Le XIXème siècle est souvent présenté comme « l'âge d'or du libre-échange» en Europe, comme si la Révolution Industrielle avait entraîné le ralliement général au libéralisme économique. Rappelons que le libéralisme est une doctrine économique élaborée au XVIIIème siècle, selon laquelle l'Etat ne doit pas, par son intervention, gêner le libre jeu de la concurrence. Sur un plan international, il se traduit par la l'adoption du libre-échange, qui s'oppose au protectionnisme, attitude par laquelle un Etat protège son marché de la concurrence étrangère au moyen de taxes élevées à l'importation ou d'une réglementation très restrictive. Concernant les relations économiques entre les Etats européens, le XIXème fut-il une ère libérale ?
Le libéralisme économique ne se réduit certes pas au libre-échange, il implique également des dispositions intérieures comme la liberté d'entreprendre. Mais puisque nous traitons des relations économiques internationales, nous nous limiterons à la dimension extérieure du libéralisme. C'est pourquoi nous utiliserons davantage le terme « libre-échange » que « libéralisme », afin de na pas amalgamer politique économique intérieure et politique commerciale. De même, il sera davantage question de « commerce » que d' « économie ». Il convient également de préciser que, si notre exposé porte sur la totalité du siècle, nous nous étendrons davantage sur sa seconde partie, qui est riche en évolution dans le commerce intra-européen et qui présente donc un plus grand intérêt eu égard à la question suivante :
Le libre-échange a-t-il prédominé dans les relations économiques entre les Etats européens au cours du XIXème siècle ?
A considérer les politiques commerciales, le protectionnisme domine l'Europe sur presque toute la durée du siècle (1). Cette prédominance se voit contredite au Royaume-Uni, enclave libérale, et pendant la période 1860-1892 à l'échelle du continent, avant que les Etats n'appliquent à nouveau des mesures protectionnistes (2). Néanmoins, ces dernières n'ont nullement empêché l'augmentation des échanges commerciaux intra-européens et même, contrairement aux apparences, l'ouverture des économies nationales. (3)
[...] Les travaux de Chaptal (1819), Dupin (1827) et surtout Friedrich List (1841) répandent l'idée que le protectionnisme est nécessaire au développement des industries dans l'enfance Cette théorie trouve un large écho chez les industriels qui craignent la concurrence britannique et chez les paysans qui redoutent une baisse des prix des produits agricoles. Devant l'accroissement des échanges commerciaux qui se produit au milieu du siècle, les Etats consentent à abaisser prudemment leurs droits de douane puis acceptent de se convertir au libre-échangisme vers 1860. S'ouvre alors une période véritablement libérale pour le commerce intra- européen. [...]
[...] En Allemagne, c'est l'arrivée des blés russes sur le marché national qui est au cœur du problème : les intérêts agrariens, réunis en 1877 au sein de la ligue de réforme économique font pencher la balance en faveur du retour au protectionnisme. De même, en France, la pression vient des paysans dont le pouvoir est important du fait du suffrage universel. C'est Bismarck qui initie le retour au protectionnisme. Il fait voter en 1879 un tarif protecteur qui frappe les céréales, le pétrole et le fer, jusque là admis en franchise. [...]
[...] Ce retour quasi général (le Royaume-Uni et les Pays-Bas n'y participent pas) au protectionnisme dans un contexte diplomatique tendu provoque de véritables guerres commerciales, entre la France et l'Italie (1887-1898), la France et la Suisse (1893-1895), l'Allemagne et la Russie (1893), l'Allemagne et l'Espagne (1894-1896) Le libéralisme est limité à quelques Etats et à une période donnée Sur le continent, la conversion au libre-échange en 1860 se fait à la suite d'une évolution déjà amorcée une dizaine d'années auparavant. Mais la période faste du libre-échangisme ne dure pas plus de 20 ans. a. L'exception britannique En 1815, le Royaume-Uni est protectionniste comme tous les Etats d'Europe. [...]
[...] Napoléon III s'y est converti au cours de ses longs séjours en Grande-Bretagne. Son adhésion à cette doctrine n'est partagée ni par les paysans et industriels, ni par la classe politique. Aussi signe-t-il le traité en prenant soin d'éviter un vote au parlement, ce que la majorité des députés qualifie de nouveau coup d'Etat Engagement d'un Etat à accorder à ses partenaires les tarifs douaniers les plus bas qu'il consent déjà à un pays tiers. Faut-il défendre la croissance ouverte ? postface au livre de P. Bairoch précédemment cité. [...]
[...] Quand toute l'Europe continentale revient au protectionnisme, le Royaume-Uni demeure libéral. Il existe certes un courant protectionniste (Fair Trade League) mais il n'obtient pas gain de cause auprès du gouvernement. Ici aussi, c'est l'avance économique du Royaume-Uni (où l'agriculture n'a plus un rôle central comme c'est le cas en France) qui explique le fait qu'il peut se permettre de maintenir une politique libérale alors que tous ses partenaires européens sont revenus au protectionnisme. D'autres pays pratiquent une politique commerciale libérale avant 1860. [...]
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