Les deux décennies 1914-1933 forment une période contrastée. Elles débutent par les quelque dix millions de victimes de l'atroce Grande Guerre - qui ne vit pourtant pas les principaux belligérants renier complètement les principes humanitaires auxquels ils avaient souscrit, en ce qui concerne le respect des civils et des prisonniers de guerre.
Elles continuent avec la mise en place d'un nouvel ordre international fondé sur l'égalité et le rejet de la violence. Mais la SDN n'a quelque crédibilité que durant une petite quinzaine d'années, et ne parvient pas à réagir lors des remises en cause des traités internationaux par les futures puissances de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon), à partir de 1931.
[...] L'avancée continue d'un droit humanitaire serait sans effectivité si elle n'avait pour contrepartie la sanction des contrevenants. Dès 1919, les premiers éléments d'une justice pénale internationale sont jetés, dans la mesure où les conventions d'avant-guerre ont été gravement violées par des États signataires: les responsables turcs du génocide arménien de 1915 sont, pour quelques-uns d'entre eux, condamnés pour crimes "contre les lois de l'humanité" notion nouvelle et l'on entend poursuivre des militaires ou politiques Allemands pour crimes de guerre. Les deux principales faiblesses de la SDN sont, d'abord, l'absence en son sein de certains pays déterminants: EU bien sûr, mais le Japon et l'Allemagne s'en vont (1933) quand l'URSS arrive (1934); ensuite, la lourdeur des mécanismes d'arbitrage et l'absence de force armée internationale pour imposer le respect des résolutions (elles peuvent cependant donner lieu à sanctions économiques). [...]
[...] Certes, on sous-estimait la longueur d'un conflit européen, et la dissuasion nucléaire n'existait pas: l'acceptation de la transgression guerrière apparaissait moins scandaleuse qu'aujourd'hui. Mais personne n'a vraiment voulu la guerre, ou même accepté clairement l'idée d'y recourir. Dans une Allemagne qui pourtant joua un rôle funeste fin juillet 1914, quand une partie de l'État-major (dont le fameux général Schlieffen, auteur de la stratégie suivie en 1914) suggère en 1905 une guerre préventive contre la France, en profitant de l'affaiblissement momentané de son allié russe battu par le Japon, le chancelier Bülow refuse fermement. [...]
[...] A l'échelle mondiale et non plus européenne, il confirme en effet la dynamique de la mondialisation. Les vainqueurs ont été les pays les plus maritimes, les plus capables de mobiliser les ressources des autres continents et d'abord les hommes de leurs empires coloniaux en un mot les plus mondialisés. L'Allemagne est le contre-exemple: Guillaume II avait tôt estimé que l'avenir de son empire se jouerait sur l'eau d'où la construction d'une puissante flotte de guerre, responsable principal de la tension croissante avec Londres et qu'une politique mondiale (Weltpolitik) devait remplacer le champ clos européen qui seul importait pour Bismarck. [...]
[...] Multilatéralisme et concertation L'horreur de la guerre est en 1918 le sentiment dominant, même s'il est tempéré, chez les puissances vaincues (et d'abord en Allemagne) par une puissante volonté de revanche. Le "petit" entre-deux-guerres est marqué d'une profonde volonté de renouvellement. Sous l'influence du wilsonisme et de la SDN, son enfant chéri, on entreprend d'abolir clauses secrètes, plans de partage et autres accords à déclenchement. Il s'agit fondamentalement d'empêcher toute guerre d'agression, puisque le fautif s'exposerait à voir la communauté internationale entière se retourner contre lui. [...]
[...] Plus globalement encore, la "brutalisation" ouverte par la violence de la Grande Guerre, le pessimisme qu'elle entraîne brusquement dans des sociétés qui croyaient fermement au Progrès illimité, l'exemple des solutions radicales adoptées par l'URSS introduisent un nouveau scepticisme quant à la validité des notions de démocratie et de liberté, que ce soit en politique ou en économie. Conséquence: la montée des mouvements extrémistes décidés à détruire le monde tel qu'il est. Dans la foulée de la grave crise économique mondiale d'après-guerre (1920-21), Mussolini arrive au pouvoir en Italie. L'extrémisme marque ensuite le pas jusqu'à la fin de la décennie, car une brillante reprise économique sape ses bases. Mais, dès l'irruption de la crise de 1929, le communisme et surtout le fascisme repartiront de l'avant, en Allemagne d'abord. Le bilan de la Grande Guerre est décidément complexe. [...]
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