[...]
La Restauration de l'autorité impériale en 1868 s'est accompagnée, conformément aux souhaits de nombreux Kokugakusha, les partisans des « études nationales », d'une redécouverte et d'une valorisation des legs culturels authentiquement nationaux ce qui impliquait également la mise en valeur du shintô en tant qu'expression religieuse du génie autochtone expurgé des influences étrangères. Ce n'est donc pas un hasard, si, dans le cadre de l'imitation du régime des codes, lors de la phase la plus essentialiste du retour au système du Dajôkan, les Kokugakusha aient tenu à ce que dès juin 1868, un ministère des Affaires des Dieux, Jingikan, soit mis en place, lequel occupait, de façon symbolique, la place la plus élevée dans la hiérarchie des organes de l'État, dominé par la noblesse de Cour, les membres de la Famille impériale et aux échelons inférieurs, par des dignitaires shintô et autres historiens nationaux, conformément au principe de l' « union du gouvernement et des rites », Saisei ittchi. Cette référence volontairement archaïsante à l'union du gouvernement et des rites visait à renouer avec l'affirmation de la dimension sacerdotale de la monarchie antique, pour laquelle le gouvernement était la traduction en termes politiques des oracles divins dont le tennô, en vertu de ses pouvoirs d'intercession était le principal acteur. Dans le même temps, les pouvoirs publics entreprirent de conforter la place du shintô par des mesures complémentaires. En premier lieu les liens personnels entre le souverain et le shintô furent renforcés, d'abord en faisant mettre en oeuvre des cérémonies organisées par le Jingikan, puis en multipliant les pèlerinages dans les hauts lieux du shintô, principalement ceux qui étaient liés à la Maison impériale comme le Grand sanctuaire d'Ise où est honorée la déesse Amaterasu Ômi Kami et où se trouve conservé l'un des regalia, le miroir sacré, ce qui était aussi l'occasion de « montrer » l'empereur, qui avait jusque-là une existence recluse dans son palais, aux populations. L'affirmation de tels liens avait également une signification politique, pour légitimer les opérations de pacification menées au nom du trône contre le dernier carré des partisans de l'ancien shôgun. En second lieu, la nationalisation de fait du shintô fut entreprise par une première classification des sanctuaires, la restitution des domaines privés des temples et des sanctuaires, la reconnaissance du caractère public des sanctuaires, et l'obligation pour chaque foyer de s'y faire immatriculer (1871). En troisième lieu, de façon fort maladroite, le gouvernement, sous l'influence des kokugakusha fondamentalistes, entreprit à partir de mai 1868 de séparer le bouddhisme du shintô, d'une part parce que le bouddhisme était considéré comme inféodé à l'Ancien régime, d'autre part pour mettre un terme aux pratiques religieuses syncrétiques (...)
[...] Il y a tout d'abord une prolifération de nouvelles religions qui se développent depuis la fin du Bakufu, qui mêlent chamanisme et magie, plus portées sur la satisfaction des besoins de la population dans ce bas monde que sur les spéculations théologiques, qui séduisent d'abord les masses paysannes puis s'implantent dans les villes : on en dénombre 1029 en 1939, contre 98 en 1924. Elles subissent les assauts conjugués des intellectuels qui les jugent frustres et superstitieuses, des organisations religieuses établies qui craignent une concurrence déloyale, et du pouvoir qui veille à l'orthodoxie du régime. Or ces nouvelles religions cherchent à substituer leur propre révélation fondatrice aux mythes officiels ou à les détourner à leur profit. [...]
[...] Toutefois, dès écoles étaient déjà en service, recevant 46% des garçons et 17% des filles d'âge scolaire. L'obligation scolaire fut progressivement étendue : elle passa de 3 ans en 1886 à 6 ans en 1908, de telle sorte qu'à cette date 97,8% des enfants recevaient une formation élémentaire. La modernisation du système éducatif passa donc par une politique de généralisation et d'universalisation de l'instruction élémentaire rendue obligatoire pour tous : au début des années 1880, l'instruction élémentaire absorbe à elle seule le quart du budget de l'éducation. [...]
[...] Quant à l'enseignement technique et professionnel, il est dans sa majorité privée. Au tournant du XXe siècle, en l'espace de deux décennies, l'essentiel de l'architecture du paysage éducatif japonais contemporain était déjà là. La troisième caractéristique est la coexistence entre deux types d'enseignements : un enseignement de masse dispensé dans les écoles élémentaires et un enseignement élitiste dispensé par les Universités. En 1890, le PIB par tête d'habitant est de 20 yen, mais l'État dépense 290 yen par étudiant. en 1940, on ne compte que étudiants, contre certes moins de 8000 en 1910, mais avec seulement 211 jeunes filles. [...]
[...] Dans cette perspective la liberté de religion devenait beaucoup plus théorique que réelle. Toutefois, sur la durée, le soutien apporté par l'État au Shintô d'État ne fut pas uniforme : jusqu'en 1905, il est parcimonieux mais il monte en puissance jusqu'à atteindre son apogée entre 1930 et 1945 ; en outre ce soutien est surtout politique et idéologique : sur le plan budgétaire, le soutien aux sanctuaires a même tendance à décroître au fil des années, il passe de 0,43% du budget de l'État en 1902 à 0,01% en 1944 sauf pour certains sanctuaires dont le Grand sanctuaire d'Ise, dont le budget fut multiplié par six entre 1904 et 1940. [...]
[...] D'ailleurs, en décembre 1917, une commission ministérielle recommande l'extension systématique de la préparation militaire à tous les établissements scolaires. Ce sont généralement les membres de l'Association nationale des réservistes de l'empire ou des officiers généraux de réserve auxquels est confiée cette préparation, mais à partir d'avril 1925, il sera pris en charge par des officiers généraux d'active. Il s'agit en effet de renforcer l' esprit de défense à une époque où les discussions sur le désarmement risquent de l'émousser. Le gouvernement se préoccupe également d'intégrer les jeunes gens sortis de la scolarité obligatoire entre 16 et 20 ans qui ne sont pas encore incorporés et susceptibles d'être la proie des idées dangereuses Les centres d'entraînement de la jeunesse seinen kunrensho, censés leur dispenser une instruction morale, militaire et professionnelle, sont créés en avril 1926. [...]
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