En 1833, Heinrich Haube, une des figures de proue de la Jeune Allemagne, ridiculisait la noblesse en la comparant à une exotique tribu indienne que les historiens ne sauraient tarder à classer au rang de curiosité historique. Un tel jugement n'étonne pas de la part d'un représentant libéral et engagé de la société bourgeoise en pleine expansion, mais Mr Haube aurait lui probablement été très étonné de la subsistance de la noblesse au cours du long XIXème siècle, qui s'étend jusqu'à 1914, même si ses prévisions se réaliseront sur un plus long terme.
Mr Haube sous-estimait réellement la capacité de survie et de défense de l'aristocratie allemande : en effet, comment une telle élite, caractérisée depuis toujours par la fluctuation incessante de son influence sociopolitique mais aussi consciente de son pouvoir, aurait-elle pu renoncer volontairement à sa situation privilégiée ? La réponse est simple : elle ne le pouvait pas. C'est ainsi qu'entre 1870 et 1914, la noblesse allemande dans ce qui semble être son irrésistible agonie cherchera sans cesse et parviendra à maintenir sa position dominante, à l'encontre de tout l'esprit général communément apposé au XIXème siècle.
On peut alors se demander comment, dans un contexte général de libéralisation et de démocratisation, le IIème Reich allemand voit-il la survivance de la « forteresse nobiliaire » ?
En effet, si le IIème Reich connaît des avancées démocratiques (I), celles-ci n'empêchent pas la « forteresse nobiliaire », comme la dénomme Arno Mayer, de se maintenir, grâce à une double logique ; d'une part une logique de clôture sociale (II), et d'autre part une logique d'adaptation à la nouvelle société dans laquelle elle est contrainte d'évoluer (III).
[...] Naît alors dans la théorie une monarchie constitutionnelle, prenant la forme d'un Empire fédéral. Chaque État, bien que soumis à la Prusse autour de laquelle s'est réalisée l'unité, conserve donc son propre gouvernement, et son assemblée élue : le Landtag. Les pouvoirs sont séparés, pas jusqu'à faire du IIe Reich allemand un régime parlementaire bien sûr, mais assez pour donner au peuple une image démocratique du régime, quoi qu'on puisse douter du degré jusqu'auquel le peuple allemand sera dupe. Le pouvoir législatif est donc partagé entre deux Chambres. [...]
[...] Ainsi, on observe la persistance du modèle social nobiliaire, dans la mesure où la noblesse représente toujours un modèle social normatif, duquel on doit se rapprocher à tout prix. Comme le défend Arno Mayer, on voit donc que le modèle social de l'Ancien Régime, le modèle d'une société d'ordres, se perpétue dans la nouvelle société industrielle. Conclusion Finalement, jusqu'en 1914, l'Allemagne prussienne conserve les traits de l'univers de la noblesse et des cours de l'État princier des siècles précédents. La noblesse perpétue la représentation d'un pouvoir divin, et se pose comme pourvue d'un don inné. [...]
[...] Tous les chanceliers étaient de haute noblesse. Dans le service diplomatique, être noble est pratiquement indispensable pour accéder aux niveaux les plus élevés. Ainsi, avant 1914, tous les ambassadeurs et tous les secrétaires d'État appartenaient à la noblesse. Au cours d'un débat parlementaire, Von Hammerstein exprimera le sentiment général de la noblesse par les termes suivants, assez abrupts on en conviendra : La noblesse a depuis toujours administré l'État prussien, et cette forte proportion prouve uniquement que le gouvernement y trouve son avantage Quant à l'armée, elle n'est pas en reste, même si la part relative de nobles y décroît, surtout en raison de l'accroissement spectaculaire des effectifs généraux. [...]
[...] Le reich allemand: la persistance du modèle sociopolitique nobiliaire En 1833, Heinrich Haube, une des figures de proue de la Jeune Allemagne, ridiculisait la noblesse en la comparant à une exotique tribu indienne que les historiens ne sauraient tarder à classer au rang de curiosité historique. Un tel jugement n'étonne pas de la part d'un représentant libéral et engagé de la société bourgeoise en pleine expansion, mais Mr Haube aurait lui probablement été très étonné de la subsistance de la noblesse au cours du long XIXe siècle, qui s'étend jusqu'à 1914, même si ses prévisions se réaliseront sur un plus long terme. [...]
[...] Rappelons qu'il bridera largement le parti socialiste. La noblesse contrôle l'Allemagne. Werner Sombart affirme en 1912 que la classe noble n'a rien perdu de son pouvoir politique ni de son importance sociale, la comtesse Dönhoff, journaliste, écrit trois quarts de siècle plus tard que l'Allemagne est restée au fond jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale une société semi-féodale De telles impressions reposent sur l'expérience vécue de la rallonge historique accordée à la noblesse, une survivance de l'Ancien Régime que personne n'attendait, et qui pourtant permet à la classe nobiliaire allemande de s'affirmer un peu plus à mesure que le IIe Reich s'implante. [...]
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