L'année 1914 marque, dans les programmes d'enseignement et dans les manuels, la fin d'un siècle et le début d'un autre. La pertinence d'une date charnière divisant l'Histoire de manière bien arbitraire peut bien sûr être contestée, de même que cet emploi divisionnaire du mot siècle. L'Histoire perd de sa saveur lorsqu'elle est servie en carpaccios. Pourtant, la date de 1914 marque bien la fin d'une époque, celle que les Français des années vingt nommeront, avec une pointe de nostalgie, la Belle Epoque. Elle marque aussi le début d'une guerre d'un type nouveau, une guerre mondiale, terriblement meurtrière, qui met à l'épreuve société et régime politique durant cinq années. En quoi l'année 1914 marque-t-elle la fin d'une époque et le début d'un autre siècle ?
Appeler Belle Epoque les deux décennies précédent la guerre, cela ne rend-il pas compte, au moins partiellement, de la réalité d'une France plus prospère que jamais ? N'est-ce pas oublier l'existence de dissensions sous-jacentes ? En quoi la guerre durant les cinq derniers mois va-t-elle profondément toucher la France ?
[...] Bref, Paris est bien alors la capitale culturelle, non de la France, mais de l'Europe, et peut-être même d'une partie du monde. Les artistes en herbes de toute la France y vont suivre les cours à l'Ecole des Beaux-Arts ; les plus brillants élèves entrent à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm. C'est à Paris que naissent et meurent les écoles artistiques, telles le roman naturaliste d'Emile Zola, l'impressionnisme pictural de Claude Monnet et Paul Cézanne ou musical de Claude Debussy, le cubisme de Georges Braque, le fauvisme de Paul Gauguin, Pablo Picasso lui-même s'installe à Paris en 1904 ; tant d'autres le suivent. [...]
[...] Les facteurs de dissension 1. Les limites de la prospérité La prospérité de la Belle Epoque souffre deux limites importantes : la stagnation démographique et l'exclusion de certaines catégories sociales. Alors que l'Allemagne fonde sa puissance sur une forte croissance démographique, la population française (39,6 millions d'habitants) n'a guère augmenté depuis 1870 (36 millions). Malgré la baisse de la mortalité infantile et l'allongement de l'espérance de vie (48,5 ans pour les hommes et 52,4 pour les femmes à la naissance, soit une augmentation de 10 ans en un demi-siècle), le rythme d'accroissement annuel a été divisé par trois depuis l'avènement de la IIIème République. [...]
[...] La crise majeure 1. Une situation diplomatique périlleuse : jugement a posteriori ? La guerre contre l'Allemagne n'est pas réellement une surprise : les Français s'attendaient à ce qu'elle éclate un jour ou l'autre. Déjà, elle avait paru chanceler à plusieurs reprises. En 1905 1906 puis en 1911, deux crises consécutives avaient opposé la France à l'Allemagne au sujet du Maroc ; en 1909 et 1912 1913 la guerre entre les deux ennemis avait failli être provoquée par des conflits balkaniques. [...]
[...] La guerre éclate en un mois. Le 28 juin 1914, l'archiduc austro-hongrois François-Ferdinand est assassiné par un bosniaque, Gavrilo Prinzip. Le président de la République Raymond Poincaré et le président du Conseil Revé Viviani n'annulent pas leur déplacement estival en Russie ; ils rembarquent pour la France le 23 juillet, alors que Vienne adresse un ultimatum à la Serbie et lui déclare la guerre le 28. De retour le 29 juillet, les dirigeants français ne peuvent que constater le déclenchement de la guerre : le 30 juillet, la Russie, alliée de la Serbie, mobilise ; l'Allemagne fait de même le 1er août ; puis la France ; puis l'Angleterre le 4 août après la violation de la neutralité belge L'Union sacrée Ce qui sera la guerre la plus meurtrière de l'histoire française semble alors ne devoir durer que quelques semaines. [...]
[...] Suit une course à la mer de deux mois. A la mi-novembre, le front s'étale sur 750 km, de la frontière suisse au Pas- de-Calais. La guerre de mouvement a été un échec pour les deux camps. La France compte morts et blessés. Les Français semblent se rattacher vainement à l'espoir nécessaire mais dérisoire en une guerre courte Derrière la guerre : la question du maintien de la démocratie En 1913, le socialiste Marcel Sembat publie un pamphlet pacifiste intitulé Faites un roi ou faites la paix. [...]
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