Révolution française et révolution industrielle : aux origines de la « problématisation de l’immigration »

Résumé du document

Est-ce une coïncidence que les thèmes de l'identité nationale et de l'intégration fassent surface précisément quand la société traverse une crise économique ? En fait, quand on considère l'histoire, on s'aperçoit que le phénomène s'est déjà produit, et ce, depuis les grandes crises économiques qu'a traversées le capitalisme depuis la fin du XIXe siècle.

Car toutes ces questions sont relativement récentes. Le sentiment national se constitue très tardivement et l'immigration au départ n'est pas problématique et fournit au contraire une main-d'œuvre à la révolution industrielle. L'immigration ne sera perçue comme un « problème » qu'au moment où frapperont les premières crises.

Extraits

[...] La Révolution française lègue aussi à l'humanité mais c'est en soi déjà un héritage de la Révolution américaine le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Si les individus sont liés à l'État par un contrat social, dans le cas où le représentant élu du peuple ne respecte plus les termes du contrat, le peuple peut démettre ce représentant de ses fonctions. De la même façon, un peuple peut décider de son avenir démocratiquement : décider par exemple s'il souhaite demeurer ou non dans une fédération. [...]

[...] Ce pouvoir est d'autant plus redoutable qu'il est de nature spirituelle et que l'Église s'appuie sur la donation de l'empereur Constantin. Cette donation est fausse, comme le montrera Lorenzo de Valla au XIVe siècle, mais pour l'heure elle est tenue pour vraie et Rome s'en sert pour affirmer la primauté de son pouvoir sur celui, temporel, des rois. La confrontation entre pouvoirs temporels et spirituels mènera à ce que les historiens appellent la Querelle du sacerdoce (1154-1250). Aussi fort soit-il, le pouvoir de Rome ne peut contenir la montée en puissance des royaumes de France et de Castille La conscience de cette puissance nouvelle contribue à créer dans les populations respectives de ces royaumes un sentiment patriotique. [...]

[...] Nous verrons donc les origines du sentiment national, pour ensuite détailler la genèse de la pensée économique libérale, aux fondements de la révolution industrielle, pour ensuite passer en revue les crises économiques qui ont contribué à problématiser l'immigration Aux origines du sentiment national A. Le temps des royaumes Ethnies et tribus sont des réseaux culturels partageant une même identité, qu'elle soit linguistique, démographique, mythologique, religieuse, artistique, cognitive ou autre. Une interprétation traditionnelle veut que ces tribus se soient fédérées contre un ennemi commun et, ce faisant, soient devenues des nations, par exemple lorsque les tribus germaniques s'unissent contre Jules César. [...]

[...] On estime que le quart de la population actuelle de la France est issue de l'immigration. Cette immigration ne crée pas de problème tant que l'économie prospère. Mais les choses s'enveniment dès que l'économie se contracte[10]. B. La première grande crise de l'économie mondiale Dans les années 1880, la concurrence que font à l'Europe les États-Unis et l'Argentine, grands exportateurs de blé, de viande et (dans le cas des États-Unis) de produits industriels provoque un effondrement des prix des exportations européennes, ce qui, concomitamment avec de mauvaises récoltes et des crises d'épizooties, achève de plonger le vieux continent dans sa première grande crise économique[11]. [...]

[...] C'est du moins ce que pense François Quesnay, héritier de Montesquieu, médecin de Louis XV, biologiste et auteur du Tableau économique (1758) et du Droit naturel (1765). L'héritage philosophique de Quesnay et de ses disciples, les physiocrates (du grec pour gouvernement de la nature est énorme et se fait encore sentir aujourd'hui. Selon cette école, les phénomènes économiques obéissent à certaines lois dérivées de la nature des choses. Turgot raffinera l'hypothèse en y ajoutant l'idée qu'il faut laisser libre l'individu parce qu'il connaît ses intérêts mieux que tout autre. [...]