L'histoire du XXe siècle a mis à mal le bel optimisme kantien sur la maturité réflexive enfin acquise par une humanité libérée de son aliénation, devenue libre de penser par elle-même et d'user sans limites de sa raison. Jamais l'aliénation causée par les idéologies totalitaires ou les fondamentalismes n'a été aussi présente.
Pour certains, cette occultation des Lumières tient aux Lumières elles-mêmes. Les membres de l'école de Francfort - Adorno et Horkheimer dans leur Dialectique de la raison, notamment - y voient même l'origine de la barbarie qui a dévasté le XXe siècle. L'homme universel et abstrait, le recours absolu à la raison qu'elles postulent ont indirectement permis la déshumanisation totalitaire. À vouloir oublier la part d'ombre qui habite l'homme, à ignorer les déterminations économiques et sociales qu'il subit, on finit par faire de lui la victime désignée des faux rationalismes. Et le nazisme ne fut-il pas une abstraction et une sérialisation de l'homme poussées à la limite ?
[...] La social-démocratie exalte des Lumières hostiles à l'Église, humanistes et libérales. Les marxistes ressuscitent des Lumières radicales, athées et socialistes, du curé Meslier à La Mettrie, sans renier pour autant l'héritage de Voltaire, Diderot ou Montesquieu, auquel Louis Althusser consacrera plus tard son premier essai (Montesquieu, la politique et l'histoire, 1959). En 1943, Pierre Naville, trotskiste connu, ancien surréaliste, publie chez Gallimard un livre important sur Paul Thiry d'Holbach et la philosophie scientifique au XVIIIe siècle. Le pétainisme exalte Rousseau dans le cadre du retour à la terre et Henri Labroue, antisémite officiel, titulaire d'une chaire en Sorbonne, publie en 1942 un Voltaire antijuif . [...]
[...] De même, tandis que Voltaire est resté constant dans sa pensée tout au long de sa vie, que de changements chez Diderot ou Rousseau, au point de les amener à se contredire eux-mêmes ! Par ailleurs, Isaiah Berlin fait pour sa part remonter l'origine des doctrines totalitaires à Joseph de Maistre, auteur contre-Lumières On peut donc dire que si les totalitarismes peuvent certes trouver une justification dans les Lumières, on ne peut en aucun cas en attribuer la paternité à ce siècle, dont l'extraordinaire richesse intellectuelle et idéologique ont conduit beaucoup de combats ultérieurs à s'en réclamer avec plus ou moins de légitimité. [...]
[...] Le totalitarisme est-il dans les Lumières ? Introduction : brève définition des Lumières Il existe de nombreuses définitions des Lumières (Paul Hazard, Ernst Cassirer, Peter Gay désormais remises en question par l'Histoire. Avant toute enquête, il convient de s'interroger sur le contenu de ce mouvement. Les Lumières, ce sont celles de la Raison la lumière des connaissances par opposition à l'illumination divine (LA lumière) ; il s'agit d'éclairer le genre humain tout entier par la somme du savoir (cela commençait par l'alphabétisation, le taux d'illettrisme étant énorme à l'époque) afin de lutter contre l'obscurantisme et de favoriser le progrès. [...]
[...] Les membres de l'école de Francfort - Adorno et Horkheimer dans leur Dialectique de la raison, notamment - y voient même l'origine de la barbarie qui a dévasté le XXe siècle. L'homme universel et abstrait, le recours absolu à la raison qu'elles postulent ont indirectement permis la déshumanisation totalitaire. À vouloir oublier la part d'ombre qui habite l'homme, à ignorer les déterminations économiques et sociales qu'il subit, on finit par faire de lui la victime désignée des faux rationalismes. Et le nazisme ne fut-il pas une abstraction et une sérialisation de l'homme poussées à la limite ? [...]
[...] commencer par les Révolutionnaires de 1789, en quête de légitimité, qui, à l'instar de Napoléon plus tard, se croyaient héritiers des Lumières et les inscrivaient dans leurs institutions et leurs lois). Tout au long du XIXe siècle, il en a existé une version républicaine. Plus tard vinrent les Lumières marxistes, ou libérales. Tout cela d'autant plus que les Lumières sont confondues avec leur siècle : elles ne sont donc pas seulement culturelles mais historiques, et on reprend à leur compte les événements du XVIIIe siècle. [...]
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