La mémoire tire sa force des sentiments qu'elle mobilise : elle installe le souvenir dans l'affectif, voire le mythe et le sacré. Elle se différencie de l'histoire dans la mesure où elle fait la part belle à l'émotion. Au sang froid de l'historien et au souci d'objectivité et de vérité qu'impose l'entreprise historique, on peut opposer le bouillonnement de la représentation collective où souvenirs personnels, croyances collectives et sentiments s'entrechoquent pour créer un ensemble mouvant sujet à des amnésies et à des revitalisations.
Il en est particulièrement ainsi de la mémoire de Vichy. Depuis 1945, l'histoire de la 2ème guerre mondiale, l'histoire du régime de Vichy et de la complicité de l'État français dans la déportation et la mise en œuvre du génocide en France, constituent un enjeu de mémoire récurrent. Les nombreuses polémiques relatives à l'héritage de Vichy (on pense notamment aux accusations portées contre François Mitterrand quant à ses relations avec Bousquet ou au sujet des gerbes de fleur sur la tombe du maréchal Pétain, ou encore aux provocations négationnistes de Jean-Marie Le Pen) montrent bien que ce passé douloureux « ne passe pas » selon les termes d'Henry Rousso et Eric Conan.
La réalité de Vichy est en effet particulièrement dure à accepter et nourrit une dialectique amnésie-revitalisation particulièrement extrême chez les Français, chez qui le refus de la vérité laisse souvent place à un « esprit d'autoflagellation » (Philippe Séguin), sans guère de compromis : c'est ce que Henry Rousso appelle le « syndrome de Vichy ».
Il est donc tout à fait intéressant d'étudier l'évolution de la mémoire collective et de la posture officielle de l'Etat depuis 60 ans car il est évident que l'évolution est tout à fait nette. A noter qu'on ne s'intéressera pas ici aux thèses négationnistes, produit de quelques provocateurs souvent imprégnées d'idéologie et par là-même très peu représentatives de la représentation collective.
[...] Le ralliement à cette thèse de quelques Français libres tel le colonel Rémy qui avait pourtant rejoint de Gaulle à Londres dès juin 1940, a contribué à lui donner un certain crédit, mais elle a été réfutée par la plupart des historiens. On le voit bien, la mémoire de Vichy s'est longtemps perdue en France dans les excès d'une représentation magnifiée, mythifiée du rôle joué par la France et les Français dans la Seconde Guerre mondiale. Or cette tendance s'est par la suite inversée dans la stigmatisation et la remise en question de la société dans son ensemble, avant de parvenir très récemment à une conception plus équilibrée de la période. II. La revitalisation 1. [...]
[...] La réalité de Vichy est en effet particulièrement dure à accepter et nourrit une dialectique amnésie-revitalisation particulièrement extrême chez les Français, chez qui le refus de la vérité laisse souvent place à un esprit d'auto flagellation (Philippe Séguin), sans guère de compromis : c'est ce que Henry Rousso appelle le syndrome de Vichy Il est donc tout à fait intéressant d'étudier l'évolution de la mémoire collective et de la posture officielle de l'Etat depuis 60 ans car il est évident que l'évolution est tout à fait nette. A noter qu'on ne s'intéressera pas ici aux thèses négationnistes, produit de quelques provocateurs souvent imprégnées d'idéologie et par là-même très peu représentatives de la représentation collective. I. L'Amnésie 1. [...]
[...] Même si l'heure reste à la glorification de la Résistance (transfert en grande pompe des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964), on continue de faire silence sur Vichy tandis que certains amorcent une timide réhabilitation de Vichy, voire une banalisation de Vichy. Face au danger communiste incarné par un PCF qui restait le premier parti de France en suffrages et en sièges de députés, et face au RPF du général de Gaulle qui avait gagné les élections municipales de 1947, les gouvernements de Troisième force envisagent de refaire une unité nationale avec la droite, y compris la droite vichyste et s'empressent d'adopter en 1951 et 1953 deux lois d'amnistie. [...]
[...] François Mitterrand, après avoir longtemps refusé de reconnaître officiellement cette responsabilité, fut contraint d'infléchir sa position (après l'affaire des gerbes de fleur sur la tombe de Pétain). Ainsi en février 1993, un décret a instauré le 16 juillet, date anniversaire de la rafle du Vélodrome d'Hiver à Paris en 1942, Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites mais en précisant toutefois, qu'elles avaient été commises sous l'autorité de fait dite " gouvernement de l'État français (1940-1944) " En 1995, Jacques Chirac a rompu avec l'attitude pour le moins ambiguë de François Mitterrand. [...]
[...] De même que cette vision héroïque est efficacement relayée par l'édition et le cinéma, à l'image de l'oeuvre de René Clément (La Bataille du rail). Le 25 août 1944, à l'Hôtel de Ville de Paris - là même où peu de temps auparavant, le 26 avril 1944, le maréchal Pétain avait été lui aussi acclamé par de nombreux Parisiens - de Gaulle, avant de réinstaller le gouvernement de la République dans la capitale, fonde ce que d'aucuns appellent le gaullisme historique : Paris ! [...]
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