"L'international sans territoire" est le titre du numéro 21-22 de la revue Cultures et conflits publiée au printemps-été 1996 et rédigé par un collectif d'auteurs réunis autour de Marie-Claude Smouts et de Bertrand Badie. Ce travail a pour objectif de s'interroger sur la notion de territoire et sur sa pertinence au vue de l'évolution des relations internationales. Dans le cadre de ce sujet, la notion de territoire ne renvoie pas au territoire géographique qui renvoie à une réalité physique indestructible, mais au territoire étatique. Selon Marcel Merle, le territoire est ainsi une « portion déterminée de l'espace qui a fait (et fait encore) l'objet d'une appropriation par un groupe politique dont il devient, par là-même, l'un des attributs constitutifs ». Territoire géographique et territoire étatique se recoupent donc, leurs limites étant symbolisées par les frontières.
Marie-Claude Smouts et Bertrand Badie affirment que l'évolution des relations internationales remet en cause la pertinence du territoire comme élément d'analyse de ces mêmes relations. Ils s'opposent en cela à des auteurs comme Marcel Merle qui affirme ainsi que « l'abolition du territoire est un tour de passe-passe aussi éblouissant et aussi peu crédible, que la disparition de la Tour Eiffel ou de la statue de la Liberté sous la baguette d'un magicien à la mode ». La confrontation de leurs thèses nous permettra alors d'étudier la place du territoire, et partant de l'Etat-nation. En effet, cette question de la place du territoire dans les relations internationales renvoie à un débat plus large sur la place de l'Etat-nation, débat qui a émergé dans les années 90 et qui est polarisé autour de deux thèses extrêmes, l'une annonçant la fin ou du moins le déclin des Etats, l'autre le « retour des Etats » qui se seraient adaptés aux évolutions de la scène internationale. Le premier courant est représenté notamment par Ernst Czempiel, le second par Sami Cohen. Le lien entre « territoire » et « Etat » est bien souligné par le droit international public. Pour les juristes, l'Etat se définit en effet par une organisation politique indépendante, une population et un territoire. Si ce dernier est remis en cause, c'est l'Etat tout entier qui l'est aussi (...)
[...] Pour les juristes, l'Etat se définit en effet par une organisation politique indépendante, une population et un territoire. Si ce dernier est remis en cause, c'est l'Etat tout entier qui l'est aussi. La notion de territoire constitue-t-elle encore un élément pertinent d'analyse des relations internationales ? Dans une première partie, nous soulignerons la remise en cause croissante du territoire étatique par l'évolution de la situation internationale. Notre seconde partie nous amènera non seulement à nuancer ce constat mais aussi à proposer une nouvelle approche du territoire qui permet de réhabiliter sa place et celle de l'Etat sur la scène internationale. [...]
[...] Face au dédoublement de la scène internationale que nous avons évoqué, il est légitime de se demander quel est le cadre d'action le plus pertinent. [...]
[...] L'international sans territoire renvoie alors plus à une formule volontairement provocante dans le but d'attirer l'attention sur les bouleversements de la réalité internationale, qu'à une description fidèle de cette réalité. De plus, la notion même d'international suppose le maintien du territoire : si on considère qu'est international ce qui traverse ou tend à traverser les frontières, alors l'absence de territoire aboutit à la disparition de l'international. Ce monde des acteurs non étatiques est le monde d'acteurs qui cherchent à accroitre leur autonomie, notamment au dépend de l'Etat, par le contournement des territoires, la remise en cause des souverainetés étatiques. [...]
[...] Une nouvelle approche de la notion de territoire 1. Le territoire reste un enjeu majeur dans la sphère internationale Si le territoire étatique est remis en cause, il semble alors possible de le dépasser et de proposer une approche du territoire qui ne se limite pas à celui de l'Etat. Nous pouvons alors nous intéresser à la notion de région. En effet, loin de remettre en cause toute forme de territoire, les flux transnationaux tendent plutôt à les remodeler. Par exemple, Chine côtière et Chine de l'arrière tendent à se différencier de plus en plus, la première formant avec Taïwan un espace économique alors même que ces deux espaces s'opposent politiquement. [...]
[...] Or, nombre de ces acteurs cherchent à accroitre leur autonomie, notamment au dépend de l'Etat, par le contournement des territoires, la remise en cause des souverainetés étatiques. C'est le cas notamment des mafias. Finalement, le territoire serait une notion trop restreinte pour faire face à la mondialisation et trop vaste face au problème des quêtes identitaire tandis que la souveraineté des Etats serait mise à mal. Face à ces évolutions, le thème de la gouvernance est d'autant plus d'actualité. La gouvernance désigne un mode de coordination sociale fondée sur une articulation des acteurs privés et publics. [...]
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