La fin du XVIIe siècle, comme le début du XVIIIe siècle, sont marqués par la part toujours plus importante prise par les colonies antillaises dans la vie de la métropole, aussi bien en France qu'en Angleterre, que ce soit à travers l'intensification des échanges ou bien dans la mise en place de réseaux de négoce très denses et mobilisant l'Europe entière. Ces activités en dehors du continent ne sont pas sans suscitées la curiosité, d'autant que si les colonies sont présentes dans les esprits, peu de personnes ont eu le privilège d'y aller.
C'est dans cette optique que Jean-Baptiste Labat, frère dominicain et ethnographe de son état, publie en 1722, après avoir commencé sa rédaction dès son retour en France métropolitaine, Nouveau voyage aux isles de l'Amérique, s'inscrivant ainsi dans une tradition littéraire. Il s'agit du récit de ses années passées aux Antilles entre 1694 et 1706. Son œuvre a connu un certain succès puisque elle a été traduite en hollandais en 1725, puis en allemand en 1783 : on peut donc considérer que l'influence du père n'est pas négligeable sur les imaginaires. Cependant son travail de réécriture, visible par la mention « avant la paix de Ryswick », sur ses souvenirs peut porter à caution, puisqu'on est toujours tenté d'embellir la vérité ou de porter des sens sur des événements différents de ce qu'ils avaient pu être alors. Néanmoins, la mention dès la première ligne de l'extrait d'une date, « le jeudi 4 mars », laisse penser qu'il écrit sur la base d'un journal ou de documents lui permettant de reprendre une trame chronologique sûre.
L'extrait présent évoque l'installation du frère Labat dans la paroisse de Macouba, en Martinique, dans laquelle il demeura deux ans. Dans cette même paroisse, se trouve une société de flibustiers, ce qui fait du père un témoin privilégié de cette communauté, d'autant que des liens amicaux se lient entre lui et leur principal chef.
Les flibustiers, du néerlandais « vrijbuiter », soit « qui fait du butin librement », ont connu leur âge d'or en cette fin du XVIIe siècle. Ils ne sont pas une horde d'hommes sans foi ni loi mettant à sac tous les navires ou les villes avoisinantes, mais un groupe de matelots régi par des règles et agissant au nom d'un Etat ou d'une ville par le système des lettres de marque. Ici, les matelots rencontrés sont au service du Roi de France, et à ce titre hissent la fleur de lys au sommet de leurs bâtiments.
L'extrait décrit successivement l'installation et l'accueil du père Labat, lignes 1-7, puis la confrontation du nouveau venu aux réalités de la flibuste, soit l'implication des flibustiers dans la vie communautaire et les conditions d'attaque, ligne 8-21. Puis, il explicite les différentes modalités d'indemnisations auxquelles est soumis la course dans les Antilles, selon que les flibustiers sont propriétaires ou non de leur navire, lignes 22-40. Enfin, il évoque l'image des pirates, loin de l'idée qu'on s'en fait dans les cercles aisés de métropole, d'après leur implication dans la vie paroissiale, lignes 41-51.
Quelle société décrit le père Labat et avec quelles conséquences sur le monde antillais? Comment les flibustiers s'insèrent-ils
On verra tout d'abord le monde des flibustiers, fait de liens complexes, un attrait de la mer qui cache des liens solides avec les îles. Puis, l'activité de flibuste à proprement parler, certes prolifique mais qui ne peut gagner une guerre à elle seule et qui se propose comme palliatif à une puissance dominée.
[...] Peut-être parce qu'au- delà du fait qu'il permet de régler la fin de la guerre de Neuf ans, c'est aussi le moyen d'établir une législation commune à plusieurs pays, sachant que les équipages de la flibuste deviennent très internationaux ; B. Indemnisation Les blessés et les amputés touchent des indemnités Lignes 28-32. La deuxième conséquence de la Chasse Partie est l'indemnisation du marin à la suite d'une blessure ou de la perte d'un membre. C'est le signe d'une solidarité entre évoquée plus haut, qui, plus que par des mots, est matérialisée dans les contrats. On considère que tout marin ayant perdu de sa mobilité, ce qui en réalité lui permet d'exercer son métier de marin, a droit à une indemnité. [...]
[...] Manière de combattre des flibustiers (1694) Le jeudi 4 mars [1694], j'allais rendre visite à notre voisin, M. Pinel, capitaine flibustier, commandant une corvette de six canons, appelée La Malouine ou La Volante. Il était arrivé la veille avec deux vaisseaux anglais qu'il avait capturés au large de la Barbade. Il me reçut avec mille civilités et, ayant su que je m'établissais à la paroisse du Macouba, il dit qu'il voulait contribuer à me mettre en ménage et me fit présent de six belles bouteilles et de douze verres de cristal, avec deux fromages d'Angleterre. [...]
[...] Les autorités de métropole et d'outre-mer L'amiral ou le gouverneur ligne 28 ; les bourgeois ou armateurs ligne 36. Ce sont en quelque sorte les supérieurs hiérarchiques des flibustiers, bien que ceux-ci ne supportent pas vraiment l'idée d'autorité étrangère. Les premiers témoignent du rôle joué par l'Etat et de la légalisation du statut de flibustier, certains gouverneurs sont issus de la flibusterie. Ils ont apporté une grande aide au royaume de France car ils avaient une connaissance aigue des mers antillaises et pouvaient s'appuyer sur leur passé pour rallier les flibustiers à la cause royale. [...]
[...] Il est aussi tout à fait possible qu'il soit un entrepreneur privé qui constitue son équipage sur la base de mercenaires. Le quartier-maître occupe un poste primordial lié à la situation du capitaine : il est son principal relais auprès des simples marins et en cas de décès de son supérieur hiérarchique, il le remplace naturellement. Bien que le système flibustier élise son chef. Ses qualités doivent être les mêmes, il s'agit probablement d'un homme éduqué lui aussi et rompu à la haute mer. Le chirurgien est imposé par l'ordonnance de Colbert. [...]
[...] Cette première prise observable par le père Labat est donc le reflet de la situation géopolitique mondiale, mais ne doit pas être éludée comme un constat général : la flibuste s'attaque à tous les navires, tant qu'ils ne battent pas pavillon français, susceptibles de générer du profit. Mais il est vrai que les prises anglaises sont privilégiées à la vue du lieu de chasse. B. Comment attaquer ? Un flibustier, avec qui je m'entretins, me dit lignes13-18 La course repose l'effet de surprise. Dès lors, le fait qu'un plus petit bateau s'attaque à des plus gros, relève d'une stratégie élaborée. [...]
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