En quoi faire l'Histoire des femmes change-t-il le récit historique ?

Thèmes abordés

Histoire des femmes, récit historique, Révolution française, féminisme, Georges Duby, Simone de Beauvoir, Joan Kelly, Michelle Perrot, Olympe de Gouges

Résumé du document

La réalisation d'une Histoire des femmes et plus encore, l'intégration de celle-ci au récit historique est un phénomène récent qui implique de profonds bouleversements dans la construction dudit récit. Le récit historique, history, en anglais, la façon dont on raconte ce qui s'est passé, peut être défini comme une forme de narration particulière qui permet d'acquérir une culture historique. Ce récit est par conséquent le résultat d'un choix, un regard, vraisemblablement informé par le présent. Les femmes, pourtant nécessairement présentes dans la trame de l'Histoire, ont ainsi longtemps été délaissées au moment de son récit, réalisé par les hommes depuis l'Antiquité à la professionnalisation de la discipline historique au XIX° siècle.

Extraits

[...] L'intégration croissante des femmes dans le récit historique se traduit notamment par une présence grandissante dans les ouvrages réalisés par les historiens, en tant qu'objets d'étude ou de témoins, mais également dans les manuels scolaires qui font pour la plupart l'effort d'intégrer les femmes au récit historique à travers une multiplication de sources d'auteurs féminins ou représentant des femmes. Faire l'Histoire des femmes contribue ainsi à mettre fin selon différentes modalités à l'invisibilisation des femmes au sein du récit historique. [...]

[...] Des femmes longtemps mises au ban de l'Histoire Les femmes sont ainsi pendant longtemps écartées du récit historique des évènements, et ce, en raison de différents facteurs. Dans un premier temps cette absence est le résultat des mœurs et des pratiques sociales des époques considérées ainsi que la méthode historique en vigueur. Les historiens de la première heure opèrent d'abord à une sélection spatiale des évènements à intégrer au récit historique ; seuls les évènements ayant eu lieu dans l'espace public doivent être considérés. [...]

[...] Naissance d'une histoire des femmes . La naissance d'une véritable Histoire des femmes, si elle tire ses racines au XX° siècle avec l'émergence d'un féminisme revendiqué et affirmé multipliant les sources et l'intérêt associé à ces mouvements, est consacrée par l'Histoire éclatée et pluridisciplinaire qui caractérise désormais l'Histoire moderne. Un premier jalon est posé dans l'entre-deux-guerres, notamment par les historiens du socialisme qui s'intéressent de façon désordonnée aux femmes des révolutions politiques et industrielles. Flora Tristan est ainsi au centre des thèses de Jules Puech et Marguerite Thibert, elle-même figure historique désormais incontournable en raison de son rôle actif dans l'Organisation Internationale du Travail. [...]

[...] Olympe de Gouges apparaît ainsi désormais comme un acteur politique presque incontournable de la Révolution française, en partie grâce aux travaux de Michelle Perrot. De plus, en faisant émerger différentes figures féminines originales dans différents domaines, l'émergence d'une Histoire des femmes implique un éclatement dans le récit historique de la vision des femmes comme un bloc, monolithique à travers les époques. « La femme » laisse désormais place aux femmes dans le récit historique, à travers un pluriel témoignant de la pluralité des conditions et des situations des femmes, qui s'écartent désormais d'un simple rôle de mère de famille. [...]

[...] Cette écriture nouvelle de l'Histoire, qui fait une place aux femmes, est rendue possible par la conjonction de différents facteurs scientifiques, sociologiques et politiques. L'apparition dans les années 1970-1980 de « la nouvelle Histoire », courant historiographique qui anime la troisième génération de l'école des Annales, rend propice la considération des femmes dans le récit historique, tout comme leur entrée en masse à l'université. Ainsi, le mouvement féministe de la fin du XX° siècle apparaît comme un facteur politique déterminant à l'intégration des femmes dans le récit historique, remettant en cause la masculinisation de la société dans le présent, comme dans le récit du passé. [...]