Alain CORBIN est un historien français, spécialiste du XIXème siècle. Il a travaillé sur l'histoire sociale et l'histoire des représentations, en particulier dans les campagnes. On lui doit plusieurs ouvrages, dont Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot, sur les traces d'un inconnu, 1798-1876, biographie d'un sabotier inconnu choisi au hasard dans les archives de l'Orne.
Le Village des Cannibales retrace l'histoire du dernier massacre né de la fureur paysanne, dans la petite commune de Hautefaye, en Dordogne. Un jeune noble est supplicié et brûlé vif sur le foirail, en présence d'une foule de 300 à 800 personnes, pour avoir crié "Vive la République !" . Le soir, les participants se vantent d'avoir rôti un "Prussien". L'évènement est rapporté en février 1871 par le journaliste républicain Charles Ponsac, qui déclare que "le crime de Hautefaye est en quelque sorte tout politique". Mais cela est-il si sûr ? (p 8)
Alain Corbin tente ici de démêler l'enchevêtrement des représentations de l'évènement, de ses multiples acteurs, des tensions sociales et politiques ; et de comprendre le mécanisme de tension entre horreur et rationalité, ainsi que la fascination exercée par cet évènement durant tout le XIXème siècle. En effet, Hautefaye "demeurera pendant près d'un siècle le symbole de la sauvagerie" ( p 85 ). A travers cette microhistoire, A. Corbin nous montre la distorsion socio-culturelle et politique qui s'opère à la fin du Second Empire entre les imaginaires et au sein d'une campagne à la fois attachée aux valeurs de l'Ancien Régime, et pénétrée par de nouveaux éléments de la modernité républicaine, juste avant que ne sonne le glas de l'Empire. Ainsi, en quoi cette micro-histoire est-elle représentative de l'Histoire "avec un grand H" de cette fin du XIXème siècle, où s'opèrent de nombreux changements dans les mentalités, à un rythme plus ou moins rapide selon les milieux de la nouvelle société républicaine ? (...)
[...] 86) LA FOIRE DE HAUTEFAYE(chap II et III ) L'affaire de Hautefaye n'appartient pas à l'histoire d'une commune, mais d'une foire. 70) Une foire vespérale annuelle à grand rayonnement La foire de Hautefaye est une foire rurale. Elle a un rayon d'influence d'environ 20 km, soit ( 1256 km2 : elle englobe ainsi plusieurs cantons de la Charente et s'étend jusqu'aux limites de la Haute-Vienne. Elle se tient du 14 au 16 août chaque année depuis 1633, accordée au seigneur Conan par lettres patentes du roi Louis XIII. [...]
[...] Voter pour le régime déchu est un signe de primitivité et de barbarie. C'est pourquoi les républicains ne font pas preuve de mansuétude face à l'affaire de Hautefaye, et font même preuve de sévérité : Sur les 300 assaillants, il n'y a que 21 accusés (tous de Hautefaye ) : toutes tranches d'âges, seulement des hommes. Les avocats font référence à la psychologie des foules, tentent de démontrer qu'il s'agit bien d'un crime collectif et que ces 21 accusés ne sont que des boucs émissaires, et ne peuvent porter la responsabilité de tout le groupe de + de 300 assaillants cependant, le verdict est sévère : -Chambort, Buisson,, Piarrouty, et Mazières sont condamnés à mort. [...]
[...] Les voleurs de caisses publiques (chap 1-III) : La haine des riches est exacerbée en Dordogne après 1830. Mais cette haine est autant dirigée contre les nobles que les républicains. En effet, il faut souligner l'intensité et la précocité de la Grande Peur dans la région. Ce souvenir est beaucoup plus agissant que la crainte des partageux [ ] 33). L'évocation de la Révolution fait renaître l'angoisse. -1848 : l'insurrection parisienne fait naître des scènes de panique ( rumeurs à l'origine ex p 34) en campagne. On craint l'arrivée des insurgés, de vagabonds et de brigands. [...]
[...] Les nobles ont dans l'ensemble une attitude peu provocante 13) : -ils se rallient du bout des lèvres à l'Empire, -ils sont discrètement frondeurs sous la Restauration -à la chute de la Restauration en juillet 1830, la noblesse de Dordogne connaît sa première migration intérieure officiers municipaux aristocrates refusent de prêter serment, mais près de la moitié des maires appartenant à l'aristocratie conservent leurs charges. Globalement [ . ] la représentation censitaire de la Dordogne adopte jusqu'à la chute de Louis-Philippe une attitude modérée. la majorité des nobles périgourdins se sont ralliés au Second Empire. -il existe une certaine familiarité des nobles de la région de Hautefaye: Ils s'immiscent à la bourgeoisie, se mêlent au peuple, et font comme les autres les affaires du commerce (1863, Abbé Bernaret à l'évêque de Périgueux). Alain de Monèys paiera de sa vie cette attitude familière. [...]
[...] Mais les nobles du Nontronnais ne dédaignent pas de se montrer sur le foirail et de s'entretenir avec les plus riches des marchandes et des paysans. ils sont accompagnés de leurs domestiques ou de leurs métayers. Ici la ville ne rencontre pas la campagne, ou du moins le contact est fortement médiatisé. Ainsi, la foire de Hautefaye diffère d'une foire citadine telle qu'il peut s'en tenir à Nontron : Mais la foire citadine est elle aussi synonyme de licence : elle est l'occasion pour les paysans de rencontrer les prostitués. [...]
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