On a souvent présenté la « Révolution conservatrice » comme le mouvement « prénazi » des années de Weimar. Plongeant de profondes racines dans la culture contre-révolutionnaire qui domina en Allemagne depuis la fin du XVIIIème siècle, mais ayant aussi intégré des aspects essentiels de la modernisation des sociétés de masse (sécularisation, darwinisme social, national ou racial, utilisation de la propagande, …).
Cette « Révolution conservatrice », dont l'expression fut forgée par Armin Mohler qui a été le premier à réaliser un travail d'envergure sur le sujet (Dans la première partie, sur l'idéologie de la « Révolution conservatrice », nous nous appuierons principalement sur l'ouvrage d'Armin Mohler), montre dans la constitution même de son appellation le caractère ambigu et paradoxal de son contenu, mêlant des idées tenant à la fois de la « Tradition » et de la modernité, voire de la « tabula rasa ».
La révolution conservatrice a-t-elle constitué le terreau idéologique du nazisme, a-t-elle au contraire opposé une résistance ?
Nous nous pencherons plus spécialement ici sur l'étude des idées du mouvement « Révolution conservatrice » en tentant d'y déceler des « images communes » afin de comprendre la cohérence de ce mouvement et le mesurer au nazisme. Nous ne nous attarderons donc pas sur les différents courants du mouvement, ce qui rendrait notre travail comparatif intéressant, certes, mais sans doute trop fastidieux pour être traité dans un bref essai. Dans une première partie nous verrons donc en quoi la « Révolution conservatrice » est un mouvement tout à la fois multiple et cohérent, puis dans une seconde nous verrons en quoi on peut la distinguer du nazisme et en quoi des ralliements furent possibles, nous étudierons plus précisément le cas de Niekisch, national-bolchevik qui, bien qu'ayant des idées aussi délirantes que celles de Hitler, lui voua pourtant une opposition farouche.
[...] La Révolution conservatrice forme donc un univers à elle seule, dont la profondeur et l'ampleur peuvent étonner ceux qui la découvrent pour la première fois. Des hommes aussi divers que le "premier" Thomas Mann (obligé à l'exil dès 1933), Ernst Jünger et son frère Friedrich Georg, Oswald Spengler (Le déclin de l'Occident), Ernst von Salomon (Les réprouvés), Alfred Baeumler (devenu par la suite une sorte de philosophe universitaire officiel du national-socialisme), Stefan George et Hugo von Hofmannsthal, le juriste Carl Schmitt, le biologiste Jacob von Uexküll, l'anthropologue Hans F.K. [...]
[...] Enfin Niekisch s'en prend à l'antisémitisme hitlérien. Aveuglé par sa propre théorie spiritualiste il ne perçoit même pas la dominante biologique du racisme nazi. L'antisémitisme nazi, dit-il, est un antisémitisme de bourgeois allemands c'est-à-dire de bourgeois non- fécondés par l'éternel juif Pis encore : de petits-bourgeois dépités de n'avoir pu accéder à la vraie bourgeoisie. L'explication de cet antisémitisme relève de l'esprit plus que de l'économie proprement dite : Il ne provient pas simplement de ce que le Juif ruine le petit- bourgeois par l'usine et par la construction de grands magasins, dit Niekisch, mais bien plutôt du fait que le Juif a un autre esprit, qui ruine les anciennes protection corporatives Pour lui, faire de l'antisémitisme, c'est encore tourner autour du Juif Or le monde Juif, comme celui du Romain appartient au passé et c'est donc finalement par souci de modernité que la Troisième Figure Impériale doit se refuser à fouler aux pieds ses anciens éducateur Niekisch, qui en appelait dès 1926 au fanatisme de la raison d'Etat puis, en 1929, à la dictature d'un homme résolu à être antieuropéen à chaque souffle avait, en 1930, présenté la société idéale comme un camp tout en rejetant explicitement les sentiments de pitié et d'humanité. [...]
[...] Tous trois mettent en avant le Leitbild du Volk, mais en lui donnant un éclairage différent. Pour les Völkischen, il s'agit avant tout de s'opposer au "processus de désagrégation" qui menace le peuple, et de l'inciter à une plus forte conscience de soi. Les Völkischen mettent l'accent sur la "race", qui est censée fonder la spécificité du Volk. Mais leur conception, voire leur définition de la race est éminemment variable. Les uns la conçoivent d'un point de vue purement biologique, les autres y voient une sorte d'unité exemplaire du "corporel" et du "spirituel". [...]
[...] Par exemple il dévoie totalement l'héritage nietzschéen et remodèle la conception héroïque de l'Histoire, dont il fait une histoire de lutte des races, biologiquement et non pas culturellement déterminées, la culture n'étant elle-même que le produit de la domination du vaincu par le vainqueur. Pour Hitler, le fait majeur de l'histoire européenne n'est pas la lutte entre l'héritage des Lumières et la contre-révolution intellectuelle, mais l'antagonisme irréductible entre une prétendue race juive et la prétendue race aryenne. Le nazisme est donc une variante biologique radicale de l'ethnocentrisme völkisch, greffée sur l'idéologie proprement fasciste et la remodelant en fonction de sa logique propre. Hitler est un Völkisch bien qu'il rejette le mot völkisch dans Mein Kampf. [...]
[...] Tout en se convertissant à l'irrationalisme, il portait bientôt à l'absolu les valeurs de l'extrême droite du temps : la Nation, l'Etat et le Peuple. Il devenait l'homme du nationalisme absolu. Il plongeait simultanément dans l'extrêmisme völkisch et dans le pessimisme culturel le plus noir en publiant, en avril 1930, un extraordinaire Programme de résistance qui visait à régénérer le peuple allemand par le retour à la terre, la désindustrialisation massive, la vie dure, l'autarcie, et même une transfusion de sang frais d'origine slave dans le Sud et l'Ouest du pays ! [...]
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