La IIIème République est proclamée en France le 4 septembre 1870 à la suite de la défaite contre la Prusse qui a causé la chute de l'Empire. Les républicains qui ont la majorité à la chambre à partir de 1876 mettent alors en œuvre une importante œuvre scolaire. Les fameuses lois de Jules Ferry qui rendent en 1881 et 1882 l'école gratuite, laïque et obligatoire font de l'institution le relais des orientations politiques auprès de tous les enfants de la République. L'élaboration des programmes de cette matière qui a été introduite en 1863 par Victor Duruy est confiée en 1880 à Ernest Lavisse. Historien nouvellement converti à la République, il est un des représentants d'un nouveau courant historique : le courant méthodique qui s'inspire des méthodes allemandes. Ce sont les tenants de cette tendance qui orienteront l'historiographie française à l'Université et qui fixeront les cadres de l'histoire scolaire. L'histoire enseignée réside dans sa quasi-totalité en l'histoire nationale, des Gaulois aux événements contemporains, et se matérialise dans des manuels à la très large diffusion. L'histoire devient au cours de la IIIème République, de ses débuts en 1870 à la veille de la seconde guerre mondiale en 1914, un instrument d'éducation politique. Elle devient un véritable magistère civique au service du régime républicain. Les autorités peuvent l'utiliser pour former les esprits des nouvelles générations de la société en fonction de ses difficultés et de ses projets. Dès lors, de quels problèmes –et donc de quelles volontés politiques pour y répondre- l'histoire enseignée est-elle le reflet ?
Si l'histoire enseignée est révélatrice des difficultés internes de la République française à s'imposer, elle est également le reflet de ses difficultés externes à rayonner.
[...] L'enseignement de l'histoire anticipe donc les reproches qu'on peut adresser à la république en mettant en avant tout ce qu'elle a de juste et de bon. L'histoire enseignée révèle donc les difficultés internes de la France dans un cadre purement national. Mais placée dans un cadre mondial, la France relève le défi de retrouver sa grandeur perdue, dessein politique dont l'histoire enseignée est le relais. II L'histoire est le reflet des difficultés de la République à rayonner Le développement de l'esprit de revanche vient en réponse aux tensions de la France avec l'Allemagne On trouve dans le manuel de Lavisse une véritable exaltation guerrière. [...]
[...] Pour appuyer l'histoire, vient la géographie. La carte de Vidal de la Blache qui est en première page du manuel de Lavisse met en avant l'unité géographique de la France, à laquelle est rattachée l'Alsace-Lorraine. Ces provinces sont d'ailleurs représentées en violet, symbole du deuil. Les enfants n'auront de cesse de ressentir le manque de cette région qui porte atteinte à la France entière et qu'il faut donc récupérer. Un appel sans équivoque est lancé au élèves dans l'édition de 1912 du manuel d'histoire : le dernier paragraphe qui s'intitule devoir patriotique est très clair sur ce qui est attendu des enfants: La guerre n'est pas probable mais elle est possible. [...]
[...] La dernière phrase justifie complètement une guerre, la légitime et l'autorise car elle n'est invoquée qu'au nom de la justice, de la liberté et de l'humanisme. On retrouve aussi l'idée de la continuité de l'histoire de France évoquée plus haut. Récupérer les provinces perdues serait le moyen de redonner à la France sa puissance passée. La colonisation est proposée et expliquée aux enfants dans le même ordre d'idée. La caution de la colonisation vient en réponse à la volonté de la France de retrouver sa grandeur La France blessée en son sein par la perte de l'Alsace-Lorraine doit retrouver son statut de grande puissance mondiale. [...]
[...] Elle est le reflet des questions que se pose la France quant à son régime et à sa place dans le monde. Cependant, il n'est fait aucune mention des luttes ou tensions sociales et religieuses dans l'histoire enseignée aussi bien à l'université qu'à l'école primaire et secondaire. De la même façon qu'il a fallu attendre le courant méthodique pour étudier la révolution française, il faut attendre le lancement de la revue des Annales d'Histoire Economique et Sociale et le développement de la sociologie dans les années 1920 pour que ces questions soient mises en lumière. [...]
[...] Elle révèle la forte agitation coloniale qui règne sous la IIIème république la création d'un parti colonial, un groupe colonial à l'assemblée, les batailles d'expansion par exemple. Ainsi Ernest Renan en 1882 dans sa célèbre conférence Qu'est-ce qu'une nation ? défend la conception qui fait de la nation le produit de l'histoire, un principe spirituel qui se fonde sur l'adhésion individuelle ou collective et donc qu'elle peut assimiler de nouveaux peuples. Renan de dire la nation est un plébiscite de tous les jours, comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de la vie Ces théories se répercutent sur l'enseignement à destination des élèves. [...]
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