A la fin du XIX ème siècle, une profonde mutation de l'économie se met en marche avec l'essor des activités de services. Aux Etats-Unis, les grandes entreprises américaines instaurent une bureaucratie de cadres et d'employés, hommes et femmes, dont les gratte-ciel et les firmes conquérantes sont les principaux symboles. La période qui s'étend de 1870 à 1920 correspond à la révolution managériale aux Etats-Unis. Elle consiste en une parcellisation et une individualisation des tâches, au service de la course aux résultats des entreprises. La nouvelle génération de cadres de la fin du XIX ème au début du XX ème siècle est pétrit de cette culture de l'entreprise ; il s'agit d'une véritable mécanisation des esprits et des corps avec cependant de nouvelles formes de sociabilité qui se mettent en place au bureau. C'est de l'histoire de ce grand capitalisme que traite Olivier Zunz dans son ouvrage L'Amérique en col blanc, l'invention du tertiaire 1870-1920, paru en 1991. Olivier Zunz est actuellement professeur d'histoire américaine à l'Université de Virginie aux Etats-Unis et en enseigne régulièrement à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales en France. Il a dirigé un colloque sur Alexis de Tocqueville à Cerisy en juin 2005 avec la collaboration de Jean-Louis Benoît et Françoise Mélonio. Auteur de nombreux livres (dont le récent Siècle américain aux éditions Fayard), il prépare actuellement une histoire de la philanthropie américaine, qu'il présentera dans ses séminaires au CENA, Centre d'Etudes Nord-Américaines. Le livre d'Olivier Zunz se concentre sur les managers de rang intermédiaires, ceux qui prennent les décisions, établissent de nouvelles méthodes de travail standardisés, participent à la formation de bureaucraties gestionnaires. Pour Olivier Zunz, ils ont joué un rôle important dans la promotion d'une nouvelle culture de travail, ont exporté la révolution managériale dans les secteurs-clés de la société. La méthode de l'auteur est originale, il étudie les groupes qui ont fait l'histoire sociale américaine, au travers de biographies collectives établies à partie des registres du personnel de grandes entreprises. Le livre de l'auteur se structure en 7 parties, les premières ayant une approche plutôt économiques, et les dernières une dimension à dominante sociologique. La thèse de Olivier Zunz décrit une théorie du changement social : comment la synthèse managériale a pu contribuer à créer un ordre social plus homogène capable d'intégrer des gens d'origines diverses dans la nouvelle classe moyenne américaine, malgré les tensions sociales dans le monde industriel ?
[...] Les emplois de cols blancs sont un moyen de s'élever socialement. Ils doivent parfaitement maîtriser la syntaxe anglaise et avoir un comportement conforme aux règles de bonne conduite des bureaux. Les candidats aux emplois veillent à leur rhétorique et à leur calligraphie, mais aussi à leur caractère. Une véritable science de l'embauche fut donc initiée par les futurs cols blancs. En ce qui concerne les distinctions entre cols blancs et cols bleus, ceux-ci ont leur propre mode de vie, leurs codes moraux et une culture technique. [...]
[...] Cependant, après la répression sanglante de Haymarket en 1880, l'individualisme sans bornes est contrôlé par une solidarité qui dépasse les frontières de la classe ouvrière. Selon Olivier Zunz, le sentiment anti-ouvrier des cadres est largement à nuancer. Les premiers cadres vont peu à peu mettre leur individualisme à profit avec la nouvelle organisation scientifique du travail Selon Olivier Zunz, le travail des cols blancs connaît une certaine rationalisation de ses pratiques. Ce sont les grandes entreprises américaines qui ont développé ces nouvelles valeurs. [...]
[...] Par ailleurs, ce livre est à mon sens trop idéaliste dans la mesure où les relations entre les managers et les grands patrons ne sont pas représentatives de la réalité. Les historiens ont parlé d'une tradition de système féodal au sein des entreprises américaines. Cet argument est défendu par Corey Robin dans son livre La peur, histoire d'une idée politique paru récemment. [...]
[...] L e vendeur devait aussi être économe, calculer ses dépenses. Un serment de loyauté était formulé. Dans sa quête de clients, le vendeur était récompensé par des primes et des promotions. Le livre d'Olivier Zunz est l'un des rares à faire une analyse des anonymes du capitalisme. Il s'agit en effet de micro-histoire, soit une focalisation sur des personnages peu connus. La réflexion de l'auteur est différente de celle des autres historiens, dans le sens où il montre que les capitalismes gestionnaires n'avaient pas nécessairement fait de la vie des classes moyennes une quête sans fin de produits de consommation. [...]
[...] Le système de cour dans l'immeuble était judicieux, il permettait aux cadres supérieurs de surveiller les ouvriers. Les gratte-ciels ont permis le développement de la bureaucratisation et du même coup le travail des femmes. Celles-ci sont plus spécialisées dans la dactylographie, le classement des polices d'assurance comme à la Metropolitan ou le standard téléphonique. Elles sont exclues des carrières de cadres. L'image d'une femme de l'organisation apparaît. Par ailleurs, une séparation visuelle et spatiale prend forme : Les femmes et les hommes ont leur propre uniforme, leur propre salle à manger. [...]
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