Le recel des pourchassés, une action « humanitaire » ? Le cas des Tutsi

Résumé du document

Entre avril et juillet 1994, le Rwanda est secoué par le massacre d'une partie de sa population, les Tutsi, par une autre, les Hutu qui accusent ces derniers d'avoir assassiné le président Habyarimana. Cet acte est alors utilisé par les extrémistes hutus pour mettre en œuvre ce qui sera un des derniers génocides du XXe siècle. En effet, en 3 mois, près d'un million de personnes sont exterminées pour la plupart à la machette, dans ce pays plus petit que la Belgique qui comptait à l'origine 10 millions d'habitants.
Dans un contexte de pression extrême où ceux qui ne tuent pas risquent des représailles voire la mort ; où chaque personne connaît l'identité de son voisin – en particulier dans les villages où habite une grande partie de la population - ; et où les massacres frappent tellement rapidement qu'il est difficile de réagir, on trouve tout de même des témoignages de héros anonymes ayant réussi à sauver des Tutsi. Dans la plupart des cas, les stratégies offensives sont délicates à mettre en œuvre compte tenu du déséquilibre des forces entre génocidaires armés et à la tête du réseau administratif du pays, et les résistants qui ont des moyens extrêmement limités. Ainsi la lutte qui s'organise est principalement défensive : on guide les personnes pourchassées, on les nourrit, ou tout simplement on refuse de les tuer. Mais le moyen de sauvetage le plus efficace s'avère être l'hébergement. C'est ainsi que certains Hutu, pour des raisons variées, s'opposent aux massacres en cachant des Tutsi. Comment faire pour héberger des victimes dans ce contexte de répression démesurée ? Pour quelles raisons des hommes et des femmes ont décidé de résister et de sauver des vies ? La résistance s'est-elle organisée de la même façon partout, des réseaux se sont-ils développés entre les sauveurs ?
Pour répondre à ces interrogations, il s'agit d'abord de revenir sur l'histoire du Rwanda : comment le pays a-t-il pu être frappé par un tel génocide ? Ensuite, on s'intéressera plus particulièrement aux actes d'opposition en étudiant d'une part l'hébergement des pourchassés, puis toutes les autres formes de résistance.

Extraits

[...] Bernard et les autres familles peuvent ainsi garder des Tutsi sains et saufs. Je mourais de peur, mais j'avais l'espoir que la volonté de Dieu s'accomplisse Des formes de Résistance organisée peuvent ainsi naitre à quelques endroits, malgré la rapidité de l'avancement des massacres. Sauvetages par intérêt Pour l'argent : Il nous a emmenés, de nuit, chez une connaissance hutue qui dissimulait un petit nombre de Tutsis de connaissance. Un jour, les interahamwe sont venus frapper à sa porte pour inspecter la maison. [...]

[...] D'abord, l'histoire du peuple rwandais est modifiée. Ainsi, les Tutsi et Hutu seraient issus de différentes lignées. L'historien rwandais Kagamé réécrit l'histoire de son pays en élaborant une thèse selon laquelle les Tutsi seraient descendus d'Egypte et d'Ethiopie. De même se développe l' hypothèse hamitique formulée par l'anglais Speke qui stratifie les différentes races africaines et place au sommet celle à laquelle appartiennent les Tutsi : race majestueuse de rois guerriers Parallèlement, les nègres indigènes hutus, venus du sud de l'Afrique sont voués à être dominés. [...]

[...] Ensuite, on s'intéressera plus particulièrement aux actes d'opposition en étudiant d'une part l'hébergement des pourchassés, puis toutes les autres formes de résistance. I. Une histoire tourmentée Construction d'un mythe Le Rwanda actuel est le fruit d'une construction historique et culturelle mise en place tout au long de la colonisation, dont la principale caractéristique a été la ségrégation entre deux peuples : les Hutu et les Tutsi. Ainsi, depuis la révolution des années 1950-1960 et l'indépendance du Rwanda, il semble que deux nations cohabitent dans un seul Etat Il paraît alors essentiel de revenir sur l'histoire du pays pour se demander qui sont réellement les Hutu et les Tutsi. [...]

[...] Gourevitch, p.112 Nous avons le plaisir de vous informer que demain, nous serons tués avec nos familles : chroniques rwandaises. Paris : Denoël, [*612 doc.] 1999 p.143 Témoignage relaté dans Nous avons le plaisir de vous informer que demain, nous serons tués avec nos familles, pp 132 à 166 + illustré dans le film de Terry George, Hôtel Rwanda Paroles de P. Gourevitch qui relate l'histoire de Paul Rusesabagina, dans Nous avons le plaisir de vous informer que demain, nous serons tués avec nos familles. Citations recueillies par M. [...]

[...] Enfin, des postes radio sont distribués presque gratuitement à la population hutue en prévision des massacres. Ainsi, il est clair que le génocide fut le produit de l'ordre, de l'autoritarisme, de décennies de théorisation et d'endoctrinement politique moderne, et de l'un des Etats les plus méticuleusement administrés de l'histoire Il ne manque plus qu'une étincelle pour mettre le feu aux poudres. Ainsi, l'assassinat d'Habyarimana le 6 avril 1994 sert de prétexte pour le déclenchement des tueries. Dans le même temps, un nouvel Etat de terreur se met en place. [...]