L'attitude des socialistes vis-à-vis de la construction européenne correspond à des références assez complexes.
À l'origine, au dix-neuvième siècle, lorsque le socialisme est encore à l'âge de la construction idéologique et encore éloigné du pouvoir, il raisonne facilement à l'échelle mondiale. Les nations et les Etats (où il n'a pas encore conquis sa place) ne sont que des phases transitoires. Mais, avec le développement des partis socialistes, la situation devient différente. Chaque parti, qui participe au pouvoir ou peut espérer y participer, analyse d'abord la situation européenne en fonction de ses intérêts nationaux, quitte, ensuite, à combiner cette analyse avec certaines formes d'internationalisme.
Le changement s'amplifie avec l'attention croissante des socialistes pour les diverses formes d'intervention étatique, et en particulier l'édification des Etats-providence.
Chaque parti socialiste tend dès lors à agir en fonction de son système politique et des choix économiques nationaux. Dans une certaine mesure, les partis socialistes deviennent conservateurs, puisqu'ils estiment qu'il y a des choses à conserver. Chaque parti socialiste tend dès lors à transformer en politique internationale ses options nationales.
Les socialistes réclament certes toujours en théorie l'abolition du principe de souveraineté illimitée et la paix par la loi qui débouche sur l'idéal d'un monde sans frontières où les Etats s'intègrent dans un organisme supranational. Mais les désaccords pratiques entre socialistes se révèlent énormes. L'unanimisme de principe se brise sur les modalités pratiques de l'unification européenne envisagée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Lorsqu'il faut passer du principe à sa mise en oeuvre pratique, les désaccords surgissent aussitôt.
Quelle contribution les socialistes peuvent-ils, dans ces conditions, apporter à l'Europe ?
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Les socialistes reconstituent leur "Internationale" après la Seconde Guerre mondiale. Mais ils sont divisés par de puissants désaccords internes, en particulier sur les questions européennes. C'est sur cette question que les socialistes français engagent le débat au sein de l'Internationale socialiste au début des années 1950. Ils sont favorables à l'idée européenne et s'efforcent de gagner à leurs vues la majorité des partis européens (...)
[...] C'est en particulier la thématique défendue par les socialistes pour les élections européennes de 1989. L'issue du scrutin est plutôt une déception pour les socialistes qu'une partie de son électorat ne suit plus dans sa nouvelle logique libérale. Les partis socialistes de l'Europe du Nord sont d'autant plus gênés par ce retour en force du libéralisme dans les années 1980 que la transposition du modèle social-démocrate du niveau national au niveau européen apparaît très difficile. C'est moins gênant pour les socialistes du Sud de l'Europe, moins liés à l'Etat-Providence et qui arrivent au pouvoir au début des années 1980 en se présentant comme les champions de la modernisation de la société. [...]
[...] La majorité des leaders travaillistes ne croient plus, en réalité, au retrait de la Communauté. L'expérience socialiste en France explique en partie cette attitude, en montrant qu'une politique volontariste nationale fondée sur la demande se heurtait aux contraintes internationales. D'autre part, la dénonciation de la Communauté européenne comme instrument de dé-régulation de l'Etat-Providence est, dans le cas britannique, entièrement dépassée par la réalité. C'est le gouvernement britannique, et non la Communauté européenne, qui, a attaqué frontalement les droits syndicaux et les négociations collectives. [...]
[...] Une situation particulière est celle du parti socialiste grec, le PASOK. Celui-ci, dans les années 1970, a développé une rhétorique anti- occidentale, clairement hostile à la CEE. Le slogan de la droite étant alors : la Grèce appartient à l'Occident le PASOK répliquait en affirmant : la Grèce appartient aux Grecs Et cette rhétorique plaît aux électeurs grecs, permettant au PASOK de gouverner la Grèce de 1981 à 1989. La Grèce socialiste devient alors un membre peu coopératif de la CEE, initialement considéré comme un club de riches et un moyen de préserver la domination occidentale sur des pays périphériques comme la Grèce. [...]
[...] Le SPD tente cependant de faire le lien entre les socialistes de la CEE et ceux de l'AELE, en encourageant les uns et les autres au rapprochement. Mais le comité de contact doit se contenter de reconnaître que la division de l'Europe est désormais un fait, sans pouvoir avancer aucune proposition. B. Des conflits moins âpres ? Dans les années 1960, la construction européenne n'oppose plus les socialistes avec la même âpreté. Ce n'est cependant pas encore le cas au tout début des années 196. [...]
[...] Pour quelques bénéfices économiques, le prix à payer serait exorbitant si la CEE était un facteur de division et le SPD ne veut pas l'encourager. Chaque parti se détermine en fait beaucoup plus en fonction de ses intérêts nationaux propres que d'une conception véritablement internationaliste. Les arguments des socialistes sont surtout des prétextes. Pour ceux qui défendent la CEE, celle-ci favorisera la progression du socialisme, alors que ses détracteurs affirment vouloir préserver le socialisme des influences catholiques et conservatrices d'Europe occidentale. [...]
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