Le texte qui nous est proposé est un article de l'Encyclopédie, ouvrage collectif qui paraît sous la direction de Diderot et d'Alembert à partir de 1751, et qui garantit aux auteurs publiés, du fait même du halo de souffre qui entoure le livre (suspendu à plusieurs reprises), un maximum de visibilité. L'auteur en est François Quesnay (1694-1774). Fils d'avocat, médecin ayant fait une brillante carrière (premier médecin ordinaire du roi), il est le chef de file de la doctrine des physiocrates. Dans son appartement de Versailles, il reçoit souvent Diderot, Turgot, Mirabeau, et peut ainsi diffuser ses idées sur l'agriculture, ce qui lui vaut d'être appelé à rédiger cet article sur les « Grains », après avoir fait paraître celui sur les « Fermiers ». L'article Grains s'insère dans le tome 7, publié en 1757 et destiné aux élites réceptives aux idées des Lumières. A cette date, coexistent différents courants de pensée économique. Le mercantilisme qui a longtemps prévalu est battu en brêche par (...)
[...] La France vers 1750 a-t-elle négligé à ce point l'agriculture ? L'agriculture est-elle la seule source de richesse du pays ? L'abandon de l'agriculture est à nuancer : l'agriculture est encore le type d'activité dominant. La comparaison de Quesnay avec le siècle passé est erronée : le prix du blé au XVIIe siècle était plus bas qu'à son époque (les calculs de Pierre Goubert pour Beauvais et le Beauvaisis montrent une baisse au XVIIe siècle, au moins jusqu'en 1720). Au XVIIIe siècle, le prix du blé a monté sur le long terme. [...]
[...] Cette vision est également idéale. Les profits réalisés seraient ensuite réinvestis dans l'agriculture (achat de matériel au fur et à mesure que les bénéfices augmentent, investissement des fermiers) et dans les autres secteurs économiques. L'agriculture rénovée, qui, seule, produit un revenu net (les frais de production sont dépassés par le prix de vente du produit) doit tirer l'ensemble. Les principes de Quesnay peuvent être contestés, au moins sur les deux premiers points. Rien n'est moins sûr que l'augmentation des salaires ; les manufacturiers peuvent très bien, même devant la montée des prix agricoles, refuser d'augmenter les salaires. [...]
[...] Le faible prix des céréales, donc du pain, aliment essentiel de l'Ancien Régime, a des répercussions sur les salaires, qui peuvent rester bas, puisque l'ouvrier peut se nourrir malgré un maigre salaire. Ces bas salaires permettent d'obtenir des produits manufacturés peu chers. Pour Quesnay, plusieurs conséquences en découlent : - un problème moral Les bas prix agricoles ont entraîné la paresse du peuple car il se nourrit de pain à peu de frais l. 42). Il faut au contraire que le peuple soit pressé par le besoin de gagner l Vieux préjugé des élites pour lesquelles la vie à trop bon marché rend l'ouvrier fainéant, paresseux. [...]
[...] Conclusion : Avec cet article, on tient les premiers éléments de la pensée physiocrate : l'agriculture est la base de la richesse d'un pays, ce qui explique que l'on doive maintenir de hauts revenus dans le domaine agricole. Une vision agrarienne, pas sociale : l'inégalité sociale est structurelle, la propriété sacrée. Après cet article, Quesnay rédige le Tableau économique en 1758 et la Théorie de l'impôt en 1761. Ce sont les débuts d'un mouvement de grande ampleur : Mirabeau La Philosophie rurale ; Turgot Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, Mercier de la Rivière Ordre naturel et essentiel des société politiques, Dupont de Nemours, Physiocratie. [...]
[...] A cette date, coexistent différents courants de pensée économique. Le mercantilisme qui a longtemps prévalu[1] est battu en brêche par de nouvelles théories. Richard Cantillon (1755, Essai sur la nature du commerce en général) développe l'idée selon laquelle un commerce excessif se tue lui-même la trop grande abondance d'argent qui fait, tant qu'elle dure, la puissance des Etats, les rejette insensiblement mais naturellement dans l'indigence et insiste sur la nécessaire prééminence des propriétaires fonciers. David Hume (1752, Discours politique) se fait l'apôtre d'un régime de concurrence et de libre-échange. [...]
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