A l'issue de la Première guerre mondiale, tout devrait opposer la Russie, future URSS, et l'Allemagne: adversaires durant le conflit, ils ne partagent même plus, après celui-ci, le régime politique impérial puisque l'Allemagne est devenue une République soumise, sinon ralliée, au nouvel ordre dessiné par les Alliés, tandis que la Russie léniniste, apôtre de la révolution mondiale, fait figure d'Etat voyou dont il faut garantir le reste de l'Europe.
Un point commun, cependant, dépasse toutes ces différences: URSS et Allemagne sont les deux renégats de l'Europe, l'un de par son messianisme révolutionnaire, l'autre à cause de son statut de vaincu et de responsable de la guerre. Ni l'une ni l'autre n'ont eu voix au chapitre lors de l'élaboration du Traité de Versailles; et, après celui-ci, tandis que l'Allemagne voit son territoire amputé, occupé, ses ressources détournées, sa souveraineté réduite, la Russie soviétique doit lutter contre des Blancs soutenus par les Etats capitalistes, et est isolée de l'Europe de l'ouest par un cordon sanitaire d'Etats. Dés lors, au-delà de l'apparent paradoxe, il apparaît moins étonnant que les difficultés communes des deux Etats aboutissent à un rapprochement, mis par chacun au service de ses intérêts propres.
C'est sur la base de ce rapprochement initial que l'on va s'intéresser aux relations germano-soviétiques jusqu'à la veille de la Seconde guerre mondiale: comment s'adapteront-elles (ou, au contraire, échoueront-elles à le faire) à l'instabilité du contexte international de l'entre-deux-guerres?
[...] Il faut donc remarquer le contraste qui marque, en 1933, les relations germano- soviétiques: à un refroidissement des relations politiques s'oppose en effet un resserrement de liens économiques importants et évolutifs. Même après l'arrivée d'Hitler, les liens économiques resteront importants: ainsi, encore en 1935, l'Allemagne accorde un important crédit à l'URSS. Cela tient, là encore, aux intérêts bien compris des deux parties: l'URSS a besoin de fonds, et l'Allemagne de matières premières pour son réarmement. Le matin même de l'attaque allemande contre l'URSS, en 1941, des trains russes venaient encore approvisionner le Reich en matières premières. [...]
[...] Ce moyen ne pourra bien sûr pas être militaire, ni économique: il sera diplomatique, et passera par la Russie, autre Etat révisionniste, et également autre bête noire des européens. En ce qui concerne l'URSS, elle aussi se trouve au ban des nations. Son retrait de la guerre a été vécu comme une trahison de la part du nouveau régime bolchevik, et surtout elle fait peser sur l'Europe la crainte d'une vague révolutionnaire dans les pays capitalistes, dont on a vu par exemple en Allemagne qu'elle pouvait être fondée. [...]
[...] Dés lors, toutes les tentatives soviétiques, plus ou moins officielles, pour relancer la coopération politique entre les deux pays seront repoussées par Hitler. L'amitié de Rapallo est morte et la paix entre les deux pays subordonnée au statu quo dans l'est européen, tampon entre les deux Etats. La politique extérieure allemande heurte les intérêts soviétiques, voire menace directement l'URSS Dans le domaine des affaires étrangères, les coups de force allemands apparaissent comme autant de présages des projets agressifs de Berlin, et la diplomatie allemande donne aux soviétiques l'impression qu'elle est dirigé contre eux: ainsi, toutes les étapes du rétablissement par l'Allemagne de sa puissance militaire seront fermement condamné par l'URSS; ainsi également du traité de non agression germano-polonais de janvier 1934 ou encore du Pacte à Quatre de 1933 qui, bien qu'il ait avorté, semblait rétablir un directoire des grandes puissances sur les affaires européennes, URSS exclue, pour une politique de révision pacifique du traité de Versailles. [...]
[...] C'est sur la base de ce rapprochement initial que l'on va s'intéresser aux relations germano-soviétiques jusqu'à la veille de la Seconde guerre mondiale: comment s'adapteront-elles au contraire, échoueront-elles à le faire) à l'instabilité du contexte international de l'entre-deux-guerres? I 1919-1933: l'alliance comme moyen de briser l'isolement L'alliance objective des deux parias de l'Europe Allemagne et Russie sont les deux exclues de l'ordre européen mis en place par le Traité de Versailles On ne peut pas comprendre sur quelles bases vont s'établir les relations germano-soviétiques à la sortie de la guerre si on ne prend pas en compte ce point commun essentiel. [...]
[...] Le nouveau régime est donc tout à la fois capitaliste, anti-russe au sens ethnique, anti-communiste et expansionniste, autant de points développés dés le début des années 1920 dans Mein Kampf. Dés lors, on comprend que la vraie question qui se pose n'est plus celle de la qualité des relations, mais celle du temps que pourra durer ce face-à-face entre deux régimes radicalement opposés, et que ne sépare, géographiquement, que la grande plaine d'Europe de l'est sur laquelle tous deux forment des plans d'expansion. [...]
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