La revue "Esprit" face à la montée du nazisme entre 1933 et 1937 - indifférence ou vigilance ?

Résumé du document

Le 30 janvier 1933, Hitler est chancelier du Reich. Un mois plus tard, le Reichstag est dissout. Rapidement la dictature nazie est instaurée. Les droits fondamentaux des individus sont supprimés, les purges éliminent les oppositions. L'incendie du Reichstag, le 27 février est prétexte à l'instauration d'un pouvoir arbitraire.

En mars, le gouvernement vise les indésirables, les Juifs et opposants dans « la nuit des long couteaux ». Inondant les démocraties de discours pacifistes, Hitler quitte la S.D.N le 19 octobre 1934, crée la Wehrmacht et la Luftwaffe, et prépare pour mars 1936 l'annexion de la Rhénanie, première capitulation des démocraties.

Il est connu que l'opinion publique et la classe politique française n'étaient pas déterminées à porter un coup d'arrêt au nazisme. L'Holocauste de la Première Guerre nourrit un fort courant pacifiste. La peur d'un deuxième conflit rend indifférente une bonne part de la population.

Ainsi, quelles sont les positions de la revue Esprit et de son directeur Emmanuel Mounier durant la montée des totalitarismes ? Est-il vigilant face au danger spirituel et politique du nazisme, ou bien est-il totalement indifférent ? Peut-on constater un changement d'état d'esprit, mais surtout, quelle est la nature de cet engagement ?

Extraits

[...] «Des pseudos-valeurs spirituelles fascistes : prises de position Esprit, n°16 janv.1934, p 533-540. Esprit, oct.1934, p.18. Révolution communautaire Esprit, janv p. 184-209. Vers de nouvelles formes d'action Esprit, fév p.767. Guernica Esprit, mai 1936, p.327. Contre tous les fascismes p.649-650. Réponse à l'Ordre Nouveau Esprit, avril 1934, p. 199-203. Oeuvres, p Oeuvres, tome p Journal interne Avez-vous lu Mein Kampf »Temps Présent février 1939. Ses renseignements sont extraits du Chapitre V de Pascal Ory et Jean François Sirinelli, Les intellectuels en France, de l'affaire Dreyfus à nos jours, Paris, Armand Colin p. [...]

[...] En une semaine il a téléphoné quatre ou cinq fois à moi-même et à mes amis, pour être bien sûr de ma présence, offrir de renvoyer la réunion si je n'étais pas libre le jour dit. Je m'y suis donc rendu. ( . ) Reçu avec toutes les marques de déférence jusqu'à m'en écoeurer. Aragon s'agite autour de moi comme une petite mondaine. ( . ) ses psalmodies des préfets ( . )Guéhénno émouvant comme à l'ordinaire, comme à l'ordinaire creux et délirant . [...]

[...] Dans une étude écrite entre novembre 1933 et décembre 1934, une action de protection contre les fascismes est envisagée : Se désintéresser de ces menaces serait une présomption coupable, d'où la nécessité d'une action purement défensive comme l'action antifasciste» [17]. Seulement cette action ne peut être conçue qu'en parfaite neutralité politique. Il faut donc rompre avec l'action politique : Celle (l'action antifasciste) qui s'est organisée en France notamment eût obtenu notre adhésion entière si elle était restée purement défensive. Mais elle semble ne connaître que le fascisme de droite et ignorer celui de gauche ou d'extrême gauche ( . ) une action antifasciste ne se conçoit ne se conçoit que strictement négative ou neutre ( . [...]

[...] et les 8500 membres du Comité de Vigilance des intellectuels antifascistes :André Malraux, Louis Guilloux, Paul Nizan ( . ) Emmanuel Mounier» [26]. S'agit-il d'une participation épisodique ou bien totale au sein de cet organisme ? Quoi qu'il en soit, Mounier est présent par l'oeuvre pétitionnaire, pour protester contre les poussées totalitaires. En 1936, l'année même où une bonne partie de la droite se range au côté de Franco, Mounier dans sa réponse à Semprun préconise l'attitude personnaliste, repousse les itinéraires de fuite», et affirme sa solidarité avec ceux qui luttent contre le fascisme. [...]

[...] Dans le même esprit, une autre réunion est fixée à Amsterdam du 27 au 29 août. En 1933, à Paris, un congrès européen antifasciste (assisté du comité crée l'année précédente, le comité Amsterdam-Pleyel), se déroule du 4 au 8 juin. Ces réunions contribuent à donner le jour au comité d'action antifasciste et de vigilance» qui devient plus tard le Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes (CVIA). Ces mouvements sont d'autant plus soutenus et populaires puisque le début de l'année 1934 est marqué par un événement important. [...]