Après les intenses années 1789-1794, les années 1794-1799 semblent se dérouler sur un mode mineur, entre les épopées de Robespierre et de Bonaparte. La chute des robespierristes du 9 Thermidor marque la fin de la phase proprement « révolutionnaire » de la rupture avec l'Ancien Régime (cf. Michelet qui arrête là son Histoire de la Révolution). Il s'agit désormais d'enraciner la Révolution dans la société des notables. La République se fait bourgeoise, mais sans l'élan généreux de 1789, d'où la mauvaise réputation de cette époque chez les historiens « jacobins ».
On retient surtout de cette période partagée entre désordres et tentatives de normalisation, des images contrastées et un peu simplistes : brigandage (« chauffeurs » des campagnes d'Ile-de-France) au niveau local, facilité par l'impuissance de l'Etat (grave crise financière), hédonisme des « Incroyables » et des « Merveilleuses », âge d'or des brasseurs d'affaires douteuses. Brumaire apparaît alors comme le coup d'Etat d'un sauveur venant remettre de l'ordre dans une maison républicaine envahie par la corruption et l'indifférence civique des masses. Mais cette vision est renouvelée par l'historiographie récente (Jean Tulard) qui insiste sur le maintien de la politisation et sur la préparation de l'œuvre organisatrice du Consulat.
[...] La frivolité à l'honneur Cette période est celle d'une revanche sur l'austérité jacobine : pour oublier la Terreur, on se plonge dans une frénésie de spéculation et de jouissance, comme sous la Régence après la triste fin de règne de Louis XIV, ou sous le Second Empire, après les drames de 1848. Le centre de gravité de la vie collective n'est plus le civisme, mais l'étalage de fortunes vite acquises grâce à la spéculation (réouverture de la Bourse fermée en l'an II et avances consenties au Trésor Public) et vite dépensées, sans grand profit pour l'intérêt général (on n'investit pas dans des secteurs productifs). La vie mondaine se reconstitue : maisons de jeu et de prostitution au Palais-Royal, bals publics dans d'anciens hôtels aristocratiques. [...]
[...] On prétend même qu'il voulait épouser la fille de Louis XVI et se proclamer roi. On parle d'orgies dans des palais avec Saint-Just, en appliquant à l'« Incorruptible les reproches adressés à la Cour. Les rumeurs retournent contre les robespierristes la rhétorique du complot, ce qui permet d'attribuer la Terreur à la personne de Robespierre et non aux rouages révolutionnaires (François Furet : L'Incorruptible est devenu le bouc émissaire de la guillotine Malgré la Fête de la Régénération du 10 août 1793 (date anniversaire de la chute de la monarchie), Thermidor marque la fin de l'utopie révolutionnaire qui consistait à vouloir créer un homme nouveau tout entier tourné vers la chose publique : Robespierre parlait ainsi d'éliminer l'abjection du moi personnel La société réelle, que la rhétorique terroriste a fictivement abolie dans la célébration de l'unité du peuple et de ses dirigeants, prend sa revanche sur ce que Marx appelle l'illusion du politique (c'est ainsi qu'en peinture, les scènes de genre, représentant les gens dans leur intimité, prennent ainsi le dessus sur la peinture d'histoire engagée). [...]
[...] Francois- Alphonse Aulard dans Les grands orateurs de la Révolution : Robespierre fait peser sur les esprits la tyrannie de l'incertitude Le 9 thermidor 1794 (27 juillet), il est arrêté avec ses partisans (Couthon et Saint- Just), puis guillotiné sans jugement le lendemain. ( Si le 2 juin 1793, ce sont les sans-culottes qui ont imposé la chute des députés girondins, cette journée marque un retour du pouvoir entre les mains de la Convention. On crie A bas le tyran ! terme réservé jusque-là à Louis XVI ou aux souverains ennemis de la France, comme s'il avait voulu forger un nouvel absolutisme et confisquer la Révolution à son profit. [...]
[...] Le babouvisme, ancêtre du communisme ? Face à la répression, les démocrates ont recours à la conspiration, dans une France où les contrastes sociaux entre enrichis et déclassés sont de plus en plus nets. En mai 1796, la Conjuration des Egaux de Gracchus Babeuf s'appuie sur un projet de communisme agraire : il veut que la Révolution aille au bout de sa logique égalitaire en abolissant la propriété. C'est selon lui le seul moyen pour redresser la situation économique et pour que les pauvres ne se détournent pas de la République. [...]
[...] Bonaparte lance d'ailleurs de grandes enquêtes dans le pays pour y mesurer l'état des finances, de l'armée, de l'administration, de l'économie, ce qui contribue à nourrir la légende noire du Directoire comme régime inefficace. Beaucoup d'hommes du Directoire se rallient au nouveau régime. Bonaparte, tout en refusant la restauration monarchique que lui propose le comte de Provence, tend également la main aux émigrés et à tous ceux qui veulent bien se soumettre à son autorité ( politique de ralliement qui remplace celle de l'élimination. On s'oriente alors vers une période d'atonie de la vie politique en raison de la censure. [...]
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