Figures trop souvent oubliées d'un monde prostitutionnel pourtant de plus en plus étudié, les tenancières de maisons offrent à l'historien du genre un sujet d'étude privilégié. Dans une fin de 19e siècle caractérisée par une réglementation officielle de la prostitution, ces femmes se trouvent en effet placées par l'administration à la tête d'établissements, maisons closes ou maisons de rendez-vous, et sont ainsi aux frontières de mondes distincts, voire antagonistes.
Objet de discorde dans le débat qui oppose alors abolitionnistes et réglementaristes, elles se situent aussi à l'interface d'un univers administratif honorable et du monde du « vice » prostitutionnel, et sont enfin placées, de fait, au contact des sphères masculines et féminines.
Cette identité incertaine nous a conduits à mener une réflexion en termes de genre, compris comme l'élaboration culturelle et sociale de la différence des sexes.
[...] Les arguments brandis par les protagonistes du débat esquissent une autre ambivalence étudiée en deuxième partie. Les tenancières cumulent en effet statut administratif et gestion de maisons closes : elles sont ainsi à l'interface des deux mondes jugés peu conciliables par beaucoup. Cette ambiguïté entretient un trouble qui rejaillit sur les tenancières et qui nous a enfin mené à nous interroger avec les contemporains, règlementaristes et abolitionnistes confondus, sur l'identité profonde de ces femmes en étudiant l'articulation sexe, genre et sexualité. [...]
[...] Cette problématique s'est dégagée de la nature même des sources. Les archives de la prostitution associent en effet des documents de nature très hétérogènes, tant sur le plan matériel que sur celui de leurs contenus. Nous nous sommes ainsi appuyés sur diverses notes de service, règlements, plaintes, procès-verbaux, enquêtes et registres émanant du service des mœurs et conservés aux archives de la Préfecture de police. Les adresses recueillies dans le registre BM2 nous ont permis de consulter les sommiers fonciers et les cadastres conservés aux Archives de Paris. [...]
[...] Que cela soit entre règlementarisme et abolitionnisme, entre administration et prostitution, mais aussi entre hommes et femmes, les tenancières prennent place au carrefour des bicatégorisations sur lesquelles repose le système règlementariste. En brouillant l'articulation entre genre, sexe et sexualité, elles dérangent des conceptions binaires trop rigides et confrontent les représentations respectives de la féminité et de la masculinité à leurs propres limites. Aucune ne peut en effet appréhender à elle seule les tenancières, groupe hétérogène de figures hybrides, inclassables par nature. L'ambiguïté demeure donc, entretenue peut-être par les tenants d'un système dont elles incarnent toutes les contradictions et dont elles assurent finalement le fragile équilibre. [...]
[...] Les Tenancières de maisons à Paris dans la seconde moitié du XIXème siècle Figures trop souvent oubliées d'un monde prostitutionnel pourtant de plus en plus étudié, les tenancières de maisons offrent à l'historien du genre un sujet d'étude privilégié. Dans une fin de 19ème siècle caractérisée par une réglementation officielle de la prostitution, ces femmes se trouvent en effet placées par l'administration à la tête d'établissements, maisons closes ou maisons de rendez-vous, et sont ainsi aux frontières de mondes distincts, voire antagonistes. [...]
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