C'est à partir du début du XIXè siècle, en France, que quelques individus s'essaient à mener leur barque pour faire de ce qui était un travail – voire un châtiment – un plaisir. La Révolution de 1789, en rompant avec les codes et les usages de l'Ancien Régime, autorise chaque citoyen à être son propre batelier. Ainsi, à Paris, le « bachot », la barque de Seine à fond plat des mariniers et des passeurs, devient le premier véhicule autonome de loisirs. Petit à petit, « les canotiers » s'habillent en marin. Leur « canotage » est le premier loisir moderne.
Ce simple exemple anecdotique de divertissement invite à réfléchir d'une manière plus générale sur l'apparition et les développements des loisirs au XIXè siècle. Il convient alors préalablement de définir la notion de loisir. En 1869, Littré la qualifie de « temps qui reste disponible après les occupations » alors qu'en 1940, il est « l'ensemble des distractions, occupations auxquelles on se livre de son plein gré, pendant le temps qui n'est pas pris par le travail ordinaire ». Entre ces deux dates, un glissement de sens s'est opéré qui traduit le passage du loisir aux loisirs et semble caractériser l'avènement d'une gamme diversifiée de distractions durant le temps libre.
[...] Cet événement s'inscrit dans le vogue croissante du sport-spectacle avec les premières compétitions cyclistes en 1890, les courses sur les pistes dans les vélodromes et les courses hippiques qui se développent sous la Monarchie de Juillet et sont associées au jeu d'argent. La boxe déjà populaire en Angleterre au début du siècle se réglemente et attend 1888 avant d'arriver en France. Mais le XIXè siècle se caractérise également par les prémices du tourisme, bien qu'il reste une forme de divertissement davantage réservé aux catégories privilégiées qui envahissent la Côte d'Azur l'été. [...]
[...] Le début du siècle est marqué par une absence de distinction entre temps de travail et de non-travail, les deux catégories étant en interaction. Cela ne signifie pas que le loisir est inexistant mais qu'il reste marginal. En effet, le temps libre est avant tout pensé sur le modèle de la simple récréation du temps de travail, un temps de non-travail et non comme un temps de divertissement. Au sein même de la bonne société les loisirs ne sont pas réellement programmés. [...]
[...] Les plus riches disposent de bibliothèques particulières, les autres s'abonnent à des cabinets de lecture et le développement du journal à un sou profite aux populations moins aisées. La culture des cafés et des salons apparaît. Le cabaret, les music-halls et cafés concerts se développent sous le Second Empire attirant un public populaire. La multiplication de formes nouvelles de spectacles est déterminante pour la promotion de nouvelles formes de loisirs : la population y profite de formes d'expressions très variées telles que la chanson, le sketch la musique, la danse, la poésie, la caricature, l'affiche ou les expositions de tableaux. [...]
[...] Il faut donc attendre le début du XXè siècle pour voir la réelle consécration des loisirs. Ceci est d'autant plus vrai pour le monde rural traditionnel qui ne participe pas au développement des loisirs au XIXè. Laissés pour compte, les paysans ne font pas une séparation nette entre travail et temps libre. Mémé Santerre évoquant son enfance dans le fin du XIXè siècle dans une famille de Tisserant au nord de la France affirme notre but fixe et unique est de manger, dormir et travailler Ainsi, si le début du XIXè ne laissait en rien présager un essor éminent des loisirs, le réaménagement des rythmes de travail qui redistribuent les temps sociaux et les multiples aspects de la révolution industrielle génèrent rapidement la revendication d'un temps pour soi. [...]
[...] Le bourgeois apparaît très largement comme l'homme du temps libre et l'avènement d'une classe de loisirs est de fait incontestable. Certes, il va de soi que les loisirs populaires se modernisent et qu'une culture populaire se met en place mais une grande partie de la population reste en marge. Il faut attendre le tournant du siècle pour que la culture de masse se développe réellement. Les loisirs sportifs ne sont pratiqués en réalité qu'après 1870 par les ouvriers et la bicyclette ne devient accessible aux plus modestes qu'en 1900. [...]
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