Le protestantisme est-il mieux armé face à la modernité que le catholicisme ?

Résumé du document

Si ces défis s'imposent de la même manière aux deux religions, sont-ils de même importance dans l'inscription de la chrétienté dans la modernité ? Le protestantisme est-il vraiment capable de s'adapter à la modernité ? Et surtout, le catholicisme, sans aucun doute en retard face au protestantisme dans l'exégèse, est-il pour autant voué à la perte au XIXème siècle ?

Nous verrons donc que l'avance relative dans l'exégèse du protestantisme ne constitue pas pour autant un atout fondamental pour lui, avant de montrer que c'est grâce à sa capacité à faire adhérer les masses que le christianisme peut réussir à s'installer dans le monde moderne

Extraits

[...] Erreurs qui se rapportent au libéralisme moderne. LXXXVII. A notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion de l'Etat, à l'exclusion de tous les autres cultes. LXXIX. Il est faux que la liberté civile de tous les cultes et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l'esprit, et propagent la peste de l'indifférentisme. [...]

[...] cela crée un terrain propice à l'affirmation du mouvement séculaire dans les sociétés. Depuis la Révolution française, la religion tend à se dissocier de l'Etat et relève de plus en plus de la vie privée. Ce mouvement de sécularisation se renforce dans la seconde moitié du XIX° siècle en Europe, du fait d'abord de la destruction de la carte politique du Congrès de Vienne et de l'achèvement en cours des mouvements nationalistes. En Italie, par exemple, l'unité se fait contre le Pape, et Cavour développe une politique relativement anticléricale, résumée dans cette formule une Eglise libre dans un Etat libre ce qui signifie que si la religion est nécessaire car garante de l'ordre moral, elle ne peut se confondre avec l'Etat qui lui seul est moteur de développement. [...]

[...] L'armée du salut en est une illustration très caractéristique : elle organise sur le modèle rationnel et centralisateur d'une véritable armée, formée en postes, puis en divisions et en territoires, jusqu'au grand quartier général de Londres avec un général à sa tête. C'est néanmoins dans la religion catholique que cette réorganisation va être la plus manifeste. La politique de Pie IX poursuivie par Léon XIII vise à renforcer considérablement l'autorité du Pape et de la capitale romaine : les séminaires nationaux se multiplient à Rome avec l'idée que les prêtres formés dans la capitale de la chrétienté transposeront dans leurs pays respectifs les valeurs romaines. Un organe officieux du Vatican, la Civiltà cattolicà tenue par les jésuites, répand les idées ultramontaines. [...]

[...] De plus, le protestantisme est souvent assimilé au capitalisme. Max Weber ne démontre t-il pas dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1905) qu'il existe une affinité entre protestantisme et capitalisme ? Si cette thèse est vivement controversée, elle a néanmoins marqué les contemporains et constitue aujourd'hui l'un des piliers de la sociologie. Face à cette modernité apparente du protestantisme, le catholicisme apparaît au contraire comme une culture sous-développée (Marou). L'image courante au XIXème siècle des catholiques est alors celle d'individus oisifs (trop de jours fériés, de pèlerinage accumulant les richesses improductives et perdant leur temps à la messe. [...]

[...] tellement libéral qu'il en renie la foi chrétienne. Cette nouvelle approche historique va donner lieu à une importante littérature sur la vie du Christ, tellement dissidente, parfois, qu'elle tend à l'athéisme. D. Friedrich Strauss est une figure caractéristique de cette tendance. Dans sa Vie de Jésus, il soutient que les Evangiles ne relatent nullement des faits historiques, mais que ces récits sont le produit de l'imagination des évangélistes. En 1872, surtout, il écrit l'Ancienne et la nouvelle foi, et pose quatre questions : Sommes-nous encore chrétiens ? [...]