Le pasteur Gollwitzer, théologien et écrivain allemand, dira lors de l'oraison funèbre en l'honneur d'Ulrike Meinhof qu'elle a été, pour lui, « la femme la plus importante de la politique allemande depuis Rosa Luxemburg ». Cette comparaison entre les deux femmes est en effet pertinente : l'une et l'autre se situent à l'extrême gauche, elles sont engagées, attachées à l'idéologie révolutionnaire, et décédées prématurément en défendant leurs idées. Mais si l'une a choisit la voie démocratique pour s'exprimer, l'autre se laissera séduire par la voie de la violence et du terrorisme.
Ulrike Meinhof est née le 7 octobre 1934. Perdant ces deux parents très tôt, elle sera confiée à une proche amie de sa mère, Renate Riemeck, professeur d'université reconnue. Son enfance sera heureuse, malgré la perte de ses parents, et elle reçoit une éducation stricte et féministe. Elle obtient l'équivalent du baccalauréat en 1955, et poursuit ses études grâce à une bourse de mérite nationale. Son intérêt pour la politique est encore modéré, mais elle ressent une vague solidarité pour la gauche et elle cultive une franche opposition à la bombe atomique. C'est pourtant cette jeune fille décrite comme étant timide, qui va devenir une journaliste polémiste reconnue, avant de sombrer dans le terrorisme d'extrême-gauche dès années 1970.
La vie d'Ulrike Meinhof est ainsi le reflet d'une Allemagne qui reste fortement marquée par sa responsabilité durant le Second conflit mondial. Dans cette société hostile aux conflits, réticentes aux débats idéologiques et aux confrontations, la première génération qui n'a pas connu la guerre, celle d'Ulrike Meinhof et de la Bande à Baader, va réclamer des comptes à ses parents, et militer pour un changement de société. Soutenus par des intellectuels et des journalistes de gauche, les étudiants vont protester contre l'ordre établit. Cependant, alors qu'en France les manifestations estudiantines de mai 68 paraissent porter leurs fruits sans effusion de sang, les mêmes évènements en Allemagne butent sur l'entêtement d'un pouvoir intransigeant. Dès lors, une poignée de jeunes ayant perdu leurs illusions, et pensant leur cause assez noble pour la défendre par tours les moyens, vont s'organiser en un groupe terroriste pour continuer leur lutte anti-étatique : ce sera la Rote Armee Fraktion (RAF), ou encore la bande à Baader, dont fait parti Ulrike Meinhof.
Ainsi, comment expliquer le basculement de la journaliste engagée dans l'action terroriste la plus brutale ? Quelles raisons ont poussé Ulrike Meinhof à s'engager dans cette lutte armée acharnée contre le pouvoir en place ?
Nous verrons que l'ascension de la jeune journaliste engagée s'est faite parallèlement à une radicalisation de son discours, l'amenant à légitimer les actions violentes pour la défense d'une cause. Son basculement dans le terrorisme n'est que la conséquence logique de sa résignation face aux moyens classiques d'expression et de sa rencontre avec Andreas Baader et Gudrun Ensslin, avec qui elle partage la même idéologie. Sa chute finale et sa mort dans la polémique en feront une martyre et une icône pour les révolutionnaires d'extrême gauche.
[...] Le premier hold-up de la RAF a lieu le 29 septembre 1970 : trois banques sont pillées le même jour à Berlin-Ouest. Mais une partie de la bande est arrêtée après ce hold-up. Au cours des mois qui suivent, d'autres hold-up et cambriolages sont organisés dans toute l'Allemagne. La campagne anti-terroriste bat son plein dans la presse de Springer. Mais l'équipe de la RAF paraît être décimer après ces épisodes. Il faut reconstituer les troupes, en recherchant de nouvelles recrues. [...]
[...] Un suicide polémique Mais, le 9 mai 1976, Ulrike Meinhof est retrouvée pendue dans sa cellule de la prison de Stammheim. Immédiatement, les avocats de la défense font courir le bruit selon lequel ce suicide serait en fait un crime déguisé des autorités, qui auraient souhaité se débarrasser d'une activiste gênante. Cette thèse sera repris par le presse internationale, et notamment par le journal Libération en France, qui explique que l'Allemagne, qui a abolit la peine de mort, a trouvé un moyen de substitution pour éliminer les prisonniers indésirables : les mettre dans des conditions d'internement tel qu'ils ne peuvent résister longtemps. [...]
[...] L'arrestation puis l'emprisonnement des membres de la RAF démontrent la terreur qu'avait réussi à instaurer les terroristes dans le pays en l'espace de quelques années. Ulrike Meinhof est encore aujourd'hui le symbole de cette génération déçue, qui dans les années 1970 a manifesté de la façon la plus violente son mécontentement face à la sclérose de la société. Mais il faudrait s'interroger sur les raisons du niveau de violence atteint en Allemagne avec la RAF, mais aussi en Italie avec le terrorisme des Brigades Rouges. [...]
[...] Le 21 mai 1975 débute le procès de Stammheim du nom de la prison de Stuttgart où sont incarcérés les principaux membres de la RAF, dont Andreas Baader. Ulrike Meinhof y est transférée. La défense des accusés s'axe sur leur volonté de passer pour des prisonniers de guerre. Ils exigent que l'intégralité des actions contre les bases américaines soit considérée à partir du contexte de te guerre du Vietnam. Pendant ce temps, à l'extérieur, les attentats se poursuivent, exigeant la libération des prisonniers politiques. [...]
[...] Ulrike Meinhof (1934-1976). Journaliste et terroriste I. L'ascension d'une journaliste engagée Des débuts de contestataire L'aventure konkret ou l'engagement à l'extrême gauche L'avocate de la violence II. Le basculement dans le terrorisme : la bande Baader-Meinhof Le passage à la clandestinité La préparation idéologique et financière L'action : le terrorisme anti-étatique et anti-impérialiste III. La chute finale, la prison et la peine de mort blanche L'arrestation L'isolement sensoriel et les grèves de la faim Un suicide polémique Bibliographie - AUST Stefan, Der Baader Meinhof Komplex, Hoffmann und Campe, Hamburg - BECKER Jilian, La bande à Baader, Fayard, Paris - BRUCKNER Peter, Ulrike Meinhof und die deutschen Verhältnisse, CIRC - Libération, „L'affaire allemande“, Paris Introduction Le pasteur Gollwitzer, théologien et écrivain allemand, dira lors de l'oraison funèbre en l'honneur d'Ulrike Meinhof qu'elle a été, pour lui, la femme la plus importante de la politique allemande depuis Rosa Luxemburg Cette comparaison entre les deux femmes est en effet pertinente : l'une et l'autre se situent à l'extrême gauche, elles sont engagées, attachées à l'idéologie révolutionnaire, et décédées prématurément en défendant leurs idées. [...]
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