En 1620, les passagers du Mayflower, des puritains chassés par l'Eglise anglicane, débarquent en Amérique, et font un pacte, un convenant, établi en présence de Dieu, afin de s'assurer que la loi divine gouvernera le pouvoir civil comme le pouvoir religieux dans la colonie qu'ils s'apprêtent à fonder dans le Nouveau Monde. A ces « Pères pèlerins » (Pilgrim Fathers) s'ajoutent d'autres communautés religieuses, qui s'installent au fil du temps, certaines pour fuir la persécution européenne, d'autres car elles ont trouvé en Amérique l'équivalent de la Terre Promise évoquée dans l'Ancien Testament.
Sur ces bases religieuses se sont érigés ce qui deviendra par la suite les Etats-Unis, et quatre siècles plus tard, l'héritage des premiers colons n'a pas disparu au sein de la société américaine. Le XXème siècle reste fortement marqué par une religiosité prégnante, et notamment par un protestantisme protéiforme qui, divisé entre de multiples dénominations, est resté largement présent parmi les élites blanches du pays, au point que cette religion a largement influencé la société américaine et sa culture. Ainsi, la religion, plurielle aux Etats-Unis car constituée tout aussi bien par les branches du protestantisme que par le catholicisme, le judaïsme ou d'autres religions minoritaires, est fortement liée à la société, l'ayant souvent modelé selon ses dogmes. Cependant, la société américaine du XXème siècle devient résolument moderniste, et ses liens avec les religions tendent à devenir plus conflictuels, d'autant plus que l'Etat, officiellement laïque, réduit la marge de manœuvre que les religions avaient coutume d'avoir aux Etats-Unis. Toutefois, l'histoire des Etats-Unis est tellement liée à la religion que, même inconsciemment, la société américaine rechigne à se défaire de cette influence, et de là naît un paradoxe qui agite toute la période, de l'entrée des Etats-Unis dans la Première Guerre Mondiale et des Années Folles, jusqu'au nouveau moralisme reaganien, de 1980 à 1988.
Ainsi, quel rôle les religions ont-elles encore à jouer dans la société américaine du XXème siècle ? En quoi la domination du protestantisme s'est-elle vue contestée durant cette période ? Si l'héritage religieux et particulièrement protestant est encore fort au sein de la société américaine du XXème siècle, les fondements de la société américaine se voient remis en cause sur le plan du sacré durant cette période, mais le mouvement reste cependant insuffisant pour éteindre l'influence religieuse encore prégnante sur la société.
[...] Le sociologue montre le lien entre l'idéologie protestante de la Réforme et la naissance du capitalisme qui lui fait suite. En effet, par le concept de la prédestination, le protestantisme affirme que chaque homme, à sa naissance, est déjà prédestiné à être sauvé ou damné lors du Jugement Dernier, une vie de sainteté ne pouvant rien changer à ce fatalisme eschatologique. Toutefois, les signes de la grâce divine peuvent être trouvés dans la vie ici-bas à travers le travail : si la richesse sourit au travailleur, alors celui-ci peut être considéré comme prédestiné à être sauvé. [...]
[...] En effet, comment concilier la laïcité de l'Etat avec l'emprise religieuse qui existe sur la société américaine ? Le président américain prête serment sur la Bible et ne cesse d'invoquer Dieu lors de ses allocutions, alors que dans les faits, Etat et religion sont séparés. Isabelle Richet tente d'expliquer cette contradiction en écrivant que les Etats-Unis sont donc un Etat laïque sans laïcisme d'Etat (La religion aux Etats-Unis) : le Dieu des Etats-Unis n'est plus le Dieu des protestants, mais l'Être suprême de toutes les confessions. [...]
[...] Si le fondamentaliste de la première moitié du XXème siècle échoue ainsi à maintenir sa main-mise sur la société américaine, son action montre cependant que la religion n'agit pas uniquement sur le sacré, mais possède une véritable influence dans le domaine social. L'adaptation du courant libéral du protestantisme à la société moderne et l'échec de son courant conservateur à se faire entendre des Américains marquent-t-ils définitivement la fin de l'influence religieuse sur la société américaine dans la seconde moitié du XXème siècle ? Certes non, tant la religion conserve encore une large audience. Ainsi, près de 70% des Américains disent appartenir à une église en 1970 et vouloir offrir à leurs enfants une éducation religieuse. [...]
[...] La famille est encensée selon cette vision, étant considérée comme une petite église où le père de famille est le chef spirituel. Le self- made saint devient alors l'alter ego du self-made man, qui ne compte que sur son initiative pour saisir les opportunités que l'abondance du pays lui offre. Les courants rationalistes des Lumières confortent cet individualisme en faisant de la religion un simple rapport individuel entre l'homme et son Créateur. L'idée que la richesse est un signe de l'élection divine tend d'ailleurs parfois à disparaître au profit de la richesse comme moyen d'améliorer le bonheur ici-bas, comme le dit Tocqueville dans De la démocratie en Amérique page 180) : il est souvent difficile de savoir, en écoutant [les Américains], si l'objet principal de la religion est de procurer l'éternelle félicité dans l'autre monde ou le bien-être en celui-ci Ainsi, le protestantisme, en étant la religion de l'élite blanche dominante des WASPs (White Anglo Saxon Protestants), tend à diffuser ces idées au sein de la société américaine, qui voit ainsi l'entrepreneur comme le modèle à suivre. [...]
[...] C'est le procès de John T. Scopes en 1925 à Dayton qui révèle véritablement l'existence de ce courant aux yeux de l'opinion américaine, et si ce procès voit l'échec médiatique des fondamentalistes auprès des classes moyennes urbaines, ceux-ci perdurent toutefois au-delà de 1925, avec parfois des succès relatifs à leur actif : ainsi, sous leur pression, l'enseignement de l'évolution reste interdit dans le Tennessee jusqu'en 1967. De plus, ce sont aussi les fondamentalistes, qui se recrutent parmi les méthodistes et les baptistes, qui sont à l'origine de l'application de la Prohibition ; les groupes de tempérance qui ont lutté pour l'interdiction de l'alcool sont d'ailleurs très marqués religieusement, comme l'atteste la Women's Christian Temperance Union. [...]
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