Le terme « Tatar » est assez imprécis. Il désigne à l'origine une tribu mongole mais il a été attribué par les Russes à l'ensemble des peuples turcophones de la partie européenne de l'Empire de Russie et du Caucase. Ce terme s'applique aujourd'hui à plusieurs groupes assez éloignés les uns des autres qui ne sont unis que par leur appartenance à la religion musulmane et leur langue de base qui est le turc. Les principaux groupes tatars sont historiquement les tatars de Kazhan (sur la moyenne Volga) et les Tatars de Crimée (entre la mer Noire et la mer d'Azov).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, toute la population tatare de Crimée a été victime de la répression stalinienne. Les Tatars sont accusés d'avoir collaboré avec les nazis et d'avoir trahi l'URSS. En guise de punition collective, ils sont donc condamnés par Staline à une déportation en masse vers l'Asie Centrale (en Ouzbékistan et au Kazakhstan plus précisément).
Entre le 18 et le 20 mai 1944, 183 155 Tatars sont expulsés de Crimée d'après les chiffres officiels. A leur arrivée sur les lieux d'exil, ils sont soumis au régime dit de « peuplement spécial ». Cela implique que leurs droits sont considérablement restreints (surtout leur liberté de mouvement) et qu'ils sont obligés de travailler dans des usines, des kolkhozes et des sovkhozes pour de maigres salaires.
Nous verrons à travers l'exemple des Tatars de Crimée quelle a été la politique stalinienne des nationalités. Et comment, même après la mort de Staline, le rejet systématique par le pouvoir soviétique des revendications des Tatars de Crimée a amené ces derniers à s'engager dans la dissidence. A noter que par « dissidence » nous entendrons ici une attitude d'opposition pacifique au pouvoir central au nom du respect des Droits de l'Homme.
[...] Ces documents mettent essentiellement l'accent sur les actions trahisantes des Tatars de Crimée en justifiant la déportation de ces derniers comme une réaction logique de défense. En ce qui concerne la déportation en soi, les documents soviétiques soutiennent que toutes les mesures ont été prises pour un transport normal et ne précisent pas grand- chose sur les victimes de cette opération. Face ces informations partielles, une autre sorte de document a été utilisée par les historiens : il s'agit des sources orales, c'est-à-dire les témoignages des victimes, qui ont souvent été récoltés par des membres du Mouvement national Tatar. [...]
[...] Les conditions dans lesquelles ces populations s'installent sont donc très précaires. Officiellement Moscou affecte aux autorités des Républiques un certain nombre de produits pour subvenir aux besoins des populations des camps. Mais une part infime de cette aide arrive vraiment aux populations, car les officiers du NKVD et les bureaucraties locales se servent au passage. L'historien Alexandre Nekritch a décrit les conditions d'installation des peuples de Crimée et du Nord Caucase. Il affirme par exemple qu'au 1er septembre 1944, c'est-à-dire à l'approche de l'hiver, seules 5000 familles sur de peuplement spécial de Kirghizie avaient reçu un logement. [...]
[...] Elle correspond à la structuration du mouvement. En 1964, les Tatars désignent une délégation permanente à Moscou et décident de publier un journal qu'ils appellent Information. Le mouvement s'élargit. Il attire plus d'adhérents. Après de multiples pétitions, protestions et manifestations, le Présidium du Soviet Suprême publie finalement le 5 Septembre 1967 un décret qui reconnaît les Tatars comme ethnie distincte en Crimée et les absout de l'accusation de trahison. Le décret prévoit aussi des droits égaux à l'ensemble des autres citoyens de l'URSS, mais seulement dans les régions de déportation. [...]
[...] Les écoles manquent aussi de l'essentiel et surtout de manuels. Les conditions sanitaires sont déplorables. Ces conditions de vie très difficiles expliquent en grande partie le fort taux de mortalité parmi les peuples punis dès leur arrivée dans leur colonie de peuplement. Pendant les premières années, les Tatars de Crimée ont ainsi vécu dans un dénuement total, à cause de l'impréparation des autorités locales à leur accueil, du manque de logements, de l'insuffisance de la nourriture, de la propagation des maladies et de l'absence de soins. [...]
[...] Des représentants de leur ethnie entrent dans le Parlement fédéral de l'Ukraine (la Crimée avait été rattachée en 1954 à la RSS de l'Ukraine). On compte aujourd'hui Tatars en Crimée, d'après le recensement ukrainien de 2001. Conclusion Entre 1944 et la fin des 1990's, les Tatars ont finalement mis près de 50 ans avant de pouvoir revenir dans leur patrie. Malgré la répression du régime, ils ont exercé pendant près d'un demi-siècle une pression politique non négligeable sur le pouvoir central de l'URSS. [...]
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