Qu'est-ce que le « socialisme utopique » ? Ce terme, à l'origine péjoratif, fut utilisé par Marx et Engels dans Socialisme utopique et socialisme scientifique pour désigner tous ceux qui les ont précédé et dont ils jugent les projets naïfs et irréalisables. Ceux-ci sont donc relégués au rang des utopistes philosophiques, de Platon (La République) à Thomas More (Utopia, ou Traité de la meilleure forme de gouvernement, 1516). Bien que chaque penseur se dise « unique » et seul porteur de la vérité, la grande proximité des idées des premiers penseurs socialistes du XIXème permet de parler réellement du socialisme utopique au singulier. La particularité du socialisme utopique par rapport aux socialismes réformistes et révolutionnaires réside dans une différence de méthode. Les trois ont en commun d'imaginer une société idéale, mais utilisent trois méthodes différentes : le socialisme révolutionnaire propose d'atteindre cette société par la Révolution et la violence ; les réformistes souhaitent éviter la violence, en rentrant dans le jeu politique ; les utopistes, eux, envisagent la domination des idées qui doivent se répandre d'elles-mêmes.
Ces utopistes, ce sont les penseurs socialistes du XIXème siècle qui refusent la violence comme mode d'action pour atteindre la société idéale. Quelques figures dominent : Saint-Simon, Fourier, ou Owen, mais ces tendances eurent de nombreux disciples, comme Cabet, Prosper Enfantin, Victor Considérant, Louis Blanc, Buchez … Ces hommes non-violents, opposés à Marx ou à Proudhon, ont pu développer leur pensée et agir dans un contexte très particulier, celui d'un siècle agité par des Révolutions, des bouleversements. Ainsi, en quoi le socialisme utopique s'ancre-t-il profondément dans le XIXème siècle ? Le socialisme utopique apparaît s'ancrer dans son siècle dans ses causes, dans son action et dans ses conséquences.
[...] La raison est donc au centre de leur façon de voir les problèmes de société. La Révolution américaine revêt également une grande importance, notamment pour Saint- Simon qui part en Amérique à l'âge de 19 ans, et en revient fasciné par le modèle américain dans lequel tous produisent modèle qui deviendra son modèle d'harmonie. Il en est de même pour la Révolution française, marquée à la fois par la Conspiration des Égaux de Gracchus Babeuf en 1795, première tentative de mettre en place des utopies pour arriver à un régime social et plus égalitaire, et par l'action de certains socialistes utopiques, comme Saint-Simon le révolutionnaire, qui demande un baptême républicain en 1790. [...]
[...] Le socialisme utopique, une influence sur le XIX° siècle 1. Des héritages politiques importants a Le socialisme utopique nourrit les critiques de la monarchie de Juillet, entre 1830 et 1848, et c'est dans ce sens qu'on peut considérer qu'il est l'origine, par la multiplicité de ces critiques, de la révolution de 1848. C'est surtout l'aspect social de cette révolution, ce qu'on a appelé l'esprit quarante-huitard qui subit l'influence de ces pensées utopistes, mais aussi les nouveaux utopistes qui apparaissent juste après, autour de la personnalité de Cabet. [...]
[...] Ainsi, le socialisme utopique est bien véritablement une pensée du XIX° siècle, profondément ancrée dans celui-ci. Mais son impact dépasse largement le cadre du XIX° siècle, et s'étend profondément sur le siècle, notamment après le déclin du marxisme : socialement, la pensée hippie, le New Age, la libération sexuelle en sont des avatars tardifs. Politiquement, son impact est plus grand encore : la décentralisation (transfert de pouvoir à des échelles moindres ; mais paternité partagée avec les anarchistes), l'aménagement du territoire, mais aussi, de façon plus surprenante, les organisations internationales, dont on trouve l'inspiration chez Saint-Simon, dans De la réorganisation européenne, ou de la nécessité et des moyens de rassembler les peuples d'Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun d'eux son indépendance nationale Le socialisme utopique n'est pas à réduire à une simple incidence, un accident du XIX° siècle. [...]
[...] Le socialisme utopique Qu'est-ce que le socialisme utopique ? Ce terme, à l'origine péjoratif, fut utilisé par Marx et Engels dans Socialisme utopique et socialisme scientifique pour désigner tous ceux qui les ont précédés et dont ils jugent les projets naïfs et irréalisables. Ceux-ci sont donc relégués au rang des utopistes philosophiques, de Platon (La République) à Thomas More (Utopia, ou Traité de la meilleure forme de gouvernement, 1516). Bien que chaque penseur se dise unique et seul porteur de la vérité, la grande proximité des idées des premiers penseurs socialistes du XIX° permet de parler réellement du socialisme utopique au singulier. [...]
[...] Le Second Empire Aussi surprenant que ce puisse paraître, le socialisme utopique et en particulier les doctrines saint-simoniennes ont eu une influence importante sur le Second Empire. Napoléon III, lui-même un ancien Carbonaro, n'est pas imperméable aux idées politiques de son époque, et bon nombre de ces travaux reflètent cette influence, comme le montre son discours de Bordeaux en 1852 : Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemin de fer à compléter Mais le Second Empire, période de domination de la bourgeoisie, est également influencé par celle-ci, parfois conquise aux idées saint-simoniennes : bon nombre des grands hommes politiques et de banquiers (Laffitte) ou industriels du Second Empire sont de filiation saint-simonienne Des contestations fortes Mais la postérité du socialisme utopique se mesure également aux oppositions qu'il a suscitées, et au rôle structurant qu'il a eu dans la pensée socialiste après lui, tant sur l'anarchisme de Proudhon que sur le marxisme. [...]
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