que toutes les armées d'Europe réunies En effet, le Royaume-Uni, le Danemark, la Belgique et d'autres pays excluent les condamnés des rangs militaires, ils n'ont par conséquent pas de compagnies disciplinaires. [...]
[...] L'opinion publique va se saisir de ces récits, que ce soient les antimilitaristes ouvriers dénonçant la barbarie et l'enfer des compagnies de discipline, ou la presse. L'Affaire Dreyfus va élargir cette contestation, remettant en cause tout le dispositif de la justice militaire. C'est ainsi qu'entre 1898 et projets visant à réformer ou à supprimer les conseils de guerre verront le jour. Pour autant la contestation ne faiblit pas, et d'autres ouvrages et articles à l'encontre de Biribi sont publiés, révélant un circuit dans lequel les sous-officiers veulent éliminer les condamnés les plus encombrants. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, cette sexualité organise toute la hiérarchie des structures disciplinaires. Le Caïd se trouve à la tête du gourbi selon le principe de domination sexuelle, c'est lui qui donne les ordres. Il est en général celui qui possède la plus grande force physique, le plus grand nombre de peines et qui a passé le plus de temps en cellule : c'est donc le symbole de l'homme qui n'a jamais cédé. Lorsque de nouveaux condamnés arrivent, les brebis galeuses sont immédiatement mises à l'écart. [...]
[...] Les corps de pionniers sont plutôt constitués de mutilés volontaires, de faibles d'esprit : chaque avis de l'inspecteur général se conclut ainsi par la mention incorrigibilité Le recrutement dans les Bat' d'Af' est déjà plus confus : on y trouve des disciplinaires, des graciés, des libérés et des volontaires, mais le corps s'est de plus en plus disciplinarisé avec le temps. Les détenus des établissements pénitentiaires sont, quant à eux, tous passés devant des conseils de guerre. Les motifs de condamnation sont très divers, mais la désertion, l'évasion, les outrages, la désobéissance et les vols dominent. Par exemple, sur les 1400 détenus de l'atelier de travaux publics de Cherchell durant le Second Empire étaient enfermés pour désertion pour insultes et outrages pour des destructions de matériel. Certains y étaient envoyés pour des motifs plus arbitraires, tels que l'homosexualité. [...]
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