« Et le temps filait… Dehors, on entendait vraiment marcher la mort » écrit M. Gidez, décrivant la concertation des trois derniers rabbins de Varsovie pendant la liquidation du ghetto de Varsovie. Réfléchissant à la proposition des catholiques romains de les cacher, ils décidèrent après un long silence de refuser, car selon les mots du plus jeune d'entre eux, David Chapiro, « en ne les abandonnant pas, nous leur donnons du courage et de la force. C'est le seul réconfort que nous pouvons apporter aux derniers Juifs ». Ils préférèrent la mort quasi certaine que se cacher. Il est possible de considérer que, dans leur cas précis, ils résistèrent à l'ordre qu'on voulait leur opposer, en osant l'affronter.
Dans l'Europe nazie, c'est-à-dire dans les territoires occupés par l'armée allemande dès 1938 et jusqu'en 1945, les camps pullulent, l'Allemagne nazie laisse en effet transparaître un goût certain pour la stigmatisation puis l'enfermement des populations. En résultent des camps de natures très différentes.
On trouve en premier lieu les ghettos, et notamment celui de Varsovie, créé en 1940, portant officiellement le nom de quartier juif, mais ses habitants ne pouvant en sortir, il devient ghetto, celui-ci étant défini d'abord comme « un quartier habité par des communautés juives ou autrefois, réservé aux Juifs », puis plus généralement comme « un lieu où vit une minorité séparée du reste de la société, un milieu refermé sur lui-même ». Concept britannique introduit lors de la guerre des Boers, le camp de concentration peut se définir comme « un lieu où en temps de crise ou de difficulté inopinée, sont enfermés des opposants, suspects, indésirables. Ce sont des lieux improvisés, où est exercée une détention arbitraire, mais dont l'existence est réduite, et éphémère. La crise passée, le camp est appelé à disparaître ». Les premiers camps de concentration de l'Allemagne nazie apparaissent et se multiplient dès le courant de l'année 1933. La nouvelle génération de camps, qui elle se développe à partir de 1934 sur le modèle du camp de Dachau n'entre pas dans cette définition, puisque ceux là n'ont rien d'improvisés et apparaissent dans une période de stabilité. C'est la naissance du système concentrationnaire, géré par les SS et la Gestapo, toute opposition y est annihilée. Le seul élément commun demeurant le caractère arbitraire de la détention. Les camps sont le « rouage permanent et institutionnel de la machine étatique, un élément fondamental, indispensable au bon fonctionnement du Reich ».
D'autres camps existent, répondant à d'autres logiques : des camps de prisonniers, les Oflags et les Stalags, de punition, de travail, de transit, et enfin, les camps d'exécution du génocide, les camps d'extermination, au nombre de huit : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Maidanek, Jungfernhof, Maly Trostinec, et Birkenau, qui ne sont pas à vrai dire pas vraiment des camps, puisqu'on n'y séjourne pas.
Y a-t-il eu alors dans ces camps, dans ces ghettos, des résistances ou des révoltes ? S'il est aisé de définir le concept de révolte, comme une rébellion, un soulèvement contre l'autorité établie, ou un refus d'obéissance quelconque, il est plus difficile de délimiter le terme de résistance. Le verbe latin « resistere » signifie « tenir ferme ». Elle peut s'entendre au sens étroit, comprenant ici la seule lutte active contre l'autorité directe, ou au sens large ; elle englobe alors « tout ce qui s'est produit ou a été agencé contre les intentions des autorités », la résistance étant avant tout un engagement volontaire.
Si l'on prend souvent comme exemple de résistance des ghettos la révolte du ghetto de Varsovie en 1943, ou pour les camps la libération du camp de Buchenwald par des détenus en armes alors que troupes américaines arrivaient, il serait néanmoins fallacieux de réduire la résistance à ces cas. Ils restent exceptionnels, mais la résistance se développa néanmoins dans tous les camps, et elle sut prendre de nombreuses formes, parfois bien moins évidentes.
Aussi est-il intéressant de se demander quelles furent les logiques de cette résistance ? Pourquoi, malgré tout, certains s'engagèrent et d'autres non, que visaient-ils, et enfin, quelle fut la portée de leur action ?
[...] Ces actes avaient une très grande importance symbolique. Mais malgré l'importance symbolique que revêt l'action résistante, celle-ci n'échappe pas à des tensions et dissensions internes qui entravent largement son effectivité. Les tensions d'une part politiques. Les différentes organisations éprouvent parfois des difficultés à s'entendre, comme ce fut le cas notamment pour la révolte du ghetto de Varsovie en 1943, ainsi pour L. Cain, il ne fait aucun doute qu'une des causes certaines de l'échec de cette révolte tient d'un certain manque de cohérence entre les différentes organisations, qui n'a pas réussi à être surmonté. [...]
[...] Le sabotage pouvait aussi être indirect, passant par le gaspillage, de temps et de matériel. Un communiste allemand, maçon, avoue ainsi avoir ralenti la construction de la baraque X de Dachau, en travaillant si mal que des sections entières durent être abattues et reconstruites plusieurs fois, tandis que Gaston Vézès, affecté au redressement après un bombardement de l'usine Hermann Göring à Linz en juillet 44 affirme je suis persuadé que pendant le mois où nous avons travaillé à redresser l'usine, nous avons fait autant de dégâts sinon plus que le bombardement lui-même La résistance fut donc une réalité des camps, s'organisant individuellement ou selon des logiques de groupes, et servant différents objectifs. [...]
[...] L'horreur des camps et ghettos prise en compte, on comprend aisément le nombre de difficultés auxquelles se heurtait la simple idée de résistance, qui selon Langbein est systématiquement sous-estimé si le lecteur n'en a pas fait l'expérience. Dans les ghettos, il fallait à chaque fois un groupe de héros conscients, résolus et ingénieux, d'une force morale exemplaire pour parvenir par un effort extraordinaire à soulever la chape de plomb et de peur qui pesait sur le ghetto, entraînant ainsi ses survivants à sortir de la passivité, et à se relever dans les conditions terribles de famine, d'angoisse et de terreur qui prévalaient[3]. [...]
[...] Ce qui est sûr, c'est que beaucoup de résultats positifs ont été obtenus au prix d'énormes sacrifices et que des méthodes probablement moins coûteuses et surtout plus équitables auraient pu être trouvées Mais les tensions sont aussi et surtout nationales. Ainsi, s'ils existent quelques collectifs de résistance internationale, la majorité ne parvient pas à surmonter les tensions nationales. De plus, de nombreux groupes sont attaqués, accusés de n'avoir fait que s'entraider, on leur reprochait ainsi de ne pas être réellement une opposition organisée, mais un simple réseau d'assistance mutuelle. [...]
[...] Elle ne s'intéressait pas d'abris de l'autre côté du mur. Sa seule préoccupation était de savoir comment mourir avec dignité et honneur, comme il sied à un peuple riche d'une histoire millénaire». L'honneur, la fierté et l'intégrité étaient pour beaucoup en jeu. Il s'agissait de léguer au peuple juif le témoignage de leur refus de plier devant ses ennemis et devant la force brutale et barbare. Au sein des camps, on retrouve la même logique de lutte contre l'inhumanité du système, entretenue pour un appareil terreur qui contribuait à faire que chaque détenu sente son impuissance radicale. [...]
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