La France et l'Algérie ont rencontré de nombreuses difficultés dans la normalisation de leurs rapports au cours des quarante dernières années. En effet, le long passé colonial commun a laissé des traces. Tantôt la France tente de s'éloigner de l'Algérie, tantôt celle-ci le lui reproche. Tantôt la France cherche à conserver ses privilèges et implications en Algérie, tantôt celle-ci rejette-t-elle l'ancien colonisateur avec force. La complexité de ces relations tient au fait, qu'elles sont tiraillées entre plusieurs tendances : depuis 1830, l'Algérie est française, ce qui implique une gestion économique, financière et politique de l'Algérie par la France, une gestion de trois départements français par la métropole. Cela sous-tend aussi une implication forte des populations : pieds-noirs et algériens cohabitent, attachés à la France d'une manière propre à chacun. Ainsi, lors de la guerre d'Algérie, ces populations se trouvent tiraillées entre les deux opposants, et harkis et pieds-noirs verront les algériens se retourner et s'acharner contre eux. Au sortir de la guerre sanglante dite maintenant « d'Algérie » en France, et « d'indépendance » en Algérie, il y a donc des rapports nouveaux à établir, générant des tensions des deux côtés. En France, les harkis se sentent bafoués et abandonnés, les pieds-noirs humiliés, alors que les autorités cherchent à préserver au mieux leurs intérêts économiques (pétroliers). En Algérie, on rejette avec force tout ce qui rappelle le colonisateur français (à commencer par la langue) au risque d'entrer dans une grave crise économique : après plus d'un siècle de gestion du pays par la France, l'Algérie se trouve désemparée face à l'ampleur de la tâche, et surtout, ses dirigeants, les militaires ayant accédé au pouvoir, sont cruellement inexpérimentés en matière d'économie, de politique, de diplomatie, etc. Dans un tel contexte, les relations entre la France et l'Algérie vont être on ne peut plus délicates au cours de la période étudiée (1965-2005).
Essentiellement axées autour des aspects économiques, puis sécuritaires, comment vont évoluer ces relations ? N'a-t-on pas trop insisté sur la dimension passionnelle de ces rapports ?
On peut distinguer trois grandes phases jusqu'à aujourd'hui, à savoir la présidence de Boumediene, anti-français convaincu que le général de Gaulle tentera d'amadouer, envers lequel cependant G. Pompidou puis V. Giscard d'Estaing seront bien moins conciliants ; la présidence de Chadli Benjedid, quasi-coïncidant avec l'arrivée de Mitterrand au pouvoir, période de réchauffement des relations franco-algériennes qui pourtant seront affectées par l'interruption du processus démocratique ; enfin, la reprise du processus démocratique parachevé par la présidence d'Abdelaziz Bouteflika, une présidence apportant elle aussi son lot d'espoirs et de déceptions tant du côté algérien que français.
[...] Bien que sceptique quant à l'impact du FIS exilé sur le FIS en Algérie, Balladur peut donc ainsi rééquilibrer la position de la France sur la scène internationale. Ainsi, peu à peu, la France se sert de l'UE pour traiter la question algérienne, alors que les relations bilatérales semblent dans l'impasse. En effet, toute critique des autorités algériennes, à savoir du président Zéroual nommé en janvier 1994 par le Haut Conseil de Sécurité, fait peser sur la France l'accusation d'ingérence et de néocolonialisme. [...]
[...] Le 30 janvier 1997, il dit d'ailleurs de la France, qu' elle n'est [ ] pas la mieux placée pour aider ce pays à sortir de la crise, compte tenu du caractère hypersensible de [leurs] relations»[8]. La France a donc changé sa politique : elle ne soutient plus les autorités algériennes, et préfère le silence. Quand en juin 1997, une délégation de l'ONU est chargée de surveiller les élections législatives algériennes, la France n'y prend délibérément pas part. Le gouvernement Jospin poursuit cette ligne directrice de neutralité, de normalisation des relations. [...]
[...] Cependant, les relations vont se dégrader à nouveau. Malgré des accords de coopération générale en 1982, le contentieux économique perdure (l'Algérie craint toujours un néo-colonialisme caché) et la question de l'immigration gangrène les rapports des deux pays : d'une part, les autorités algériennes se plaignent du racisme dont sont victimes leurs ressortissants en France. D'autre part, l'arrivée du Front National sur la scène politique française en 1983 illustre cette réelle montée du racisme. En 1986, le gouvernement Chirac décide de raffermir les positions de la France face aux peu de concessions algériennes : les lycées français sont fermés, Fiat se voit attribuer un contrat qui échappe donc aux entrepreneurs français Chirac décide donc de renégocier les accords de 1982. [...]
[...] Elle voit également une opportunité de devenir un interlocuteur privilégié dans le dialogue Nord-Sud, par le biais de ses relations bilatérales avec l'Algérie, dont le président Boumediene (dès 1965) se veut le nouveau leader du Tiers-Monde. Enfin, ces Accords entérinent le maintien des bases militaires dans le Sahara, permettant à la France d'expérimenter ses travaux nucléaires. Ainsi, de Gaulle voit en l'Algérie un atout économique et géostratégique majeur. C'est pourquoi le Général continue à aider l'Algérie financièrement, même quand celle-ci critique ouvertement la France. [...]
[...] Il apparaît donc, qu'au cours des quarante dernières années, les relations franco-algériennes aient été plutôt, voire totalement parfois, tendues. Les deux pays bâtissent à la base des ambitions différentes, quant aux relations qu'ils vont avoir après l'indépendance algérienne. Quarante ans plus tard, le lourd passé colonial reste au cœur des esprits, et gangrène des relations que chacun tente tant bien que mal de normaliser. Les deux pays peinent à revenir sur leurs responsabilités respectives dans le passé, même si Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France à Alger, reconnaissait le 8 mai 2005 la tragédie inexcusable qui avait eu lieu soixante ans plus tôt, lors du massacre de Sétif. [...]
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