Professeur à l'Université Paris I de la Sorbonne, né en 1936, Alain Corbin est agrégé d'histoire et docteur ès lettre. Mondialement reconnu, il est l'auteur d'une œuvre au carrefour de l'anthropologie, de la psychologie et de l'histoire. A travers ses recherches, Alain Corbin tend à redéfinir l'histoire sociale, culturelle et politique, du XVIIIe et XIXe siècle. La perception qu'il dévoile de l'espace français permet d'envisager un paysage en lien direct avec l'appartenance à une histoire politique connue.
Dans "Le miasme et la jonquille", les 334 pages de cet ouvrage, dédiées à l'odorat et à l'imaginaire social, propulsent le lecteur aux XVIIIe et XIXe siècles. L'étude offre au lecteur les éléments fondamentaux permettant la compréhension de la perception olfactive de ces temps. Les nombreux ouvrages, présentés à la fin du livre dans la partie « notes », indiquent combien cette question a pu « faire couler de l'encre » auparavant, et cela dans des domaines extrêmement variés. La table des matières, hautement détaillée, témoigne d'une synthèse réussie sur des sujets diversifiés. Les différents titres proposent au lecteur de multiples entrées possibles. L'étude des faits et de l'environnement olfactif passé définit l'objet de cet ouvrage. Cette rigoureuse étude nous permet également de nous interroger sur les fondements éthiques de l'organisation sociale.
[...] p Selon Bordeu il y en a sept qui possèdent chacune une odeur forte : la partie chevelue de la tête, les aisselles, les intestins, la vessie, les voies spermatiques, les aines, les séparations des orteils Se référer à l'ouvrage d'Yvonne Vernier, façons de dire, façons de faire, Gallimard pp.20-77. En 1777, le comte de Milly déclare qu'il s'agit d'air fixé et Ingenhousz, en 1780, de l'air phlogistiqué Tiphaigne de la Roche, l'amour dévoilé ou le système des sympathistes p.45. Exemple de Don juan égaré par l'odor di femmina d'Elivire, épisode étudié par Gérard Wajemann, ornicar, pp.108-110. Alain Corbin se réfère à l'ensemble des travaux d'Yvonne Kniebiehler. [...]
[...] Le sentiment de gêne envers les odeurs miasmatique apparaît au XVIIIe siècle. Les hygiénistes travaillent dans le but de rendre le déchet humain inodore[2]. Le corps est une source intarissable d'exhalaisons, elles témoignent de la nature animale de l'homme. L'animalité même est alors dénoncée dans cette redéfinition de ce qui est supportable. Néanmoins, cette inquiétude de ne pas déranger les autres par son odeur est présente uniquement dans la classe bourgeoise de la société. Les croyances populaires des pauvres rendent la promotion de l'hygiène plus difficile. [...]
[...] Afin de subvenir à cette pensée commune, les hommes et femmes portèrent, de plus en plus fréquemment, des petits objets parfumés sur eux et diffusèrent des aromates dans leur domicile dans le but de se protéger de la contagion d'exhalaisons putrides. Néanmoins, un recul s'engagea rapidement, ces diffusions d'odeurs étant vues comme des poisons et des drogues. L'air rejeté par la jeunesse sembla, pendant longtemps, bénéfique pour l'homme, jusqu'à être utilisé comme remède pour soigner le malade. En 1756, Withof affirma que chaque individu ou animal possède sa propre odeur. [...]
[...] La sympathie fut définie par Tiphaigne de la Roche, en 1749, comme ce qu'il se répand autour des hommes et des femmes. Ces parcelles, d'une matière invisible est appelée matière sympathique. Ces dernières agissent sur nos sens. Ainsi, cette action produit l'inclination ou l'aversion, la sympathie ou l'antipathie. Lorsque la matière sympathique, qui se répand autour d'une femme, fait une impression agréable sur les sens d'un homme ; dès lors, cette femme est aimée de cet homme.[10] La matière transpirante engendrerait alors toutes les relations entre les êtres humains. L'odorat participe à l'anticipation amoureuse[11]. [...]
[...] Ainsi, il fut défini que l'enfant possédait une odeur aigre et laiteuse tandis que le vieillard voyait son odeur devenir moins acide et plus douceâtre. L'idée commune voulait que les passions se reflètent également dans la présence des odeurs. La tristesse entrainait la perte de l'odeur, la colère donnait une haleine forte et bilieuse tandis que la terreur rendait la transpiration des aisselles abondantes et nauséabondes accompagnées de vents et selles insupportables. Alain Corbin s'étonne que la couleur des cheveux et du teint n'intéresse pas le discours médical de l'époque. [...]
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