D'après l'analyse de Marc Sadoun, le socialisme en France se bâtit sur "l'entre-deux" de la démocratie française qui allie légitimité jacobine, avec souveraineté populaire incarnée sans division par l'autorité publique, et légitimité libérale, avec représentation de la pluralité des opinions. Il cumule donc les paradoxes de la démocratie française dans la mesure où il tente de conjuguer la légitimité de la démocratie parlementaire et le désir d'unité de la société. Mais, dès lors qu'il s'agit de dépasser cette utopie ambitieuse et d'exercer un rôle politique actif, des choix s'imposent. Ainsi, avec l'acceptation des responsabilités du pouvoir dès 1946, les socialistes devaient se départager, d'autant plus que le contexte mouvementé de la IVe République imposait des prises de position précises. Et c'est Blum qui trancha la question, et ce, dès le 27eme congrès socialiste de Bordeaux, en déclarant que le progrès social ne pouvait se concevoir en dehors du progrès de la démocratie. Dès lors, les choix étaient faits: La présence des socialistes au pouvoir se faisait condition sine qua non du maintient de la démocratie libérale tout comme l'inverse. Mais, devenus les héraults du régime, comment les socialistes allaient-ils articuler leur place dans les Institutions politiques et la protection de leur identité?
Nous verrons donc à travers cet exposé que l'inscription du parti dans le système pour sauver la IVe République passait par l'abandon du principe de la vérité absolue du socialisme, et que dès lors, l'effacement de sa spécificité était inévitable malgré les tentatives de préservation de celle-ci.
[...] La SFIO était devenue un parti de régime. Elle ne représentait plus les seuls militants socialistes et preuve en était par exemple le phénomène du " national-mollétisme " où presque toute la nation s'accordait sur la politique suivie en Algérie, ou encore le fait que, sentant l'opinion publique réticente à l'égard de la CED, les socialistes, qui en principe y étaient plutôt favorables, changèrent d'opinion. En outre, les hommes politiques socialistes au pouvoir étaient de plus en plus autonomes vis-à-vis du parti, tel Vincent Auriol, premier Président de la République, ou les autres hommes qui occupaient le devant de la scène politique et qui n'appliquaient pas les motions votées par le congrès. [...]
[...] Cette fragilité se manifestait également au niveau de son électorat qui, très hétéroclite, réunissait classes populaires et classes moyennes, membres de la petite et moyenne bourgeoisie. Ainsi, le parti ne pouvait se risquer à mener une politique nouvelle et se trouvait dans une position inconfortable, contraint à l'immobilisme ou tout du moins à de nombreux compromis: Par exemple, en matières économique et financière, même si les socialistes n'occupaient pas les postes dits techniques lors du tripartisme, ils cautionnaient par leur appui une politique libérale aux antipodes de l'esprit de la Résistance et de la Libération et, face à la défense initiale d'un interventionnisme étatique auquel obéissaient les nationalisations massives, ils se virent obligés à porter une action sur le blocage des prix et des salaires. [...]
[...] Finalement le 25 mars 1957, Guy Mollet put signer le Traité de Rome. Mais même si dans ces domaines, sociaux et européens, les socialistes avaient eu une large marge de manoeuvre, par leur position inconfortable dans le système, par l'acceptation des compromis, par la concurrence avec le PCF, ils étaient passés d'être un parti de classe, à être un " parti de régime " (Marc Sadoun) : Ainsi, la distance prise avec le PCF leur fut fatale : dès que les communistes passèrent à l'opposition en 1947, ils purent se permettre de ne pas accepter les compromis et de mener les grèves insurrectionnelles à travers le contrôle de la CGT. [...]
[...] Pour les en empêcher, les socialistes acceptaient comme nous l'avons vu précédemment, toute sorte de compromis. Mais il y avait aussi et -surtout peut-être- des agressions externes: Ainsi, face au problème colonial, les socialistes étaient déchirés entre une idéologie profondément anticolonialiste et leur responsabilité de parti de gouvernement. La politique de "bonnes intentions" vis-à-vis de l'Algérie via notamment le vote d'un statut plus libéral pour la colonie en 1947, la loi-cadre Deferre et l'importante autonomie des colonies d'Afrique noire, l'indépendance de la Tunisie et du Maroc en 1956, s'opposaient aux bombardements en Indochine, mais surtout à l'attitude autoritaire face à l'Algérie et au recours à la torture et aux falsifications systématiques des élections sous couvert du gouverneur général Marcel-Edmond Naegelen. [...]
[...] Les socialistes et les contraintes de la démocratie libérale sous la IVe République (1946-1958): Analyse D'après l'analyse de Marc Sadoun, le socialisme en France se bâtit sur "l'entre-deux" de la démocratie française qui allie légitimité jacobine, avec souveraineté populaire incarnée sans division par l'autorité publique, et légitimité libérale, avec représentation de la pluralité des opinions. Il cumule donc les paradoxes de la démocratie française dans la mesure où il tente de conjuguer la légitimité de la démocratie parlementaire et le désir d'unité de la société. [...]
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