"L'inconnu d'hier est la vérité d'aujourd'hui". Cette phrase de Camille Flammarion, astronome intéressé au spiritisme, résume bien le tournant que constitue le XIXe siècle. Beaucoup de choses étaient ignorées avant l'émergence des "sciences expérimentales" de la seconde moitié du XIXe siècle, elles ont été découvertes, étudiées, critiquées, contestées, voire condamnées durant cette période, mais aujourd'hui, sont plutôt généralement admises.
Lorsque l'on pose un conflit entre scientisme et religieux, ce n'est pas forcément synonyme de "progrès contre archaïsme". Il est également important de remarquer qu'il est impossible de caractériser le XIXe siècle comme étant soit le siècle de l'avènement du scientisme, soit celui du retour du religieux : cela reviendrait à tirer un bilan et conclure sur le vainqueur de ce conflit. Ainsi, comment ces deux pensées ont-elles interagi ? Comment se sont-elles provoquées l'une l'autre ?
[...] Il est ici intéressant de montrer l'exemple de la théorie des origines de Charles DARWIN. Son ouvrage, L'origine des espèces par la sélection naturelle, paraît en 1859 et suscite un tel intérêt que les libraires sont en rupture de stock dès le premier jour. Autant dire que l'écho que trouve cette théorie dans la société civile est immense. Mais son interprétation est souvent très simpliste et hautement symbolique : la phrase célèbre "l'homme descend du singe" n'est en fait qu'un "slogan", une phrase d'accroche inexacte pour représenter la théorie de l'évolution, de nature beaucoup plus complexe. [...]
[...] L'occulte rencontre un bon succès populaire : c'est une nouveauté, cela permet d'expliquer les choses autrement que par la religion. Celle-ci se devait donc de réagir : sceptique au début (car la communication avec l'au-delà peut être intéressante pour un prêtre), mais par la suite, l'Église catholique condamne le spiritisme en 1898 pour trois raisons : il propage le communisme (idée d'égalité entre les esprits), incite au suicide (par la réincarnation), et donne un rôle trop important à la femme (les médiums sont souvent des femmes). [...]
[...] En conclusion, on peut expliquer tout ce qui a été dit ici par une simple phrase : "Plus on en sait, moins on en sait". Les progrès de la science du XIXè siècle ont entraîné un élargissement de la zone d'ignorance, provoquant une avidité de savoirs et d'explication et débouchant sur le scientisme. Alors, certes, ce scientisme a eu son moment de gloire, mais il n'a pas totalement réussi puisqu'il a laissé des zones d'ombre. De son côté, la religion n'a pas non plus réussi à s'imposer, le prouvent les lois de séparation des Églises et de l'État en France (1905). [...]
[...] Évidemment, l'Église lutte activement contre le communisme (ce qui est bien compréhensible puisque Marx affirme que "La religion est l'opium du peuple") : même Léon XIII, moins réactionnaire que Pie IX (il accepte même d'être filmé), le définit comme étant "une peste mortelle qui s'attaque à la moelle de la société humaine et qui l'anéantirait" (Encyclique Quod Aspotolici Muneris). Mais cela n'empêche pas les classes populaires de se démarquer des pratiques religieuses : d'abord, il n'y a pas d'églises dans les nouveaux quartiers pauvres, et puis leur désillusion est tellement grande qu'ils ne peuvent plus croire en rien. Ainsi, les consciences religieuses ont pu constituer un frein au scientisme exacerbé et instrumentalisé de l'époque. Cependant, une croyance n'est pas inévitablement un signe de conservatisme ou de traditionalisme. [...]
[...] En effet, le XIXè siècle est aussi une période durant laquelle l'occulte fait son grand retour. Occultées, c'est le cas de le dire, par le rationalisme absolu de la seconde moitié du XVIIIè siècle (excepté le mesmérisme juste avant la Révolution française), ces théories funestes sur l'univers, la nature ou l'homme, ces pratiques extraordinaires, revoient le jour, et ceci en grande partie grâce à la littérature du XIXè siècle. Des scientifiques vont alors s'intéresser à ces phénomènes, pour trouver une explication rationnelle à des manifestations irrationnelles. [...]
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