« Ces nègres seront libres malgré leurs tyrans, malgré l'assemblée nationale elle-même, mais leur liberté coûtera du sang et leurs barbares oppresseurs seront cruellement punis d'avoir repoussé le cri de la nature et de l'humanité». Tels ont été les mots écrits par le révolutionnaire français Sonthonax, le 16 octobre 1790 dans un article du journal Les Révolutions de Paris. Cet article peut-être considéré comme prémonitoire si l'on tient compte de la date. Il faut savoir qu'en 1793 et 1794, la République française décrète un affranchissement universel des esclaves, ou liberté générale, et affiche sa volonté d'éradiquer la servitude par l'application de la Constitution, mettant en accord, après plusieurs années, le statut juridique des personnes et les principes du droit naturel. Néanmoins, avant que la République ne décrète l'abolition de l'esclavage, elle dû se heurter à de nombreux troubles au sein de ses colonies. Des troubles liés en grande partie à la Révolution française. De toutes les colonies européennes des Antilles, ce sont les colonies françaises qui sont affectées par un certain nombre de malaises et qui connaissent les premières fractures d'un système fondé sur la ségrégation et surtout sur l'esclavage. La Révolution qui, à partir de mai 1789, se développe dans la métropole française, constitue déjà une explication : le pouvoir central s'affaiblit et perd, au moins partiellement, ses capacités répressives. A partir de la métropole se propagent des principes de liberté et d'égalité juridique (celle-ci d'ailleurs avant celle-là) qui prennent dans les colonies une dimension particulièrement subversive. Il reste cependant que la Révolution a un caractère original dans les colonies françaises d'Amérique. Les revendications, les luttes, même lorsqu'elles s'inspirent des principes de la métropole, déconcertent parfois les révolutionnaires de cette métropole. Et ceci n'est pas très étonnant, compte tenue de la problématique de départ : autonomisme, question de l'égalité entre Blancs et libres de couleurs, question de la suppression de l'esclavage. A Saint-Domingue, colonie exemplaire à plus d'un titre, d'un autonomisme blanc on aboutira, au terme de la décennie révolutionnaire et par la médiation d'une importante révolte d'esclaves, à un autonomisme noir, incarné par Toussaint Louverture.
Mais alors la question se pose, en quoi, par ses fondements et son exceptionnelle organisation, la révolte de Saint-Domingue constitue-t-elle la première révolte d'esclaves réussie et aboutie du monde moderne ?
L'important est en fait de saisir ici la manière dont cette révolte est parvenue à bouleverser la donne, à remettre en question le principe de ce vieux système qu'est le système esclavagiste. Il y a dans cette révolte une volonté de rupture avec l'ancien monde de la traite négrière. Le tout avec en toile de fond la difficile question de l'esclavage. Nous verrons qu'après cette exceptionnelle révolte, tout est à envisager.
[...] Il y aura une véritable guerre menée contre le Sud ; elle va durer plusieurs mois à partir de novembre 1799, marquée essentiellement par le siège et la prise de la localité de Jacmel en mars 1800.Une fois le Sud conquis sans trop de ménagements vers les mois de juin juillet, Toussaint peut passer au deuxième élément de sa politique d'unification. Il s'agit d'occuper la partie espagnole de Saint-Domingue. En principe, cette partie échappe à l'autorité de Toussaint. Aussi, dès la fin de 1799, Toussaint va exercer une pression permanente sur le représentant de la France, Rochambeau, de manière à obtenir l'autorisation d'occuper la partie orientale de l'île. Le 27 janvier 1801, la vieille ville de Santo Domingo, capitale de l'île, est occupée. [...]
[...] On reprend partiellement d'ailleurs les subdivisions mises en place par la Révolution française. Les principes de la Révolution sont en effet affirmés, notamment l'abolition de l'esclavage, l'égalité de tous devant la loi, la liberté et la sûreté individuelle, le caractère sacré de la propriété. En fait on peut dire que cette constitution assure une concentration du pouvoir au profit de Toussaint Louverture, mais notons que la constitution consulaire en France pouvait lui servir de modèle. La formation de l'État Louverturien se traduit aussi par un certain nombre de mesures administratives, religieuses et financières. [...]
[...] PARIS, KARTHALA, RELIRE WIMPFFEN A.-S. Haïti au XVIIIe siècle : richesse et esclavage dans une colonie française. PARIS, KARTHALA, 1993. [...]
[...] Il se fit appuyer ou sollicita l'appui de ces Blancs républicains, ralliés de bon ou mauvais gré à la République, et des citoyens de couleur. Selon le colonel Malenfant, cité par Schoelcher, il en fut sollicité par les Blancs du Cap, qui voyaient bien que c'était l'unique moyen propre à les mettre en sûreté La décision de Sonthonax prit la forme de deux proclamations : l'une en français, l'autre en créole, un des premiers grands textes écrits dans cette langue. [...]
[...] Au début de l'année 1794, il contrôle un certain nombre de paroisses de la province du Nord. Il a à sa disposition un état-major et des cadres constitués en partie d'officiers blancs qui ont abandonné la cause française, qui est la cause des républicains. Ainsi nous venons de voir ici la forte évolution que prend la révolte à Saint-Domingue. Une révolte qui voit enfin l'abolition de l'esclavage et un basculement vers un autonomisme noir. Une nouvelle autorité qui sera combattue par la France et aboutira à l'indépendance tant souhaitée de Saint-Domingue. III. [...]
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