Unions sacrées, Première Guerre mondiale, Raymond Poincaré, militantisme pacifiste, montée des tensions, ralliement des socialistes, durée imprévue de la guerre
« Dans la guerre qui s'engage, la France (…) sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée et qui sont aujourd'hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l'agresseur et dans une même foi patriotique. »
Ainsi Raymond Poincaré appelle-t-il les partis politiques français à s'unir face à l'agresseur allemand, et à faire front commun derrière le gouvernement. Dans tous les pays belligérants où les partis politiques sont un minimum structurés, le même mouvement se produit : dans les cas les plus fréquents, tous les partis politiques soutiennent la guerre, dans d'autres cas, aucun parti politique ne s'y oppose. Alors que les différents gouvernements s'attendaient à une réaction violente des socialistes, militants contre l'impérialisme et pour le pacifisme, ceux-ci, pour diverses raisons, se rallient à l'idée d'une guerre « défensive », forcée, face à un agresseur extérieur, et votent les crédits de guerre en France et en Allemagne, ou renoncent à tout blocage en Russie.
[...] Plus globalement en Europe, on craint, lorsque l'on devine la guerre inéluctable, une opposition frontale des socialistes et des conflits sociaux paralysateurs. En France, le gouvernement dispose d'une série de noms de cadres syndicaux et socialistes à arrêter, rassemblés dans ce qu'on appelle le Carnet B alors que l'Allemagne est elle aussi prête, en cas de blocage, à faire preuve d'autorité et à procéder à des arrestations. B. Nationalisme et bellicisme À l'opposé des socialistes pacifistes, outre ceux qui soutiennent la guerre une fois celle-ci jugée inévitable, il y a les nationalistes. [...]
[...] Isolé lors du déclenchement de la guerre, il est rejoint par dix-neuf autres membres du SPD dès 1915 et devient ainsi l'animateur du courant pacifiste et socialiste en Allemagne. Avec Rosa Luxembourg, il fonde et distribue clandestinement les lettres de Spartakus journal de la gauche marxiste pacifique. En 1916, il diffuse avec d'autres militants un tract appelant à faire un premier mai une grande mobilisation contre la boucherie impérialiste : Ouvriers, camarades, femmes du peuple, ne laissez pas passer ce deuxième Premier mai de la guerre mondiale sans en faire une manifestation du socialisme international, un acte de protestation contre la boucherie impérialiste ! [...]
[...] En effet, une fois celle-ci enclenchée, les attitudes d'opposition et de refus sont difficilement tenables, car rapidement délégitimées. Il y a donc d'un côté le loyalisme, mais aussi donc un calcul politique, auquel répondent les gouvernements : alors qu'en Allemagne et en France, des arrestations de cadres et militants socialistes étaient prévues, il n'en est rien. Les armistices intérieurs qui s'instaurèrent en 1914 étaient fort ambigus. Dans l'immédiat, cela est compris comme un ralliement, une sorte de trêves dans les antagonismes politiques et sociaux : trêve donc provisoire nécessitée par le contexte particulier. [...]
[...] Troubles sociaux et fin des Unions sacrées En Russie, la guerre entraîne des bouleversements économiques et sociaux. Chute de la production, pénuries en tous genre et politisation croissante des ouvriers : trois facteurs qui se conjuguent en mars 1917 et qui déclenchent, à partir du 8 mars 1917, une vague de manifestations à Petrograd qui aboutissent à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement provisoire emmené par Lvov, et à l'abdication de Nicolas II, le 15 mars. Partout en Europe, l'Union sacrée, qui touche toute la société, se dégrade progressivement : la Révolution russe, l'usure des combats et les privations, l'impression que la guerre n'aura jamais de fin, favorise le changement de position des partis socialistes, qui se rendent compte que le milieu ouvrier et l'opinion publique sont lassés et meurtris par la guerre. [...]
[...] Cette déclaration fait écho à celle de Jaurès sur la défense de l'indépendance de la nation citée plus haut et effectue une sorte de mise en conformité de la guerre avec les idéaux socialistes. En plus des arguments stipulant que cette guerre est avant tout une réaction à une agression extérieure, elle avance des buts de guerre justes : la démocratie, l'union des peuples, la liberté, la justice pour les opprimés Ce raisonnement, on l'entend d'ailleurs partout en Europe, c'est pour ces mêmes raisons que les socialistes allemands soutiennent la guerre et que les socialistes russes renoncent à tout projet de blocage : il s'agit de combattre l'autocratie russe pour les libertés des prolétaires russes, l'empire allemand parce que c'est un empire . [...]
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