L'agitation des « Trois Glorieuses » laisse place à un nouveau régime, proclamé en août 1830 : la Monarchie de Juillet. La charte de 1830 symbolise le rétablissement de l'ordre et définit les principes de la dernière monarchie de l'Histoire de France. Ce sont pourtant les conséquences d'une loi jusqu'alors sous-estimée, celle du 21 mars 1831 portant sur les conseils municipaux, que Christine Guionnet étudie dans cette œuvre, sous l'angle du thème de la thèse dirigée par Pierre Rosanvallon - l'apprentissage de la politique moderne : cette loi permet un retour à l'élection des conseillers municipaux, par suffrage censitaire, à l'échelle communale, alors que cette dernière avait été supprimée sous l'Empire.
Ainsi, la « politisation des masses » fait apparaître en France dès 1831 une dichotomie ville/campagnes sur laquelle se penche l'auteur, qui en étudie ensuite les modalités et les reflets en milieux rural et urbain, afin d'approcher in fine les limites d'un apprentissage politique peut-être trop surestimé.
[...] Cependant, comme Christine Guionnet l'avait entrepris en traitant des campagnes, elle aborde ici la question des villes sous un angle beaucoup plus critique : le présupposé des villes sous la Monarchie de Juillet comme reflétant des prémisses au fonctionnement des démocraties contemporaines modernes est-il recevable ? Tout d'abord, le pluralisme tel qu'il est défini de nos jours est, sous la Monarchie de Juillet, appréhendé en tant que phénomène provisoire : en effet, l'agitation partisane et les opposants au nouveau régime (étant pris, selon le terme de l'époque, de passions constituant des alliances et exprimant leur mécontentement face au pouvoir en place, est considérée comme transitoire, et traduisant seulement la lutte de personnalités politiques opposées, sans pour autant traduire la pluralité des opinions : selon les orléanistes, ce pluralisme politique est amené à s'évaporer pour faire place à la vérité politique (une monarchie limitée faite d'ordre et de progrès Ensuite, pour compléter son analyse, l'auteur nous livre alors une réflexion sur l'individualisme politique issu de la Révolution Française et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : en milieu urbain, l'individu dispose d'un caractère central dans l'ordre représentatif, et le système politique à l'échelle municipale est alors fondée sur cette logique de l'individualisme, c'est-à-dire que l'électeur ne se fond pas dans une communauté de vie comme dans les campagnes, mais est reconnu en tant que sujet politique au sein de la globalité nationale De fait, sous la Monarchie de Juillet, ce n'est pas les intérêts individuels qui sont représentés, mais les intérêts individuels au sein d'un état social particulier : l'état social, ici, est une caractéristique concrète de l'individu, fondée sur son métier ou son origine sociale. [...]
[...] Ainsi, la politisation des masses fait apparaître en France dès 1831 une dichotomie ville/campagnes sur laquelle se penche l'auteur, qui en étudie ensuite les modalités et les reflets en milieux rural et urbain, afin d'approcher in fine les limites d'un apprentissage politique[1] peut-être trop surestimé. L'objet de la thèse est donc ici d'étudier l'évolution des représentations en fonction de l'introduction des processus électoraux sous la Monarchie de Juillet, l'ampleur de cette loi sur la modernisation politique de l'époque, mais aussi les obstacles auxquels se heurte le régime orléaniste pour diffuser des idées politiques modernes, face à un peuple alors divisé. En premier lieu, Christine Guionnet étudie la dichotomie villes/campagne, à l'origine perçue comme la conséquence de conceptions sociales et politiques différentes. [...]
[...] L'auteur termine en affirmant que la IIe République et le suffrage universel masculin sont accueillis avec un réel enthousiasme par la population française en 1848, comme la fin des divisions partisanes connues sous la Monarchie de Juillet avec les premières élections directes de masse. Pour conclure, il est essentiel de souligner que l'œuvre livrée ici par Christine Guionnet peut-être considérée comme majeure dans la littérature de la science politique actuelle, car elle met en lumière une période de l'Histoire de France encore jamais abordée sous l'aspect de la naissance plus ou moins appuyée de la politisation moderne, et de l'évolution des mentalités : pourtant, la loi municipale de mars 1831 marque une étape exemplaire dans l'avènement au suffrage universel masculin de 1848, et dans la politisation de la société française. [...]
[...] Certes la thèse selon laquelle l'introduction de pratiques électorales démocratiques et relativement modernes pour l'époque n'est pas forcément génératrice de progrès de la démocratie là où elles sont mises en œuvre, est subjective mais la profusion d'exemples et de ressources que nous donne l'auteur comble cette relative subjectivité : l'œuvre abordée ici est donc primordiale dans la compréhension de l'évolution des mentalités et dans la progression des institutions démocratiques au XIXe siècle. Comprendre ce phénomène sous le spectre d'élections au plus proche des citoyens est une manière originale et instructive de livrer un tableau sociologique et politique d'une période charnière dans l'Histoire de France qu'est la Monarchie de Juillet. D'après les termes de Maurice Agulhon, historien français et spécialiste de la République. Page 20. [...]
[...] L'apprentissage de la politique moderne Les élections municipales sous la Monarchie de Juillet, Christine Guionnet Biographie de l'auteur Christine Guionnet est maître de conférences à la faculté de droit et de science politique de Rennes depuis 1996. Diplômée de l'Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux en 1991, elle obtient son DEA de sociologie à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales en 1992, puis un doctorat de sociologie (mention sociologie politique) à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales en 1995, sous la direction de Pierre Rosanvallon, thèse qui portait sur l'apprentissage de la politique moderne. [...]
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