Le 21 octobre 1876, sur la marge d'une dépêche de Saint-Pétersbourg dans laquelle le chancelier russe Gortchakov avait écrit au sujet de la question d'Orient, pour laquelle la Russie s'était engagée contre l'empire Ottoman « le problème n'est ni allemand, ni russe, mais européen », Bismarck avait alors noté : « Qui parle Europe a tort, notion géographique. »
Selon J.B Duroselle avec cette citation « on ne peut trouver plus admirable démonstration du déclin de l'idée d'Europe ». Depuis l'Europe du Congrès de Vienne, l'Idée européenne s'inscrit en toile de fond du siècle des nations. C'est en ce sens qu'il faut percevoir l'Idée européenne au XIXème, non pas comme une conscience d'une appartenance à une même civilisation supérieure, mais désormais comme système d'État dont l'équilibre devrait tant bien que mal se faire parmi les mouvements nationaux et les conflits incessants. Le XIXème siècle est marqué par le foisonnement d'idées européennes, que ce soit au plan politique ou culturel, avec Victor Hugo, en passant par Saint-Simon et Mazzini mais la fin du siècle semble illustrer un certain recul de ce que l'on appelle l' « européanisme » - une idéologie qui peut être considérée comme un nationalisme élargi : l'internationalisme. Les européanistes croient que les européens ont une identité commune – et le chancelier allemand Otto Von Bismarck est sans doute le plus bel exemple de ce déclin de l'idée européenne.
Ce monarchiste prussien, hostile en 1848 à l'unité allemande, a finalement réalisé celle-ci autour de la Prusse, et les auteurs ne sont pas bien d'accord pour décider s'il est « converti » à un certain nationalisme allemand, ou s'il a cyniquement exploité celui-ci pour la grandeur de la Prusse. Mais passer de là à l'unité de l'Europe, l'idée, lorsqu'il l'a entendu exposer, lui a paru grotesque.
Aussi pouvons-nous nous poser la question suivante : la conception européenne de Bismarck est-elle révélatrice de l'état de l' « idée d'Europe » à la fin du XIXème siècle, c'est-à-dire une utopie ?
Tout d'abord il convient de s'attacher à ce qu'est effectivement l'Europe à l'époque bismarckienne, puis il faut mettre en relief que l'idée européenne qui semble s'être développée depuis le « deuxième 19ème siècle » est un concept très fragile qui, finalement ne correspond pas à l'idée d'une Europe unifiée ou cohérente mais bien à une Europe de la « paix armée » dessinée par Bismarck, qui porte en elle un destin fatal.
[...] Ce monarchiste prussien, hostile en 1848 à l'unité allemande, a finalement réalisé celle-ci autour de la Prusse, et les auteurs ne sont pas bien d'accord pour décider s'il est converti à un certain nationalisme allemand, ou s'il a cyniquement exploité celui-ci pour la grandeur de la Prusse. Mais passer de là à l'unité de l'Europe, l'idée, lorsqu'il l'a entendu exposer, lui a paru grotesque. Aussi pouvons-nous nous poser la question suivante : la conception européenne de Bismarck est-elle révélatrice de l'état de l'« idée d'Europe à la fin du XIXème siècle, c'est-à-dire une utopie ? [...]
[...] Il semble donc que l'Idée européenne s'inscrive dans le cadre d'une certaine réalité de l'Europe du XIXème. Néanmoins, ce qu'il y a d'espoir et de rêve chez les penseurs du siècle laisse l'idée européenne au rang des utopies dès lors que se font évidentes les divisions du siècle des nationalités. (J.B Duroselle) III/ L'Europe de la paix armée la raison d'État bismarckienne : un germe mortel A. La conception européenne de Bismarck : l'équilibre européen De l'Europe, il subsiste quelque chose dans l'esprit de Bismarck, cette chose est la nécessité pratique de l'équilibre européen. [...]
[...] Toute la politique extérieure de Bismarck consistera donc à maintenir en Europe un équilibre, et il ne sera donc pas un nationaliste en puissance, car jamais il ne tentera d'aller à la conquête de l'Europe ni même des peuples de race allemande La politique bismarckienne par son réalisme cynique devait introduire dans la diplomatie européenne des germes fatals : l'Alsace-Lorraine, les alliances, la course aux armements. B. L'Europe des alliances, la course aux armements Bismarck s'exagérait la volonté de revanche de la France, il pensait que les Français ne pouvaient pas ne pas se préparer pour la Revanche. Aussi a-t-il vécu dans l'inquiétude ; toute sa politique, a consisté à isoler la France, à conclure des alliances contre elle, à s'armer plus qu'elle. [...]
[...] A cela se rajoute en 1865 l'Union Monétaire Latine (France, Belgique, Suisse, Italie puis Grèce, Hongrie, Autriche) qui permet une libre circulation des marchandises, capitaux et des personnes, mais aussi des conventions d'établissement sur les entreprises. C'est le Mark de Bismarck qui détruira cette union. L'économie européenne libre-échangiste qui existe dans les années 1860 ne va pas vraiment dans le sens d'une unité européenne dans la mesure où l'Europe est avant tout dans un climat militaire. Si Bismarck a toléré entre 1862-1879 la libéralisation des échanges, cela dérive de considérations empiriques et non d'une attirance quelconque pour l'Europe. En 1879 il prend la décision de rétablir des droits de douane élevés. [...]
[...] L'intérêt de l'État est donc supérieur à un intérêt européen, l'Europe n'est rien en comparaison à ce qu'est l'État. Gentz (secrétaire autrichien au Congrès de Vienne) Ma politique devient tous les jours de plus en plus égoïste et étroitement autrichienne. Le mot d'Europe m'est devenu objet d'horreur J'ai perdu toute envie d'être un Européen Bismarck ne dit pas mieux La seule base saine d'un grand État est l'égoïsme, non le romantisme. Il est indigne d'un grand État de combattre pour quoi que ce soit qui ne constitue pas une part de ses propres intérêts (1850) Dans sa réponse à Gortchakov, Bismarck exprime tout son mépris pour un concept d'Europe auquel il ne trouve aucun fondement véritable : J'ai toujours entendu le mot d'Europe prononcé par ces hommes politiques qui exigeaient d'autres puissances quelque chose qu'ils n'osaient pas revendiquer en leur nom propre L'expérience de Bismarck lui prouvait donc que le terme d'Europe n'était la plupart du temps que le masque de l'égoïsme national et étatique, variable au gré de la conjoncture. [...]
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