« Les femmes ont toujours travaillé », comme l'affirme Sylvie Schweitzer, et c'est une réalité indéniable. Dès 1906, (les chiffres diffèrent selon les sources), entre 39% et 45% des Françaises sont actives : ce sont surtout des ouvrières et des domestiques, considérées comme des concurrentes pour leurs homologues masculins. Le travail féminin n'est pas un droit, tout au plus une concession. A la veille du conflit 1914-1918, les coutumes et la religion n'encouragent donc pas les femmes à poursuivre une vie professionnelle, et leur fonction sociale reste les activités ménagères et l'éducation des enfants. De plus, le modèle de société patriarcale les cantonne trop souvent dans des travaux agricoles et domestiques au sein de la famille ou en placement à l'extérieur en tant qu'employées de maison. Le travail des femmes du « peuple » n'inclut qu'une maigre protection sociale, et les employeurs profitent volontiers de cette main-d'?uvre qui leur coûte moins cher. Dans la vie civile, les femmes restent largement dominées par les hommes (par exemple, l'article 213 du Code Civil impose l'obéissance de la femme envers son mari, qui peut donc s'opposer à ce qu'elle travaille et qui doit donner son autorisation pour qu'elle soit syndiquée).
[...] Son adresse est martiale : il leur parle le langage viril de la mobilisation et de la gloire, et ainsi s'adresse aux femmes comme à des soldats. Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie. Remplacez sur le champ de travail ceux qui sont sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés ! Il n'y a pas, dans ces heures graves, de labeur infime. Tout est grand qui sert le pays. [...]
[...] Un médecin français dit ainsi aux médecins la blessure, aux infirmières le blessé : cela signifie que si la guerre valorise la profession d'infirmière, elle la subordonne au corps médical et exige de ses postulantes dévouement et discrétion. Même dans les campagnes, où la division sexuelle des tâches vole en éclats, les idéologues ruralistes assignent aux femmes la tâche de gardienne des mœurs et de la terre, et les communautés veillent au bon comportement de chacune (les frères se font autoritaires). A l'usine, recrutées par nécessité, les femmes font face à une méfiance ouvrière et patronale peu favorable à une prise de conscience personnelle. [...]
[...] De même, les services au féminin tels que les cafés, les commerces et les banques, rendent les femmes visibles dans l'espace public et font apprécier leurs qualités d'honnêteté et de discrétion. Pour les femmes des couches moyennes et aisées, la guerre est une période d'intense activisme qui bouscule le cloisonnement social mais aussi les rigidités de la mode bourgeoise. Car, en raison de leurs nouveaux métiers, les femmes changent peu à peu leur apparence pour se rapprocher du modèle androgyne. C'est ainsi que la mort du corset, le raccourcissement des jupes et la simplification du costume libèrent le corps et facilitent le mouvement. [...]
[...] Outre-Manche aussi, la place de la femme changeait sous la poussée d'un mouvement féministe plus radical, la Women's Social and Political Union (WSPU) qui, juste pendant les années de trouble précédant la guerre, faisait de la question féminine et du droit de vote de grands sujets de la discussion publique en Angleterre aurait donc pu être l'année des femmes, c'est l'année de la guerre qui remet chaque sexe à sa place. Car l'été 1914 ressuscite après les luttes de l'avant-guerre une certaine harmonie sexuelle. [...]
[...] Pour assimiler ces inexpérimentés, une organisation méthodique du travail rive les ouvrières à leur poste sous la surveillance du contremaître. De plus, cette entrée relativement massive des femmes dans les usines de guerre s'accompagne d'une division sexuelle du travail, puisqu'elles demeurent plus représentées dans les secteurs requérant les plus faibles qualifications. Et puis partout, les métiers traditionnels féminins restent mal payés, particulièrement le travail à domicile où les minima ne sont pas respectés (malgré les lois de 1909 en Grande-Bretagne et de 1915 en France). [...]
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