Incidents dans la vie d'une jeune esclave, Harriet Jacobs, littérature, Etats-unis, esclavagisme du sud, société raciste, ségrégation au nord, possession des esclaves, Amy Post, Martin Luther King, lutte contre l'esclavage, Docteur Flint, guerre de Sécession
Si l'idée même de réduire un être humain à l'état d'esclave, aujourd'hui, ce qui signifie lui dénier sa qualité d'être humain pour en faire un objet que l'on peut acquérir et user à sa guise, semble particulièrement abjecte, il faut bien comprendre qu'il fut un temps pas si lointain où elle constituait la norme ; sa pertinence était encore débattue, il y a tout juste un siècle et demi, les personnes favorables à cette pratique démontrant avec conviction en quoi les Noirs américains des États du sud avaient besoin de leurs maitres et que la persistance du système leur rendait service.
[...] En quoi le récit d'Harriet A. Jacobs, dans son livre-témoignage « Incidents dans la vie d'une jeune esclave », éclaire-t-il à la fois sur l'aspect concret de l'organisation esclavagiste au XIXème siècle aux Etats-Unis, et alerte-t-il, comme il l'a fait en son temps, sur le potentiel destructeur d'une humanité dont certains individus seraient mis face au confort de l'exploitation libre d'autrui ? Pour ce faire, nous présenterons dans un premier temps la société américaine telle que décrite par l'auteur : un Sud qui base son propre modèle économique sur la barbarie, face à un Nord passif et loin d'être exempt de reproches. [...]
[...] Mais la vie rattrape progressivement l'illusion : pour l'auteur, cela se produit notamment avec la perte de ses parents, mais aussi avec celle de sa maitresse (qui, contrairement à la plupart des esclavagistes qui vont suivre, la traitait d'une manière relativement acceptable), qui va précipiter son changement de propriétaire vers des maitres nettement moins soucieux du bien-être d'une enfant, fut-elle noire. Cette nouvelle situation contraste d'autant plus fortement avec la précédente qu'elle est presque soudaine, l'auteur évoquant ainsi les peines de son enfance soudain brisée. L'adolescence n'arrange pas les choses. Comme nous l'avons dit, pour toute esclave femme, c'est le moment de nouveaux périls vis-à-vis du maitre. Mais aussi, celui de sentiments réels comme en aurait n'importe quelle jeune femme, celle-ci tombant amoureux d'un jeune homme, mais ne pouvant de par sa condition d'esclave envisager sereinement de l'épouser. [...]
[...] Il s'agit ainsi sans doute d'une leçon d'humanité que le lecteur ne peut que retenir, car aussi forte puisse être notre civilisation de notre point de vue, il n'est jamais exclu que, comme le dit Pierre Drieu La Rochelle, "L'extrême civilisation engendre l'extrême barbarie." Bibliographie DOMMERGUES Pierre, L'esclavage dans le développement de la société et de l'économie, Le Monde Diplomatique, février 1976 KEYSSAR Alexander, The right to vote: The contested history of democracy in the United States, Basic Books RECLUS Elisée, De l'esclavage aux Etats-Unis, Revue des Deux Mondes, 2ème période, tome RUBIN Ernest, Les esclaves aux Etats-Unis de 1790 à 1860. Données sur leur nombre et leurs caractéristiques démographiques. [...]
[...] Les exemples sont nombreux, dans ce livre, pour illustrer ce système : existence de chasseurs d'esclaves, bonnes relations entre le sergent de ville et les esclavagistes . Cette situation « de droit » est théorisée par les planteurs, qui en convainquent les jeunes institutions américaines : « de même que le sol appartient au premier occupant et à sa descendance, de même l'homme appartient avec toute sa race à son premier vainqueur. Quand même la victoire serait le résultat d'un crime, la prescription ne tarde pas à transformer le mal en bien, et, par le cours des années, l'homme volé à lui-même devient graduellement propriété légitime. [...]
[...] La lutte pour l'égalité est un combat permanent, qui concerne toutes les générations, tant pour parvenir à un idéal que pour préserver chaque acquis, parfois obtenu dans le sang - comme ce sera le cas pour l'abolition de l'esclavage. Pourtant, des témoignages tels que celui du livre d'Harriet A. Jacobs ont le mérite de nous rappeler combien ces valeurs à défendre sont importantes, tant leur recul peut mener une « civilisation » vers la barbarie et détruire des existences humaines qui auraient pu être tellement belles. [...]
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