Paul Bénichou naît en Algérie en 1908, mais ses qualités littéraires sont très tôt remarquées et il gagne alors Paris. Après avoir remporté le concours général en thème latin, il obtient son baccalauréat à Louis-le-Grand et intègre les classes préparatoires de l'établissement. Admis à l'École Normale Supérieure, il a pour camarades Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, et Maurice Merleau-Ponty. Il obtient sa licence en 1927 et est reçu à l'agrégation en 1930.
Durant les années qu'il passe rue d'Ulm, Paul Bénichou s'illustre en tant que partisan d'un surréalisme radical dont sa poésie est empreinte, cette activité lui valant d'apparaître dans l'Histoire du surréalisme de Maurice Nadeau. Mais, plus que par son activité d'écrivain, c'est en tant qu'universitaire que Bénichou va se distinguer. Il enseigne durant les années 1930 dans différents lycées et entame son œuvre majeure, Morales du grand siècle, lorsque la guerre débute. Après la défaite française et l'instauration du régime de Vichy, Bénichou, Juif algérien, est interdit d'enseigner dans les lycées et déchu de sa nationalité française par les lois antisémites.
Au début des années 1940, Paul Bénichou parvient à fuir avec sa famille en Argentine où il enseigne à l'Institut Français, cofondé par Roger Caillois. A Buenos Aires, il participe activement à la vie littéraire locale et découvre José Luis Borges, avec lequel il se lie d'amitié (ce qui l'amènera à traduire son œuvre); il peut également satisfaire sa fascination pour la littérature médiévale espagnole et le romancero. La publication en 1948 des Morales du Grand Siècle vaudra à son auteur un succès immense, puisque plus de 100.000 exemplaires de ce livre furent vendus; il rentre en France en 1949 et est nommé au Lycée Condorcet, où il enseignera jusqu'en 1958; Bénichou enseigne ensuite au rythme d'un semestre par an à Harvard.
Il publie à partir des années 1970 cinq ouvrages qui s'attachent à l'étude de la littérature française de 1750 à 1898 et en particulier du caractère sacré et prophétique qu'acquiert l'écrivain durant cette époque; Le Sacre de l'écrivain (1973), Le Temps des prophètes (1977), Les Mages romantiques (1988), L'École du désenchantement (1992) et Selon Mallarmé (1995).
[...] Les libéraux s'élèvent contre l'idée d' une organisation sociale définitive à laquelle Constant oppose la loi de modification indéfinie des sociétés ; Bénichou nous fait sentir que l'on touche ici au cœur du libéralisme, et ce qui caractérise sa doctrine. La théorie critique libérale aspire à l'achèvement de la destruction de l'Ancien Régime et de tous ses relents, mais se refuse et refuse par la même occasion à ses contemporains le droit de construire un nouveau dogme : ce ‘‘non-dogme'' se traduisit par l'établissement d'une doctrine esthétique qui va, conjointement avec l'influence des cénacles romantiques, participer de la définition moderne du Beau. [...]
[...] Bénichou veut donc rétablir la représentation de l'époque et, s'il n'hésite pas à mettre en lumière les contradictions que doivent affronter Fourier, Saint-Simon ou Michelet et dont ils sont conscients, il s'interdit de dénoncer un défaut de cohérence dont il[s] ne semble pas avoir eu conscience ; autrement dit, on ne peut pas reprocher à une doctrine de ne pas répondre aux questions qu'elle ne se pose pas, qui ne la fonde pas. Derrière cette recherche d'une objectivité qu'il juge lui-même inatteignable (aussi préfère-t-il parler de probité ou d'honnêteté se situe la volonté de retrouver l'essence de la pensée des auteurs dont Bénichou analyse l'œuvre : ce livre essaie de faire revivre le milieu de pensée où ils ont vécu et en fonction duquel ils ont créé Cet élément explique le nombre très important de citations que l'on retrouve dans son ouvrage et la richesse des sources : l'on ne cite que très rarement des ouvrages d'historiens (ou de spécialistes d'un auteur), au contraire les citations sont souvent issues de Journaux personnels, de correspondances ou de notes prises lors de cours magistraux. [...]
[...] En effet, Saint-Simon prétend avoir entendu la voix de Dieu qui lui aurait fait savoir la déchéance imminente de l'Eglise romaine, dont la doctrine aurait cessé de correspondre, du fait des progrès scientifiques, au niveau des connaissances humaines. Il prône alors la nécessité de la création d'un nouveau dogme, qui comporterait même un clergé (conseil sacerdotal composé de 12 savants et de 9 littérateurs et artistes). Saint-Simon insiste sur le fait que la société doit être conduite par la classe intellectuelle - car seule à disposer du discernement suffisant - et qu'il lui faut une connaissance scientifique de l'homme, afin de faire de la science de l'organisation sociale une science positive Selon Bénichou, le saint-simonisme est un dogmatisme dans la mesure où on est obligé d'inscrire dans une connaissance purement objective la destination du genre humain et qu'on doit fonder un monde idéal source d'intuitions dogmatiques sur le monde existant Auguste Comte, disciple de Saint-Simon, va peu à peu se détacher de la pensée de son maître : cependant, Bénichou attire notre attention sur cet héritage saint-simonien dans la pensée positiviste. [...]
[...] Il n'est qu'une icône. Cependant, Bénichou met en doute la volonté de pallier à cette absence de dogme révolutionnaire ; Michelet exprime plus un souhait de dogme qu'un dogme c'est-à-dire qu'il n'a jamais, de fait, proposé un nouveau dogme, pour accompagner cette nouvelle foi. Le Christ (laïque) de cette foi, c'est le Peuple souffrant, et en particulier le Peuple français ; sa passion, son calvaire lui confèrent un rôle messianique chez Michelet, que Bénichou qualifie malgré son aspect universel de nationaliste. [...]
[...] Socialisme et fouriérisme sont donc accusés de refuser le combat, la valeur de la souffrance et du martyre, de se complaire dans le confort que leur fournit leur vision d'une fatalité de l'ordre social juste. On perçoit dans le discours de Michelet l'importance du vocabulaire religieux, emprunté notamment au Nouveau Testament ; comme le montre Paul Bénichou, les passions chrétiennes car romantiques du jeune Michelet, reniées, combattues et clairement contredites par l'homme mûr Michelet ont modelé sa passion, sa vénération pour le sacrifice qui a subi un processus de laïcisation. [...]
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