Selon la conception allemande de la nationalité, le « Volk », le peuple allemand, « force organique vivante », pour reprendre les mots de Herder, réunit tous les hommes du même sang et doit, à terme, se retrouver au sein du même Etat; cet Etat-modèle, c'est celui que les nationalistes allemands, plus exactement les pangermanistes, ont défendu au cours du XIXème siècle. L'Etat-Major allemand, qui a conduit le pays à la victoire contre la France après une guerre courte et facile, obtient ainsi de Bismarck, par le traité de Francfort du 10 mai 1871, l'annexion de la région française de l'Alsace, dont seul le territoire de Belfort est rescapé, et d'une large partie de la Lorraine, c'est-à-dire les ¾ de la Moselle, ¼ de la Meurthe de l'époque et quelques communes de l'Est des Vosges. D'après le nom allemand que je ne saurais prononcer, cet ensemble territorial perdu par la France fut rebaptisé «Alsace-Lorraine ». Le but est d'ôter à la France toute capacité de revanche. Il entretient le traumatisme français de la défaite de 1870.
Le traumatisme en France est grand, la capitulation de Napoléon III à Sedan a signé la fin de l'Empire et la République s'impose dans un pays où le nationalisme se verra plus qu'exacerbé par l'humiliation de la défaite; la question d'Alsace-Lorraine, conçue comme la négation par les Allemands du principe de liberté des peuples, devient alors un point de cristallisation des rancœurs.
[...] Suivant vous, ce principe autoriserait un Etat puissant à s'emparer d'une province par la force, à la seule condition d'affirmer que cette province est occupée par la même race que cet Etat. Suivant l'Europe et le bon sens, il autorise simplement une province ou une population à ne pas obéir malgré elle à un maître étranger. Les élus français des départements ainsi annexés manifestent ainsi le 1er mars leur profond désaccord : Nous déclarons [ ] nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. [...]
[...] C'est entre 1898 et 1905, au moment de la crise de l'affaire Dreyfus que le nationalisme français s'affirme à la fois comme la volonté de se protéger et de se débarrasser de la menace allemande mais aussi comme la défense de la France contre ce qu'ils qualifient d''anti- France' (les juifs, les francs-maçons, les internationalistes, voire les protestants ) A partir des années 1910, lors de la course aux armements, se réveille ce nationalisme ; les Français se préparent à l'éventualité d'une guerre qui devait avoir lieu. culte des provinces perdues (Berstein et Milza) Le mythe de l'Alsace-Lorraine, la région martyre de la nation française Les Allemands cherchent en effet, à la suite de l'annexion, à reconquérir les Alsaciens et les Lorrains, qui ont été germanisés', recouverts d'un vernis de culture française, qu'il faudrait ôter. Pour ce faire, la dictature militaire est instaurée jusqu'en 1874. L'AL, désormais ‘terre d'Empire' n'est pas considérée comme un Etat mais dépend directement du pouvoir central. [...]
[...] La France, rompant avec l'isolement que Bismarck avait voulu entretenir autour d'elle, se concentre sur l'établissement d'un réseau d'alliances (franco-russe en 1893-4, Entente Cordiale en 1903) 1907 : Triple Entente Pour conclure, le moins qu'on puisse dire, c'est que le cas d'Alsace- Lorraine a fait couler du sang, des larmes et de l'encre chez elle mais surtout dans le France meurtrie, complexée, humiliée de sa défaite de 1871. Il s'agit du terreau qui voit éclore un nationalisme revigoré, au désir de revanche exacerbé, et qui pleure et fait pleurer les territoires perdus. Mais la France et les Français en viennent peu à peu à oublier leur deuil ; rassurés par les conquêtes démocratiques de leurs anciens compatriotes, absorbés par de nouveaux problèmes intérieurs, la priorité n'est plus à la guerre de revanche. [...]
[...] Enfin, il apparaîtra que la question de l'Alsace-Lorraine s'est tout de même estompée avec le temps, au profit d'autres préoccupations nationales. Le cas de l'Alsace-Lorraine : un traumatisme régional qui en 1871 symbolise celui de tout un pays La défaite française : la crise identitaire de la France de 1871 Les Français ont le sentiment d'une véritable rupture dans leur histoire ; en effet, ils avaient démarré la guerre contre l'Allemagne avec confiance, luttant jusqu'au bout, plaçant encore leurs espoirs dans le gouvernement de Défense nationale entre septembre 1870 et janvier 1871. [...]
[...] Crises sont la manifestation de cette frustration et de cette volonté de se venger Boulangisme (1889) : cristallise les volontés de revanche guerrière contre l'Allemagne, même s'il porte aussi des revendications sociales. Il s'agirait de réinstaller un exécutif fort à la tête de l'Etat, capable d'organiser la reconquête de l'AL. Ces espoirs se fondent sur la personnalité du général Boulanger, ministre de la Guerre très populaire en 1886-87. Son intransigeance vis-à-vis de l'Allemagne lui vaut le surnom de Général Revanche Dans les petits cercles fermés de l'état-major, nationalistes et d'extrême-droite, on imagine cette revanche ; ils sont animés par des hommes comme Paul Déroulède, puis Maurice Barrès. [...]
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